Olivier Planchais est le seul enseignant de l’école d’Aurère située dans le cirque enclavé de Mafate à La Réunion. Trois heures de marche sur un sentier parfois escarpé lui sont nécessaires le lundi matin pour rejoindre ses cinq élèves scolarisés de la petite section de maternelle au CE2. Cette classe unique permet au professeur de déployer une pédagogie qui s’adapte aux besoins de chacun. Ce cadre isolé et atypique, au plus près de la nature, n’en fait pas pour autant une école si différente. Grâce aux outils numériques connectés, les élèves sont ouverts au monde comme leurs camarades des bas de l’île, et nourrissent les mêmes rêves et espoirs.
La transcription de cet épisode est disponible après les crédits.
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Extra classe, des podcasts produits par Réseau Canopé.
Émission préparée et réalisée par : Louis Compoint
Directrice de publication : Marie-Caroline Missir
Coordination et production : Hervé Turri, Luc Taramini, Magali Devance
Mixage : Laurent Gaillard
Secrétariat de rédaction : Aurélien Brault
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Transcription :
[Bruits de pas]
Nous descendons depuis une heure et demie depuis le sentier Scout et là on va faire une petite pause pour admirer un point de vue sur Mafate. Et, ensuite, il nous restera à peu près une heure et demie pour gagner l’îlet Aurère.
Donc là on a fait une petite pause devant le panorama assez incroyable qui donne sur le cirque de Mafate. On aperçoit Aurère là-bas, au pied du Piton Cabris. Et puis différents îlets qui se retrouvent un peu… complètement isolés même, à flanc de remparts.
Je suis Olivier Planchais, je suis enseignant à l'école d’Aurère. J'ai une classe unique, une très petite classe avec un petit effectif de cinq élèves seulement, de la petite section jusqu'au CE2. L'îlet d’Aurère, c'est un petit village isolé dans le cirque de Mafate. Il y a à peu près 80 à 90 personnes. Le seul accès, c'est à pied. On est obligés d'emprunter les sentiers de montagne qui ne sont pas tous faciles.
[Extrait 1 : Olivier Planchais s’adresse à ses élèves]
« OLIVIER PLANCHAIS : Alors je vous donne le texte en entier, d'accord ? Il y a deux chapitres. Je vais vous laisser le lire un petit peu, vous allez en prendre connaissance et après on fera une lecture à voix haute du chapitre 1 déjà, d’accord ? »
[Fin de l’extrait]
J'aime enseigner à Aurère parce qu’on est quand même dans une classe assez spéciale, avec un petit effectif, avec du temps pour chaque enfant. Cette année, c'est ma troisième année dans la classe donc je les suis. Par exemple, mes deux élèves de grande section, qui sont arrivés en petite section, je les vois grandir. L'année prochaine, on va passer sur la lecture. On s'attache finalement à ses élèves, à les voir évoluer.
[Extrait 2 : exercice de lecture]
« OLIVIER PLANCHAIS : Qui veut commencer ?
UN ÉLÈVE : Moi !
OLIVIER PLANCHAIS : Alors, chapi… Quelle ou quelle partie ?
L'ÉLÈVE : Les deux !
OLIVIER PLANCHAIS : Ah les deux déjà ? Ok !
L'ÉLÈVE : Il était une fois dans un…
OLIVIER PLANCHAIS : Alors, tu as oublié le titre du chapitre.
L'ÉLÈVE : “Chapitre 1 : Une terreur nommée”…
OLIVIER PLANCHAIS : Alors, là c'est un petit peu difficile, je dirais Sun Tzu. »
[Fin de l’extrait]
On a beaucoup de temps à passer avec un élève avec lequel on va pouvoir voir où se trouve le problème assez rapidement, dans un exercice de mathématiques ou en français. On passe du temps, on voit tout de suite où se trouve le problème. On n'est pas forcément obligés de passer par de longues évaluations. On a la chose en direct parce qu’on est avec eux. Avec deux CE2, avec un exercice de lecture comme on a fait tout à l'heure en français, on va voir tout de suite où se trouve… Alors, c'est vrai que c'est un luxe. Quand on a une classe de 20-25 élèves , on ne voit pas la chose à remédier tout de suite.
[Extrait 3 : exercice de lecture]
« OLIVIER PLANCHAIS : Alyson
ALYSON : Après quelques minutes, Sun Tzu reprit ses esprits et recommença à grogner. L’ourse blanche l’ignora, ce qui est…
OLIVIER PLANCHAIS : Eu !
ALYSON : Ce qui eu effet…
OLIVIER PLANCHAIS : Pour effet !
ALYSON : Pour effet de l’énerver. »
[Fin de l’extrait]
Le petit problème de ces effectifs est justement le manque d'émulation, parfois une petite tendance à s'endormir un peu, et c'est vrai que l'arrivée probable d'un troisième élève en CM1 l'année prochaine serait une bonne chose.
[Extrait 3 : exercice de récitation]
« OLIVIER PLANCHAIS : On essaie d’écouter un petit peu.
JAMILA : C’est moi en premier.
OLIVIER PLANCHAIS : Et après tu vas faire. Très bien. “Hier, c'était dimanche. Aujourd'hui, c'est lundi. Demain, ce sera mardi.” À toi.
JAMILA : “Hier, c'était dimanche. Aujourd'hui, c'est lundi. Demain, ce sera mardi.”
OLIVIER PLANCHAIS : Bravo, c’est bien ! C’est bien Jamila. »
[Fin de l’extrait]
Mes élèves, à Mafate, vivent quand même dans un univers particulier en pleine nature et ils ont ce regard assez aiguisé sur leur environnement. Bon après, c'est sûr que la 4G est maintenant parmi nous et qu’on n'est pas complètement isolés comme ça pouvait l'être il y a une vingtaine d'années où les classes n'étaient pas équipées comme elles le sont maintenant. Maintenant, on a un TNI, des tablettes, des ordinateurs, un photocopieur qui est super. Ça a quand même bien changé en vingt ans. Et, même si on se retrouve dans cet endroit qui paraît un peu hors du temps, on est complètement connectés.
[Extrait 4 : exercice ludopédagogique sur une tablette]
« OLIVIER PLANCHAIS : Alors, on va essayer, les filles. Donc là, Éva-Rose et Jamila, on va prendre une tablette et on va essayer de créer des animaux imaginaires et de trouver leur nom, d’accord ? En fonction des syllabes. »
[Fin de l’extrait]
Ce que j'aime aussi, c'est ce rapport avec les parents. On a un rôle un petit peu différent par rapport aux écoles sur la côte. C'est vrai qu'on a un rôle social. Parfois, quand ils ont des petits problèmes administratifs, ils peuvent nous le demander. Je trouve qu'on a aussi ce statut… Moi, j'ai l'impression d'être respecté ici. Je ne sais pas si c'est encore le cas dans toutes les écoles en bas.
L'année prochaine, j'entamerai donc ma quatrième année dans cette école et je ne sais pas si je continuerai par la suite. C’est vrai que je me pose des questions, je ne me vois pas enseigner [ici] une dizaine d'années. Je pense qu'à un moment donné je vais redescendre dans les Bas. À la fois, je pense que ce n’est peut-être pas mal pour les élèves de ne pas avoir forcément le même enseignant pendant toute leur scolarité. Puis j'aspire aussi à retrouver une vie un petit peu plus classique après. Le jour où je quitterai Mafate, il y aura un gros pincement au cœur. Ça, c'est certain.
[Extrait 5 : chanson des élèves]
« ÉLÈVES : La Rénion in ti péï, li lé dan la mer
Si son kèr, lé plein flèr
[…]
La Montagne, i pli son rein
O soleil, i chauffe son dos
Dan son kèr, li pri bon dié
Po fé tomb' farine la pluie
Ha ha ha ha
Ha ha ha ha. »
[Fin de l’extrait – La montane, Baster]
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