Sweat à capuche, boucle d'oreille et tatouage, Antoine Carrier, 36 ans, ne correspond pas d’emblée à l’image que beaucoup se font de l’enseignant. Ce professeur de mathématiques passionné de musique a décidé de conjuguer ses deux passions et fait le buzz sur YouTube et TikTok sous le nom de scène d'A'Rieka avec ses vidéos Rapémathiques. Dans ses clips de trois minutes, il rappe sur les notions du programme qu’il aborde avec ses élèves dans le but principal de leur faciliter les révisions et d'aborder une nouvelle leçon. Un outil ludique pour enseigner autrement et stimuler l'engagement des élèves.

  • A’Rieka, site officiel d’Antoine Carrier, professeur de maths et rappeur.


La transcription de cet épisode est disponible après les crédits.

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Extra classe, des podcasts produits par Réseau Canopé.

Émission préparée et réalisée par : Jean-Paul Fillit

Directrice de publication : Marie-Caroline Missir

Coordination et production : Hervé Turri, Luc Taramini, Magali Devance

Mixage : Simon Gattegno

Secrétariat de rédaction : Marie-Astrid Leroy-Audo

Contactez-nous sur : contact@reseau-canope.fr

© Réseau Canopé, 2022

Extraits 1 et 3 : © Carrier Antoine. A’Rieka, Construction d’un triangle (connaissant ses trois longueurs), série Rapémathiques, production Cogway, 2022. En ligne sur YouTube.


Transcription :

Je m'appelle Antoine Carrier, j'ai 36 ans. Je suis professeur de mathématiques depuis maintenant treize années. C'est ma quatorzième. En parallèle, je fais du rap. Je suis donc rappeur sous le pseudonyme de A’Rieka.

J'ai commencé à enseigner à Stains, en banlieue parisienne. Et puis ça fait cinq ans que je suis redescendu en banlieue bordelaise, à Blanquefort. J'ai mes projets musicaux personnels, mais j'ai aussi développé le projet Rapémathiques qui consiste à allier rap et maths pour faire réviser les élèves en musique et avec le sourire.

[Extrait 1 : séance de classe]

« ANTOINE CARRIER : On va utiliser ça en plusieurs étapes. Je vais vous la mettre sans rien vous expliquer au début. Vous allez me dire ce que vous avez retenu de la vidéo, et puis après, on essaiera d'illustrer ça au tableau.

[Extrait de la chanson d'A'Rieka, Construction d’un triangle (connaissant ses trois longueurs), série Rapémathiques, production Cogway, 2022]

“Allez ! Ok, construction d'un triangle, connaissance des trois longueurs, ok !

Aujourd'hui on va apprendre à construire un triangle.

Suivant les valeurs qu'on te donne, les méthodes sont différentes.

Dans cette chanson, c'est le premier cas, on te donne ces trois longueurs.

Avant toute chose, fais un schéma. T'inquiète, ça dure pas trois heures !

Trace un triangle à main levée et puis tu le nommes.

Tu mets une lettre sur chacun de ses sommets.

Il reste plus qu'à rajouter les longueurs qu'on te donne.

Ton schéma, tu le complètes, une fois qu’tout ça, c'est terminé.”

ANTOINE CARRIER : Stop ! Donc là, maintenant, à vous de me dire ce que vous avez retenu un petit peu de la vidéo. »

[Fin de l’extrait]

Alors l'idée, je l'avais un petit peu déjà depuis quelques années, mais en vrai, c'est une association de quartier qui fait pas mal d'aide aux devoirs et qui s'occupe des jeunes de Blanquefort, en fait. Dans cette association, il y a maintenant un ami qui s'appelle Jérôme Avril, qui m'a un peu soufflé l'idée, qui m'a dit : « Ça ne te dirait pas d’allier un petit peu tes deux passions que sont les maths, enfin enseigner les maths surtout, et le rap ? » Et, du coup, il a fallu que l'idée germe un petit peu dans ma tête. Et quand la formule m'est apparue, je me suis dit : « Ah ouais, d'accord, il y a un truc vraiment bien à faire comme ça ! » Donc, à la base, les Rapémathiques, c'est fait pour réviser. Maintenant, ça a été détourné par pas mal de jeunes qui s'en sont servis pour comprendre certaines notions, en fait.

Alors j'ai commencé à travailler de mon côté tout seul. J'avais demandé l'autorisation, au préalable, à mon chef d'établissement qui m'avait dit : « Oui, si c’est à visée pédagogique, pas de souci. » En revanche, il voulait regarder quand même avant pour valider. Et c'est tombé l'année où je me suis fait inspecter. Donc l'inspectrice, une fois l'entretien fini, j'ai voulu lui en parler pour savoir si elle validait aussi le projet, elle m'a dit : « C'est super, il faut continuer. »

Donc moi, le plus souvent, je m'en sers. Je prends un lien, je le mets sur Pronote et je leur dis : « Vous pouvez réviser cette notion-là grâce à ce lien. » Après, j'ai vu que certains élèves arrivaient à comprendre grâce à ça et, en cours, j'ai vu les élèves vraiment attentifs face à une vidéo comme ça.

Au début, moi j'étais vraiment tout seul, c'est-à-dire que j'écrivais d'abord la chanson et je me disais : « Je vais faire une petite “instru” dans le but de laisser le plus de place possible au texte », parce que c’est le texte quand même le plus important, surtout dans les Rapémathiques. Après, j'enregistrais dans mon studio, je faisais mon mixage. Après, on passait à la partie « Clip ». Du coup, je me mettais face à mon tableau et je tournais mon clip pendant une après-midi, en général. Puis je faisais le montage aussi des clips. Et ensuite est arrivé un ancien de l'Éducation nationale qui m'a connu sur internet et qui m'a dit : « Moi, ton projet, je le trouve super. Si tu veux, je t'aide et je te fais les “instrus” et le mix. »

Alors les avantages que ça peut procurer aux élèves : donc déjà, si c'est utilisé en classe, eh bien, ça attire vraiment leur attention, ils sont vraiment concentrés. Après, quand les élèves les utilisent à la maison, ils ont toujours un support avec lequel ils peuvent réviser, même s'il y a déjà beaucoup de supports qui existent sur internet.

Du coup, les élèves se le remettent plus facilement aussi en boucle à la maison quand ils n'ont pas compris quelque chose, comme il y a la chanson qui vient, des choses qui restent en tête et, du coup, certains arrivent mieux à comprendre peut-être certaines choses.

Après, ce n’est pas une formule magique pour tous les élèves, quand même. Moi j'ai déjà eu des commentaires qui me disaient : « Ouh, ça va un petit peu vite ! », « Je ne comprends rien avec la musique. » Mais c'est vrai que la majeure partie des commentaires sont : « Ah ouais, j’ai bien réussi à comprendre grâce à ça, c'est super ! », etc. Donc, surtout en fin d'année, quand j'en ai vu certains qui étaient un petit peu paumés, c'est une fiche de révision, en fait, c'était très synthétisé dans cette fiche de révision. Mais c'est vrai que j'ai vu certains de mes élèves progresser grâce à ça.

[Extrait 2 : témoignages d’élèves]

« ÉLÈVE 1 : Eh bien, je trouve que c'est bien et que ça donne envie aux élèves de faire des maths.

ÉLÈVE 2 : Quand je n'y arrive pas, je repense aux musiques, je les mets dans mes… je prends mes écouteurs, je les mets dans mes oreilles.

ÉLÈVE 3 : Je trouve qu'on a de la chance de l'avoir ! »

[Fin de l’extrait]

Mes collègues de maths ont très bien pris le concept et je pense qu'ils s'en servent aussi de temps en temps pour faire réviser les élèves, peut-être aussi dans leur classe. Il y a mes collègues au sein de l'établissement, mais il y a aussi plein de collègues dans la France et, en France, il y a quand même pas mal de professeurs qui me font de super retours.

Comme d'habitude, ça n'a pas forcément fait toujours l'unanimité et j'ai en souvenir deux, trois anecdotes où les collègues me disaient : « Ouais, ça décrédibilise un petit peu la profession ! », etc. Mais bon, on va dire que 99 % des commentaires, c'était pour m'encourager à continuer, me remercier de tout le temps que je passais à faire mes vidéos et me dire que c'était très utile pour leurs élèves et pour animer leurs cours.

Sur internet, moi j'ai régulièrement soit des instituteurs, soit des professeurs qui me disent : « Oui, alors, ce ne serait pas possible qu'on bosse ensemble, fasse un projet ? » Évidemment, ça me prend beaucoup de temps les Rapémathiques, donc je n'ai pas pu dire « oui » à tout le monde. Mais, cette année, j'ai accepté deux projets : un avec une école primaire et un avec un collège, avec qui, normalement, on va essayer de faire écrire des Rapémathiques aux élèves, les faire enregistrer, leur faire tourner le clip, leur montrer comment on monte le clip, leur montrer tous les [secrets de fabrication] d’un Rapémathiques.

Moi, j'ai déjà l'habitude de faire ça en atelier « Rap » sur des sujets qui n'ont rien à voir avec les maths, des sujets plutôt de société. L'année dernière, on a fait quelque chose sur le harcèlement, l'année d'avant sur l'écologie. Une année, on avait fait sur l'intergénérationnel et, après, on avait fait enregistrer les élèves, on leur avait montré les premières techniques, les premiers rudiments pour rapper devant un micro.

Du coup, dans ces projets, déjà, ils découvrent comment on écrit une chanson, c'est-à-dire la structure, un refrain, les couplets, etc. Ils voient tout le travail qu'il y a avant. Et on va dans un studio pour enregistrer. Donc ils découvrent un petit peu le monde du studio. Puis, après, il y a tout le côté « clip », comment on tourne un clip, le montage aussi. Ils vont développer ce qu'on appelle plein de compétences transversales, du coup. Et, dans ce genre de projets, c'est aussi ce qui est très intéressant.

J'adore ça, je le fais par passion parce que j'adore écrire, j’adore rapper, j'adore enregistrer, j'adore faire mes clips et les monter moi-même. Donc, même si ça prend énormément de temps, c'est du temps que j'adore passer à faire ce genre de projet.

Et puis j'adore le rendu final. Moi, quand je vois un clip qui est enfin terminé, avec la belle musique, bien mixée, tout ça, je me dis : « Ouh, ça, j’aime bien ! » La joie de voir que certains profs me disent « merci », que j'aide certains élèves, rien que pour la satisfaction personnelle d'avoir produit ce genre de vidéo, je continuerai. Du moins, je continuerai tant que j'aurai assez de temps pour moi…

[Extrait 3 : extrait de Construction d’un triangle (connaissant ses trois longueurs)]

« Tu reportes les deux longueurs qui t’restent sur chacune des extrémités.

Là où se coupent les arcs de cercle, c’est le dernier sommet. »

[Fin de l’extrait]