Oser l’usage de robots en maternelle, c’est le défi que s’est lancé Cannelle Parodi, jeune enseignante férue de nouvelles technologies, afin de susciter la motivation chez ses élèves.

Loin d’un outil gadget, la robotique éducative permet aux plus jeunes de rentrer dans une démarche d’investigation afin d’aborder la résolution de problèmes dans la créativité et surtout, le tutorat entre pairs. Ce projet innovant offre à l’enseignante la possibilité de travailler des compétences fondamentales dès le plus jeune âge, et de donner aux petites filles le goût pour une discipline que l’inconscient collectif destine plutôt aux garçons.


La transcription de cet épisode est disponible après les crédits.

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Extra classe, des podcasts produits par Réseau Canopé.

Émission préparée et réalisée par : Aurélie Dulin

Grâce à l'appui technique de : Armel Sallan

Directrice de publication : Marie-Caroline Missir

Coordination et production : Hervé Turri, Luc Taramini, Magali Devance

Mixage : Simon Gattegno

Secrétariat de rédaction : Blaise Royer

Contactez-nous sur : contact@reseau-canope.fr

© Réseau Canopé, 2022


Transcription :

Je m’appelle Cannelle Parodi. Je suis enseignante depuis six ans à l’école maternelle Gambetta de Talence. J’enseigne dans une classe de double niveau moyen-grand.

L’idée de travailler la robotique en maternelle a commencé déjà dans mon parcours personnel. Quand j’étais petite, je regardais E=M6, avec les concours de robotique. Et c’est vrai que ça m’a toujours plu, mais je n’ai pas eu un parcours qui m’a permis d’explorer [ça davantage]. Et quand je suis arrivée dans cette école, il y avait un papa, qui était enseignant dans une classe prépa, qui avait offert un [robot éducatif] Thymio à l’école.

Quand je suis arrivée, j’ai vu l’engouement et tout ce que ça pouvait amener dans la classe. Et je m’en suis saisie pour essayer de monter un projet. Et le projet s’est développé en projet Cardie [Conseil académique en recherche-développement, innovation et expérimentation] pour essayer de construire une véritable progression sur le cycle 1, voire le cycle 2 et plus tard le cycle 3.

[Extrait d’une séance de classe]

« CANNELLE PARODI : Alors on commence le petit atelier. Alors, qu’est-ce que je vous ai amené aujourd’hui ?

UN ÉLÈVE : Thymio.

CANNELLE PARODI : Qu’est-ce que c’est Thymio ?

L’ÉLÈVE : Thymio, c’est un robot, mais lui, il est cassé.

CANNELLE PARODI : Et pourquoi je vous l’ai amené cassé, du coup ?

L’ÉLÈVE : Pour montrer ce qu’il y a à l’intérieur.

CANNELLE PARODI : Alors comment on va faire ? On ouvre ?

LES AUTRES ÉLÈVES : Oui.

CANNELLE PARODI : Alors regardez. Ça… »

[Fin de l’extrait]

La construction de la posture de tutorat a été réalisée en deux phases. D’abord, en atelier, avec moi, en petits groupes, les enfants ont pu expérimenter la construction d’une phrase de programmation « Si…, alors… », avec des petites étiquettes, qui correspondent au programme préenregistré dans Thymio. Par exemple, en mode « peureux » : Si je mets la main devant, alors Thymio s’enfuit. Donc on a travaillé le vocabulaire, on a travaillé le débit de voix, on a travaillé le volume de la voix, apprendre à laisser faire l’autre. On s’est entraînés, ils se sont entraînés entre eux.

Et la deuxième phase, c’est le tutorat, vraiment, en binôme avec des enfants qui n’ont jamais utilisé Thymio. Et donc cette démarche de phrases de programmation qui étaient préconstruites sur des petites fiches a permis aux enfants de verbaliser les actions, de verbaliser les phrases programmes pour que les autres élèves puissent manipuler Thymio avec la gestuelle.

[Extrait d’une séance de classe]

« CANNELLE PARODI : Katlyn, elle t’explique comment on fait fonctionner Thymio. Tu écoutes les explications ? Alors vas-y.

UNE ÉLÈVE : En fait, on doit appuyer au milieu très longtemps pour allumer.

CANNELLE PARODI : Tu as réussi ? Regarde, maintenant, il va falloir que tu trouves toutes les couleurs. Est-ce qu’elle a fait ça, toutes les couleurs ?

L’ÉLÈVE : Tu appuies sur les flèches et tu dois mettre jusqu’au rouge.

CANNELLE PARODI : Tu essayes ? [bruit du robot] »

[Fin de l’extrait]

J’ai un parcours qui n’est pas linéaire, effectivement. Il y a eu quelques échecs qui m’ont permis de réfléchir au fonctionnement cognitif. Je me suis rapprochée des neurosciences, des sciences cognitives pour essayer de comprendre un petit peu pourquoi, à certains moments, le cerveau n’arrive pas à donner le meilleur de lui-même. Moi, ça m’a permis, en tant qu’enseignante, de me rapprocher de la difficulté scolaire pour essayer d’amener des pratiques qui permettent aux enfants d’être en réussite, surtout d’avoir du plaisir et d’avoir une première expérience avec la scolarité qui soit efficiente.

Dans ma classe, je vois un réel bénéfice au niveau du climat scolaire. Avec la robotique, on peut amener des enfants qui ne sont pas forcément en réussite sur des tâches scolaires typiques. Mais là, avec des projets qui sont pluridisciplinaires, les talents de chaque enfant peuvent être mis en valeur et du coup, l’enfant a une estime de soi qui est augmentée. Ça aide à ce que l’enfant soit dans une posture positive et qu’il avance dans les autres apprentissages. Donc ça aide les enfants à se sentir bien. Et un enfant qui se sent bien à l’école, il donnera le meilleur de lui-même.

[Bruit de robot]

Le fait de proposer une pratique précoce aux activités numériques va vraiment permettre d’ancrer les représentations dans une pratique non genrée. Ça va être un vrai combat de proposer une égalité d’accès aux métiers du numérique autant aux filles qu’aux garçons. Plus on le fait rapidement dans la scolarité, plus ces représentations vont se déconstruire et on va donner la possibilité aux filles d’expérimenter et [de pouvoir] véritablement s’épanouir dans ces ateliers du numérique.

[Extrait d’une séance de classe, on entend le robot rouler]

« CANNELLE PARODI : Et qu’est-ce qui se passe là, Pauline ?

L’ÉLÈVE : Il enlève les obstacles.

CANNELLE PARODI : Il enlève les obstacles ? Tu es sûre ? C’est enlevé ?

L’ÉLÈVE : Non, il contourne les obstacles.

CANNELLE PARODI : Il contourne. Exactement. Si tu mets la main, qu’est-ce qui se passe ? Il contourne l’obstacle. Essaie, toi, avec ta main. Tu vas voir ce qui se passe. »

[Fin de l’extrait]

Le projet tourne essentiellement, quand même, autour du langage, et la posture de tutorat permet aux enfants de développer la syntaxe. [Durant] ces moments-là, ils sont obligés d’argumenter, d’échanger, de questionner et de développer le langage oral, quelque chose qui va être très important dans leur scolarité future.

On voit que sur des situations d’apprentissages fondamentaux classiques, au bout de vingt minutes, je perds souvent l’attention et la motivation des enfants. Là, on est sur des durées qui peuvent aller jusqu’à une heure, où les enfants sont actifs du début jusqu’à la fin. On voit que ça tient les élèves effectivement, dans la motivation, dans la persévérance.

L’organisation de la proposition pédagogique sur la robotique, elle est en vraie construction. Ça va faire la cinquième année et je suis toujours en recherche de trouver le bon timing dans la proposition des robots, dans la fréquence, dans la période. Ce sont les enfants qui vont m’aider un peu à faire ces choix-là. C’est-à-dire que si la motivation baisse, il va falloir que j’écarte un petit peu les séances, que j’intercale plus de robots différents sur une même période. C’est quelque chose qui se construit. Et je n’ai pas encore trouvé la séquence idéale.

[Extrait d’une séance de classe]

« ÉLÈVE 1 : Là, c’est pour faire tourner les roues. Et là, c’est la batterie.

ÉLÈVE 2 : Ce n’est pas pour faire tourner les roues, c’est « actionner » les roues.

CANNELLE PARODI : Exactement, ça s’appelle comment ?

ÉLÈVE 2 : Un moteur.

CANNELLE PARODI : Et il en a combien ?

LES DEUX ÉLÈVES : Deux.

CANNELLE PARODI : Deux. Il actionne les… ?

LES DEUX ÉLÈVES : Les roues. »

[Fin de l’extrait]

Quand on est enseignant, on a besoin de nouveaux défis. On a besoin d’ouverture. On a besoin de créer de nouveaux réseaux. Et la robotique éducative peut être construite comme une vraie chance de nouvelle expérience. C’est stimulant et ça nous permet aussi de créer du lien avec des nouvelles personnes. Et c’est ce que je transmets à mes élèves, ce qui me permet d’être dans une classe où c’est le plaisir. Voilà : on est dans le plaisir, on est dans le vivre-ensemble, faire des choses qu’on partage. C’est chouette.