Laurent Lefebvre enseigne la pâtisserie en lycée professionnel depuis presque vingt ans. Après une carrière en tant que pâtissier dans des restaurants parisiens étoilés puis auprès d’un boulanger-pâtissier, ce meilleur apprenti de France a choisi de transmettre sa passion en l’enseignant. Dans ce métier très technique, Laurent a très vite compris l’intérêt de la photo et de la vidéo. Quand il a fallu préparer ses élèves à la présentation orale de leur chef-d’œuvre, c’est donc tout naturellement qu’il a pensé à les filmer. Chaque élève est ainsi amené à faire une capsule vidéo sur son projet. Nous vous proposons de suivre Laurent dans son atelier du lycée pour mieux comprendre comment ces médias s'intègrent à sa pédagogie et à la réussite de ses élèves.

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Extra classe, des podcasts produits par Réseau Canopé.

Émission préparée et réalisée par : Fanny Milhe Poutingon

Directrice de publication : Marie-Caroline Missir

Coordination et production : Hervé Turri, Luc Taramini, Magali Devance

Mixage : Myriam Naciri

Secrétariat de rédaction : Aurélien Brault

Contactez-nous sur : contact@reseau-canope.fr

© Réseau Canopé, 2023


Transcription :

Je m’appelle Laurent Lefebvre, je suis enseignant pâtissier au lycée Georges-Baptiste à Canteleu [76], sur les hauteurs de Rouen, depuis bientôt vingt ans.

J'ai été apprenti pendant deux années, j'ai fait quelques concours et j'ai fait un brevet de maîtrise. Après, je suis parti sur Paris pour mon service militaire. Et puis j'ai fait quelques maisons en desserts sur assiette, sur la butte de Montmartre, où j'ai vu de jolies personnes. Puis je suis remonté dans le département de l'Eure où j'ai été pâtissier dans une grande boulangerie-pâtisserie. Et j’ai commencé à retourner un peu à mes sources dans l'établissement d'origine pour corriger quelques examens puis donner quelques cours.
Et puis les amplitudes horaires ont fait que, physiquement, je ne pouvais plus faire les deux. On m'a proposé un premier poste en CFA [Centre de formation d'apprentis]. Ça s'est super bien passé et j'ai appris qu'il y avait la possibilité d'être enseignant dans l'Éducation nationale. Donc j'ai présenté un concours et je l'ai obtenu.

[Extrait 1 : Laurent Lefebvre donne des consignes à ses élèves pâtissiers]

« [Bruit d'un ustensile tapoté sur le rebord d'un récipient] On tapote un petit peu au bord. [Bruit de moteur d'un appareil de cuisine] Donc là, on est sûrs de notre coup hein, les petites particules de farine sont bien protégées par le gras. Donc la méthode utilisée, c'est le sablage. Allez, on met les œufs en une fois ! »

[Fin de l’extrait]

J'enseigne sur les classes de CAP, sur les classes de bac pro – CAP, deux ans, et bac pro, trois ans. Dans ces deux diplômes, il y a une partie chef-d’œuvre. On les prépare directement en CAP. Quand les élèves entrent en CAP, le chef-d’œuvre se met en place directement. Tandis que pour les bac pro, sur la première année de 2de, il n'y a pas de chef-d'œuvre, c'est enclenché une année plus tard. Donc ça nous laisse le temps de prévoir une thématique puisqu'on leur donne quand même un chemin choisi par l'équipe enseignante.
Et puis, sur ce chemin, viennent se greffer les idées des élèves. Donc là, il y a une partie création qui est très intéressante. Ce sont des moments qui sont vraiment très chouettes à vivre avec nos élèves.

La finalité du projet chef-d’œuvre, c'est d'amener une discussion entre un membre de jury constitué de moi-même – le professeur de pratique – et puis d'une personne de l'enseignement général. Il y a un échange verbal, un dialogue à mener, une présentation, une argumentation commerciale pour présenter le choix de leur produit.

[Extrait 2 : échanges entre Laurent Lefebvre et un de ses élèves pendant un atelier]

« [Bruits d’ustensiles de cuisine]

LAURENT LEFEBVRE : Oui. Voilà, l’angle est impeccable. Vous vouliez faire quoi vous ?

UN ÉLÈVE : Donc là, on râpe le gruyère, on remet à tourner.

LAURENT LEFEBVRE : D’accord. La totalité du gruyère ?

L’ÉLÈVE : Oui.

LAURENT LEFEBVRE : D’accord.

L’ÉLÈVE : Après, on coupera en deux.

LAURENT LEFEBVRE : Oui. J’ignorais que vous vouliez faire comme ça, pas de problème. Moi ce que j'apporte là, c'est la démarche de pétrissage et après on arrive sur la démarche de créativité de votre part. Donc on a une belle structure, c'est vraiment bien imité, la couleur est sympa. Donc l'idée – après dégustation –, c'est qu'une fois que c'est calé, on va filmer la totalité de votre réalisation de A à Z pour vous préparer à la partie de l'épreuve orale chef-d’œuvre puisque vous allez être amené à présenter votre produit et l'apport d'apprendre à se filmer va vous permettre d'être beaucoup plus à l'aise à l'élocution le jour J. »

[Fin de l’extrait]

On a mis en place un outil – un petit studio d'enregistrement –, sur lequel les élèves peuvent être autonomes. L'idée est qu'ils arrivent à se filmer, à monter le plus rapidement possible les petites capsules vidéo de leurs argumentations commerciales finales. Je pense – et j'en suis même persuadé –, que l'enseignant ou que l'élève, lorsqu'il fait une photo, lorsqu'il fait une vidéo, il fait attention à plein de choses. Lorsqu'on la diffuse sur les réseaux, on fait attention à ce que ça soit soigné. Donc le cadrage de la photo, c'est pareil, c'est une action qu'on mène avec les élèves. Pour moi, le téléphone portable est constamment présent. Lorsqu'un élève rentre chez lui avec sa photo, il est heureux de montrer les choses. Encore une fois, c'est partagé, ça peut donner une émulation. C'est-à-dire que quand un élève partage son [produit], on dit : « Waouh, il a fait ça, j'ai envie de faire ça. » Et clac, l'amorce se fait, je dirais assez naturellement. Je pense que c'est vraiment quelque chose d'important même si c'est énergivore en temps pour la préparation du « terrain », du studio, la prise de son, les images, le montage vidéo, les intros et puis l'hébergement. J'essaie de le faire pour tous les élèves, si un élève est volontaire – encore une fois c'est pour les aider. Donc dès qu'ils sont prêts, dès qu'ils ont envie, ils le font. Et là, encore une fois, s'il y en a un qui l'a fait, hop, certains sortent de leur timidité et viennent proposer des choses.

[Extrait 3 : Une élève enregistre une vidéo de présentation]

« [Conseil de Laurent Lefebvre avant l’enregistrement] Tu vois, on peut faire plusieurs prises, ne t'inquiète pas, fais comme tu le sens. C'est parti.

LOUMÉ : Bonjour, je suis élève au lycée Georges-Baptiste et nous avons un projet chef-d'œuvre qui consiste à éviter le gaspillage et à utiliser des produits du circuit court. Donc aujourd'hui on a fait des cookies sucrés-salés. »

[Fin de l’extrait]

Les élèves arrivent chez nous en classe de 24. Ils évoluent ensemble. L'idée, c'est de les mener tous ensemble le plus loin possible, d'instaurer l'entraide. C'est vraiment important de ne jamais faire de différence entre les élèves, qu’ils soient heureux de venir en cours, qu’ils disent : « Waouh ! On va en pratique. » Ça, c'est super important. Et quand on l'entend dans les couloirs, c'est juste génial. Donc cet échange avec les élèves, j'essaye de faire en sorte de le maintenir sur les trois années même si on ne les a pas toujours. L'idée, c'est aussi de changer l'enseignant, de voir des techniques différentes, c'est important. Mais avant tout qu'ils soient heureux, heureux d'apprendre, de tenter, d'essayer. Et, encore une fois, je reviens à la pédagogie de l'erreur. Le principal, c'est d'être là pour leur dire : « Tiens, il y a telle erreur. Pourquoi ? » Et lorsque l'élève dit et sait pourquoi l'erreur a lieu, je dirais que c'est gagné. Ils doivent être capables de « s'autocorriger » sur leurs pratiques professionnelles en fin de parcours, de comprendre ce qui se passe : « J'ai fait une recette, j'ai mis tel produit en plus, tel produit en moins, j’ai cuit de telle manière. Le produit est plus gros, donc je vais le cuire à température moins élevée. » Voilà, tout ça, il faut du temps pour l'apprendre, il faut dès fois sept-huit ans. On n'a pas beaucoup de temps avec eux, mais le peu de temps c'est qu’ils partent armés de ces valeurs, des valeurs aussi de transmettre. Voilà. D'ailleurs, j'ai un élève qui vient d'arriver chez nous – un ancien élève –, qui est enseignant ! Et ça, c'est gratifiant pour moi de dire : « Waouh, ça y est, la roue tourne. » Donc c'est un moment chouette, vraiment chouette.

Alors, le dernier projet réalisé avec les élèves, c'était de réaliser une « galette XXL » d’un mètre vingt-cinq de diamètre. Encore une fois, ça casse un peu les codes : prise de risque, on a rencontré des problèmes de cuisson, de transport, de stockage, de rayage de surface de galette – on a utilisé un vidéoprojecteur. Ça, les gamins adorent parce qu'on casse les codes et puis la prise de risque est prise avec eux. Ça, c'est très important et ils sont tellement heureux de faire des choses différentes tout en respectant le cadre et le référentiel – ça, c'est extrêmement important. Donc il y a toujours des nouveaux projets, des nouveaux défis à mener. Ils sont toujours volontaires. On a des élèves qui ont la joie de vivre et qui ont envie. C'est important aussi de le dire : on a vraiment des élèves hyper motivés.