Médiathèque, espace flexible d’apprentissage, lieu de convivialité, refuge... Le CDI d’aujourd’hui cherche à répondre à de nouvelles questions : comment toucher tous les élèves ? Comment les adolescents y travaillent, s’y détendent ? Qui en sont ses premiers usagers : les élèves, les enseignants ou le professeur-documentaliste ? Hélène Mulot et Véronique Gardair nous racontent comment elles ont repensé les espaces et les fonctions de leur CDI pour en faire un environnement capacitant, centré sur le pouvoir d’agir et d’apprendre des élèves. 

Références des invitées : 

  • Gardair Véronique (coord.), Le design thinking au CDI. Des expériences pour repenser les espaces scolaires, Réseau Canopé, 2020. 
  • Carbillet Marion et Mulot Hélène, À l’école du partage. Les communs dans l’enseignement, C & F éditions, 2019 ; ecole-partage.fr, site compagnon de l’ouvrage. 
  • Mulot Hélène, « QUID #5 : le CDI, des espaces collaboratifs connectés », Archiclasse, 2021. En ligne sur archiclasse.education.fr. Fiche Quid [PDF, 4,22 Mo, 2 p.]


Inspirations des invitées : 


La transcription de cet épisode est disponible après les crédits.

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Extra classe, des podcasts produits par Réseau Canopé.

Émission préparée et animée par : Hélène Audard et Régis Forgione

Réalisée grâce à l'appui technique de l'Atelier Canopé 11 (Alain Michel) et de l'Atelier Canopé 81 (Laëtitia Barrau) 

Directrice de publication : Marie-Caroline Missir

Coordination et production : Hervé Turri, Luc Taramini, Magali Devance 

Mixage : Simon Gattegno 

Secrétariat de rédaction : Nathalie Bidart 

Extraits :

  • Documentaire 1 : CAD, c’est-à-dire le Centre d’Auto Documentation du CES de Marly-le-Roi, Jean-Jacques Jaussely (réal.), Annie Bireaud, Marie-Pierre Dupuy (auteurs), Ofrateme, 1975 (27 min).
  • Documentaire 2 : Du CDI au centre de connaissances et de culture, Carole Ghilini (réal.), Scérén-CNDP (Réseau Canopé), 2012 (4 min 50 s).
  • Documentaire 3 : Hackaton : quel CDI pour quels usages ?, Steven Pravong (réal.), Réseau Canopé, 2021 (5 min 40 s).

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© Réseau Canopé, 2022


Transcription :

HÉLÈNE AUDARD : Il est au centre de l’établissement et pourtant, il fait des pas de côté. C’est un lieu d’apprentissage mais aussi de convivialité. Il existe depuis plus de quarante ans et il reste toujours innovant. Régis, est-ce que ça pourrait être une bonne définition de notre sujet d’aujourd’hui ? 

RÉGIS FORGIONE : Mais totalement, Hélène. Bien vu ! Effectivement, à travers tes mots, les auditeurs auront compris que cet épisode est consacré au CDI, le centre de documentation et d’information, et à ses métamorphoses. Pour certains, il pourrait paraître galvaudé de parler d’un véritable laboratoire de l’innovation et pourtant, il s’y passe des choses passionnantes. 

HA : Et nous allons notamment nous intéresser à la manière dont les professeurs-documentalistes peuvent repenser les espaces et, à travers eux, les usages et leur mission. 

RF : Avec nous, deux invitées, deux « profs-doc » comme on dit – vous nous excuserez, j’espère, cette familiarité – qui vont nous parler de leur CDI et de leurs démarches pour en faire un environnement où les élèves expriment au mieux tout leur potentiel. 

HA : Et nous aurons aussi quelques archives sonores qui nous rappelleront qu’en éducation, tout est un éternel recommencement. Véronique Gardair, bonjour. 

VÉRONIQUE GARDAIR : Bonjour. 

HA : Vous êtes professeure-documentaliste au lycée Jacques-Ruffié à Limoux, dans l’Aude. Vous êtes également coordinatrice de l’ouvrage Le Design thinking au CDI. Des expériences pour repenser les espaces scolaires [Réseau Canopé, 2020], dans lequel vous relatez l’expérimentation menée dans votre établissement. 

VG : Dans plusieurs établissements parce qu’en fait, on était plusieurs à écrire et à tester cette méthode. 

RF : Hélène Mulot, bonjour. 

HÉLÈNE MULOT : Bonjour. 

RF : Alors vous êtes professeure-documentaliste au collège Saint-Jean, dans le Tarn, et vous êtes formatrice dans l’académie de Toulouse. Vous êtes également la coautrice de l’ouvrage À l’école du partage [C&F Éditions, 2019] qui traite des communs dans l’enseignement, c’est bien cela ? 

HM : C’est ça, avec Marion Carbillet. 

HA : Pour commencer, nous vous proposons un retour aux sources. Nous sommes en 1975, au collège de Marly-le-Roi. C’est un extrait d’un reportage dans le premier CDI de France. Il est appelé alors le CAD, le « centre d’auto-documentation », donc on voit bien que dans son appellation-même, c’est un projet qui met l’accent sur l’autonomie des élèves. Petite visite guidée des lieux. 

[Extrait du documentaire 1, 1975]

« LE DOCUMENTALISTE : Le CAD, c’est un hexagone de 20 mètres de côté. Nous sommes actuellement ici, dans ce hall central, qui est desservi par les différentes entrées. Ce qui fait que, quel que soit l’accès choisi par l’élève, il passe devant le fichier. Ce fichier va le renvoyer à des documents. Des documents, s’ils sont imprimés, qui sont stockés ici, dans la grande salle de lecture. Tout ce qui est document papier est ici. Si le fichier renvoie l’élève à un document non imprimé, enfin à d’autres médias, il trouvera ces documents ici, dans le stockage audiovisuel. L’élève se sert – puisque les documents sont en libre-service – en multimédia, en imprimés, et va aller travailler dans une des pièces qui sont offertes dans le CAD.

ÉLÈVE 1 : Ma sœur, elle dit que le CAD, c’est bien…

ÉLÈVE 2 : C’est l’autodiscipline.

LA JOURNALISTE : C’est l’autodiscipline ?

ÉLÈVE 2 : Oui, c’est l’autodiscipline. Et ce qui est bien, c’est que les professeurs voient ce qu’ont fait vraiment, individuellement. »

[Fin de l’extrait] 

HA : Voilà, donc on entend l’autodiscipline, l’autonomie, ce sont des choses que l’on pourrait peut-être reprendre à notre compte aujourd’hui ? Véronique, le CDI aujourd’hui, qu’est-ce que ce serait, après toutes ces évolutions successives, depuis plus de 40 ans ? Comment vous le définiriez aujourd’hui ? 

VG : Comme un lieu indéfinissable… [rires] Déjà, le mot « centre » est un peu remis en cause, puisqu’on a du mal à centraliser. Le mot « documentation » lui-même n’est peut-être pas le bon mot et le mot « information » ne me satisfait pas complètement. Donc, le mot CDI lui-même me semble dépassé, peut-être. Par contre, on peut s’amuser à demander aux élèves si le C, ce ne serait pas « curiosité, capacité, collaboration, créativité » ; si le D ne serait pas… plein d’autres choses… mais peut-être plus « centre de documentation et d’information ». C’est un lieu où l’on va quand on n’a pas cours, mais où l’on va aussi quand on a cours ; c’est un lieu où l’on ne trouve pas forcément de prof, mais qui est animé par un prof ; c’est un lieu où l’on travaille avec les autres, mais où l’on peut travailler seul ; c’est un lieu où l’on n’a pas de programme, mais où l’on peut créer le sien ; c’est un lieu où l’on peut faire ses devoirs ou, au contraire, jouer du piano. C’est très difficile de le définir. Ça s’apparente peut-être au tiers-lieu, ce troisième lieu qui n’est ni chez soi, ni le lieu professionnel. Voilà, c’est peut-être la définition la plus proche aujourd’hui. 

RF : Dans les mots clés, dans les valeurs que vous donnez, Véronique, on reconnaît ces fameuses compétences du XXIᵉ siècle. Et vous parlez également de tiers-lieu. J’ai l’impression que tout cet écosystème se tient… Pour toutes les deux, Véronique, et peut-être Hélène, comment est venue cette décision de transformer, de changer l’architecture de vos CDI ? Quelles questions vous êtes-vous initialement posées pour entrer dans ces problématiques ? 

HM : En tout cas, moi je ne l’ai pas décrété a priori. Je ne me suis pas dit du jour au lendemain : « Tiens, il faut que je change. » C’est plutôt l’arrivée du numérique qui est venue bouleverser mes pratiques, nos pratiques, les pratiques de la profession. Et de se retrouver à parler de coopération, à travers Wikipédia par exemple, en parlant du numérique et en se disant : « Mais en fait, je n’en ai jamais parlé avant aux élèves de manière aussi poussée et de manière aussi vivante, hors du numérique. » Et du coup, de se dire : « Comment je peux aussi leur faire toucher du doigt cette idée de coopération, et la vivre au quotidien, à travers le corps – le corps, la tête –, dans l’espace du CDI ? » Et du coup, c’est plutôt parti de ça, en fait. 

RF : Véronique, il y avait aussi des interrogations par rapport à la façon dont le CDI fonctionnait : qui le fréquentait, qui ne le fréquentait pas ? 

VG : Alors moi, je suis moins partie de réflexions professionnelles et des nouveaux outils dans ma profession, mais plutôt des nouvelles manières de travailler des élèves. Ça rejoint ce que dit Hélène, parce que l’arrivée du numérique, bien sûr, y est pour beaucoup. Mais c’est plutôt l’évolution de leurs pratiques qui m’a interrogée sur la création du CDI qui avait été fait par des adultes, pour des élèves. Et il me semblait peut-être important, maintenant, de commencer à travailler pour… enfin, que les élèves fassent eux-mêmes le lieu dans lequel ils allaient travailler, car ils avaient changé leurs façons de travailler. D’où le design thinking ! 

HM : Du coup, ça se rejoint. En fait, je pense qu’il n’y a pas eu qu’une question. Il y a eu aussi ce que vient d’évoquer Véronique. Une autre observation qui m’a guidée, c’est de me dire : « Comment se fait-il que tous les élèves ne viennent pas au CDI ? » On attire toujours un petit peu le même type de public, des élèves qui viennent travailler, qui viennent lire, puisque c’était à peu près les deux seules propositions du CDI. Et du coup, de se dire : « Ben oui, par définition, puisque je propose de travailler et de lire, je vais attirer les travailleurs et les lecteurs. Et les autres, ils ne vont pas franchir la porte du CDI. » À tel point qu’un jour, un élève, en tout début d’année, est rentré et je le voyais très craintif. Et en fait, il a verbalisé qu’il avait peur des livres et là, ça a été pour moi un déclic, en fait, [pour réaliser] : « Ben oui, en fait, les élèves qui n’ont jamais franchi les murs ni la porte d’une médiathèque, d’un musée, ils découvrent un univers en arrivant au collège. » Et donc, qu’est-ce qu’on peut proposer pour ces élèves-là, qui ne sont pas acquis à une culture scolaire, à une culture du livre tout court, pour qu’ils puissent venir ? 

RF : Dans ce que vous dites toutes les deux, Véronique et Hélène, on sent une espèce de continuum entre ces espaces classiques, qui ne répondraient plus forcément aux besoins – et aux besoins des élèves notamment, évidemment –, et des espaces plus conviviaux, voire ludiques. On peut se demander : est-ce que c’est le rôle du CDI d’aller jusque-là, d’après vous deux, dans ce que vous avez pu voir et pratiquer ? Peut-être Véronique, pour commencer ? 

VG : En tout cas, s’interroger sur ce que les élèves font quand ils n’ont pas cours et sur ce dont ils ont besoin, ça, très clairement. Si nous pensons que l’espace scolaire doit aller au-delà de la salle de classe – et c’est ce que nous croyons –, si nous pensons que l’enseignement passe au-delà de l’enseignement dicté par des programmes, on doit s’interroger sur leurs pratiques et leurs apprentissages au-delà de la salle de classe. Et là, le CDI, le foyer, l’étude, la cour de récréation, l’arrêt de bus, le parvis devant le lycée, le parking, le parc où ils vont nous intéressent parce qu’on va les découvrir, [en train d’]apprendre, à la sortie du cours ou entre deux cours. Et nous pouvons observer, pour voir comment ils apprennent, et créer nos lieux à partir de ça. Au lieu, comme le disait très bien Hélène, de faire une proposition, de faire une offre. Moi, je me suis plus intéressée à la demande – sans entrer dans une logique de marché du tout. Mais ça a changé beaucoup ma façon de faire. J’étais enseignante de discipline avant et donc, j’étais beaucoup plus portée sur l’apprentissage que je devais mener, les savoirs qu’il était important que je transmette. Mais je me suis retrouvée dans une position tout autre en gérant ce lieu : si ce lieu est vide, je n’existe plus. Donc, pour exister, je suis dans l’obligation de me tourner vers eux. Ma salle de classe, de français ou d’histoire, quoi qu’il arrive, elle sera pleine. J’aurai forcément mon public captif. Ce n’est pas le cas dans le CDI. 

RF : Vous avez toutes les deux ressentis le besoin de voir ce CDI autrement, notamment – et fondamentalement – la composante spatiale. Hélène, avec ce que vous appelez le « CDI capacitant », Véronique, avec la démarche de design thinking. On vous propose d’entrer un peu plus dans chacune de vos démarches, de voir comment elles peuvent inspirer les profs-doc qui nous écouteraient, mais aussi plus largement les autres et tous les usagers de l’établissement, puisque ça concerne vraiment tout le monde. Et pour le coup, un petit insert audio : trente ans après le premier CDI de Marly-le-Roi, on parle de learning center ou de « 3C », pour « centre de connaissances et de culture », et on retrouve l’idée que la conception du lieu, son aménagement dans ses différentes composantes spatiales, peut induire des usages et des pratiques pédagogiques renouvelés. 

[Extrait du documentaire 2, 2012]

« LE PROFESSEUR-DOCUMENTALISTE : Les atouts du learning center portent d’abord sur la modularité des espaces et donc, une vision nouvelle, une pratique nouvelle de la pédagogie par le croisement de flux d’usagers différents – enseignants, élèves, personnels de vie scolaire. Un des atouts, et pas des moindres, du learning center, c’est d’abord chercher à associer la détente et le travail dans un même lieu.

ÉLÈVE 1 : Ce que j’attends du learning center, c’est que les élèves et les adultes peuvent se rencontrer. Ils peuvent discuter ensemble, boire un café ensemble, passer du temps ensemble. Ils peuvent travailler même ensemble, sur différents projets.

ÉLÈVE 2 : Ce que j’attends du learning center, c’est un cadre de vie meilleur au sein du lycée, notamment en essayant d’instaurer un climat calme, paisible mais également convivial entre… pas forcément qu’entre élèves, mais également entre élèves et professeurs. »

[Fin de l’extrait] 

RF : Alors on est là trente ans après le fameux CDI de Marly-le-Roi. Hélène Mulot, on voit qu’on attribue aux espaces une capacité à susciter, ou pas, certaines pratiques chez les usagers. Ça rejoint la notion d’environnement capacitant sur laquelle vous vous appuyez ? Est-ce que vous pouvez nous expliciter cette notion ? 

HM : Oui, l’idée d’« environnement capacitant » n’est pas du tout née dans le contexte scolaire. Elle a été développée par Pierre Falzon notamment, qui a défini trois entrées dans les environnements capacitants. Et c’est sa troisième entrée qui nous a intéressés pour les CDI. C’est-à-dire qu’il définit un environnement capacitant comme un lieu, un endroit où on peut développer des nouvelles connaissances, des nouvelles compétences, des nouveaux savoirs, dans lequel on peut élargir cette possibilité d’action – donc élargir et avoir tout un panel d’activités –, et qui ouvre à la fois les possibilités de contrôle sur ces actions, et qui développe l’autonomie des élèves – enfin, qu’on a traduit par « autonomie des élèves ». Et du coup, ce qui nous a semblé intéressant dans cette approche, c’est justement de ne pas être focalisés sur l’aménagement et, ce qu’on a pu entendre dans l’extrait, la modularité. Donc, aménager est une partie de l’environnement capacitant, mais ce n’est pas suffisant. J’imagine qu’on va revenir dessus. 

HA : Oui, alors, dites-nous... Quand on a préparé cette émission, vous nous avez dit : « Moi, le CDI capacitant, je ne sais plus faire autrement. » Alors dites-nous un peu ce que ça recouvre. 

HM : Le CDI capacitant, effectivement, ça recouvre un petit peu ce qu’a dit Véronique au tout début. C’est-à-dire qu’on a du mal à le définir tellement tout y est possible, en fait. Tout y est tellement possible qu’il n’y a plus de règlement affiché au mur, parce que le règlement s’adapte à ce qui s’y fait. Donc le CDI, par exemple, n’est plus un lieu calme et de silence. En tout cas, pas tout le temps. À certains moments, oui. Si les élèves décident qu’ils viennent lire et qu’ils ont besoin de calme, oui, ça va être un lieu calme. Mais si l’heure d’après, ce sont des élèves qui ont envie d’utiliser des jeux de la ludothèque ou de faire du travail coopératif, on ne va plus pouvoir imposer le silence, en fait. Donc, ça passe par ça. En fait, l’approche, ça a été de définir « l’apprenance » – qui va de pair avec l’environnement capacitant. C’est-à-dire définir des temps où les élèves viennent apprendre au CDI. Et en fait, pour moi, ils viennent tout le temps apprendre et ça a permis de revisiter complètement la posture. C’est-à-dire que les élèves viennent apprendre dans un cadre de séance dirigée, ce qu’on sait faire en tant qu’enseignants dans le cadre notamment de l’EMI, pour nous, les profs-doc, et quelle que soit la pédagogie qui est développée d’ailleurs – ça peut être une pédagogie coopérative, une pédagogie par projet, la classe dehors… Il n’empêche que c’est l’enseignant qui est à l’origine de cet enseignement-là. Et les élèves sont là pour apprendre des choses que l’enseignant a décrétées parce qu’il y a des programmes et parce que, voilà, il y a un projet qui a été défini par les enseignants. 

Le deuxième type d’approche, c’est d’avoir des pédagogies de projet, des projets en tout cas, où des élèves volontaires viennent s’inscrire. Alors là, on pense tout de suite aux clubs qu’on peut avoir dans les CDI, notamment. Et les clubs peuvent être très variés. Ça peut aller de clubs un petit peu classiques qu’on peut avoir au CDI – un club journal, un club autour des médias –, mais ça peut être des clubs… Dernièrement, on a vu fleurir un club « biodiversité » qui investit régulièrement le CDI par exemple, un club autour d’une grainothèque… 

Et le dernier élément, c’est de se dire qu’on a des temps où les élèves sont en auto-apprentissage, où l’enseignant, le prof-doc n’a pas décrété ce que les élèves allaient faire et où il n’interdit a priori pas grand-chose, du moment que l’élève est en situation d’apprentissage. Et en réalité, tout peut être situation d’apprentissage. Donc, à partir de là, effectivement, les interdits sont moins nombreux. 

RF : Véronique, est-ce que ça résonne avec ce que vous avez pu pratiquer ? Hélène parle d’environnement capacitant, d’apprenance… Et puis leur concrétisation dans les pratiques, avec des clubs, avec de l’auto-apprentissage, par exemple ? 

VG : Alors moi, je suis en lycée, donc j’ai le sentiment que c’est plus facile, peut-être, pour moi. Parce qu’on a même pu aller jusqu’à expérimenter que ces trois types d’activités que proposent les trois types d’apprentissages – qui sont identifiés très clairement par Hélène – ont même tout intérêt à coexister… Eh bon, il faut un CDI relativement grand, mais j’ai l’impression que c’est encore plus facile à faire avec les lycéens parce que de ce fait, ils s’inspirent les uns les autres. C’est-à-dire que ceux qui sont en train de travailler tranquillement, de manière très concentrée, vont presque donner envie à ceux qui sont en train de faire des jeux d’échecs, et ceux qui sont en train de jouer aux échecs vont presque donner envie à ceux qui sont en cours sur la validation des sources, qui se disent : « Tiens, mais je vais revenir, moi, jouer aux échecs la prochaine fois. » Donc, c’est non seulement multiplier ces moments – c’est là où on rejoint peut-être la modularité de l’espace –, c’est rendre possibles ces moments en même temps. (C’est très à la mode, je crois, le « en même temps »…) Et ça permet donc de montrer à chacun qu’il est capable de faire ça, alors qu’il n’y aurait pas pensé. On rejoint le capable, le fameux « to be able ». En fait, il découvre sa capacité dans l’autre. Lui, il n’est pas venu du tout pour ça et il se rend compte que ce lieu propose ça. Il peut le faire. Des élèves de terminale le font, ils sont en seconde, ça leur donne même envie parce que ce sont des grands… Et je pense qu’on est dans du capacitant au pluriel… je ne sais pas trop comment dire. 

HA : Hélène ? 

HM : Et on voit bien le rôle du prof-doc, qui est tout à fait passionnant, là. C’est d’être en capacité d’observer toutes ces activités qui peuvent avoir lieu en simultané et d’aller étayer ces apprentissages qui peuvent effectivement se faire, en se disant : « Tiens, lui, il regarde telle activité… » Donc, motiver à revenir, motiver à apprendre, susciter aussi les interactions entre élèves, dire : « Moi je ne sais pas te répondre, mais si on regarde là, tu as des élèves plus grands qui savent très bien faire… » Et du coup, se mettre aussi en retrait pour pouvoir aller interpeller sans arrêt les élèves et les motiver à « s’apprendre entre eux ». Ça rejoint l’idée de classe mutuelle, en fait. 

RF : Vous voulez rebondir, Véronique ? 

VG : En fait, tout ce que vient de dire Hélène met en évidence deux choses pour moi, qui ont été nouvelles avec cette approche : c’est la nécessaire créativité du prof-doc – c’est-à-dire qu’il nous faut aller chercher, aussi, d’autres propositions. Nos élèves ne vont pas pouvoir tout inventer. Il faut qu’on mette une machine à coudre, on ne sait jamais. Et puis peut-être que ça ne marche pas. Il faut qu’on mette un piano, on ne sait jamais. Et puis peut-être que ça ne marche pas. Il faut les écouter, parce que le piano, ils vont peut-être en avoir l’idée. Mais il faut qu’on aille chercher ailleurs, et même peut-être qu’on les encourage à aller faire leurs courses ailleurs, dans d’autres espaces. Nous, il faut qu’on soit tout le temps en veille, mais pas la veille documentaire au sens propre du terme, la veille sur : comment les jeunes apprennent quand ils sont dans un café ? comment les étudiants apprennent quand ils discutent entre eux ?… Voilà. Pour qu’on leur apporte ces moyens-là, qu’ils puissent quitter le lycée en sachant faire tout ça, ou en tout cas en sachant le proposer. 

Et la deuxième chose, c’est ce fameux tutorat qui se fait sans nous. Les élèves vont finir par s’approprier le lieu, c’est-à-dire qu’on leur donne les clés, vraiment, du CDI. Ils vont se rendre compte que tout est possible. À nous ensuite de mettre le cadre, car tout n’est pas vraiment possible. C’est à nous de définir jusqu’où on va. Mais ils vont arriver en nous disant : « Ça manque de plantes vertes. » OK, alors : « Qui s’en occupe ? Où on les met ? Comment on les cultive ? Comment tu mets de l’engrais ? » Et puis finalement : « Ben non, parce qu’en juillet et août, tout crève. Donc, non. » Voilà. Mais c’est complètement différent. On rejoint aussi l’idée de règlement du CDI. Le seul règlement, c’est la loi française et, éventuellement, le règlement de l’établissement. 

HA : Hélène, vous souhaitiez réagir aussi ? 

HM : Je souhaitais surtout compléter pour dire qu’effectivement, le rôle du prof-doc est là pour mettre à disposition tout un tas de dispositifs favorables à l’acte d’apprendre. Et comme tout, a priori, peut être support d’apprentissage, autant ne rien s’interdire. Et c’est vrai que les tiers-lieux de type « makerspace » et les tiers-lieux de type « médiathèque » sont très inspirants, en termes de possibles. En tout cas, nous, c’est ce qui nous a énormément inspirés en termes de ressources et aussi de dispositifs. Et là, pour moi, le professeur-documentaliste a tout intérêt à réfléchir à comment il accompagne les dispositifs. Parce qu’il ne suffit pas de mettre à disposition une imprimante 3D, un robot ou un jeu pour que ces supports, ces ressources, soient utilisés. Donc il est vrai qu’accompagner les dispositifs, ça passe à la fois par un travail sur la coopération – ça veut dire quoi coopérer ? Ça passe par un travail sur l’attention – ne pas déranger les autres aussi, et le respect. Et ça passe par le développement des compétences psychosociales. 

HA : Je vous propose de rentrer un peu dans la démarche centrée sur l’usager qui a été développée notamment dans le CDI de Véronique. Mais avant, un petit extrait audio. C’est plus proche de nous dans le temps, c’est tout récent. C’est au lycée Bergson, à Angers. Les deux professeurs-documentalistes ont organisé un hackaton pour repenser leur CDI. Ils ne le trouvaient pas très satisfaisant… Ils avaient deux lieux distincts avec les élèves du lycée d’un côté et les élèves des classes préparatoires de l’autre. Et ils cherchaient ce qu’ils pourraient faire et donc, ils nous parlent de leur démarche. 

[Extrait du documentaire 3, 2021]

« LE PROFESSEUR-DOCUMENTALISTE : Le principe du hackathon, c’est de réunir un certain nombre de personnes qui doivent réfléchir ensemble pour aboutir à un projet à la fin de la journée. Alors, pour les élèves qui ont participé directement au hackathon, leurs retours ont été très positifs. Ils ont beaucoup aimé participer à cette journée avec nous. Donc, ce qu’ils ont trouvé intéressant, je pense, c’était d’être justement au centre d’un événement dans lequel ils se retrouvaient un petit peu à égalité avec des professeurs ou des adultes du lycée, qu’ils ne connaissaient pas forcément, ou même des professionnels extérieurs. Et ça leur a permis également de voir les rôles de chacun dans un établissement scolaire, d’avoir un petit peu le point de vue d’un professeur quand il vient au CDI – ce n’est pas du tout celui d’un élève, évidemment, qui peut venir juste en libre-service, en consultation de documents ou alors en classe –, et également, ils ont vu aussi, peut-être, le point de vue des professeurs-documentalistes qui, eux, sont chargés de gérer le lieu. Le fait d’être confrontés aux regards d’usagers et également de non-usagers, qui nous ont expliqué pourquoi ils ne venaient pas au CDI, ça nous a permis un petit peu de remettre en question notre mode d’organisation, notre accueil. »

[Fin de l’extrait] 

HA : Alors, le hackathon, c’est une des différentes techniques, méthodologies, qui mettent cette expérience de l’usager, en l’occurrence des élèves, au centre de la réflexion. Véronique Gardair, vous, vous avez mis en œuvre cette « démarche design thinking » et donc, est-ce que vous pouvez nous dire quelles sont les étapes, les prérequis ? Alors, rapidement, parce que je sais qu’il y a eu énormément d’éléments, ça a été un long processus, mais nous dire en quelques mots comment ça s’est passé ? 

VG : Alors, comme le hackathon et, je crois également, comme l’espace capacitant, on s’est inspiré d’autres domaines que l’Éducation nationale et on a été volé le design thinking au domaine des designers, comme son nom l’indique, qui posent un usager du tabouret sur le tabouret quand ils le fabriquent. Et donc, c’est celui qui est assis sur le tabouret à toutes les étapes de la fabrication qui guide le créateur, en disant : « Là, c’est impossible, je ne suis pas du tout confortablement installé, c’est trop bas, c’est trop haut, etc. » Donc, l’idée fondatrice du design thinking, c’est : « On ne fait que pour l’usager, l’usager guide. » Comme on le dit dans le hackathon, l’usager ou le non-usager, celui qui ne s’assiérait jamais sur ce tabouret, on le force à s’y asseoir pour qu’il nous dise pourquoi il ne s’y assoit jamais. Et là, on passe par trois étapes – nous, on les a réduites à trois, la méthode peut aller jusqu’à cinq. 

La première, c’est l’« inspiration ». On ouvre toutes les portes, on est vraiment dans la divergence. Tout est possible. Tout est possible et en même temps, on se met « à la place de », ce sont les deux mots d’ordre. Il faut donc aller s’inspirer ailleurs, faire sortir nos usagers de l’école pour qu’ils aillent voir ailleurs, d’autres espaces où ils se sentiraient bien pour apprendre. Et en même temps, il faut se mettre à leur place et donc, il faut enquêter observer, questionner celui qui est en train d’apprendre : pourquoi il y est bien ou pourquoi il n’y est pas bien. 

Notre deuxième étape, c’est l’« idéation ». Ces mots sont tirés de l’anglais, donc ne sont pas très agréables, peut-être, en français… C’est la partie créativité à partir de cette inspiration, qui était déjà très divergente, on continue à aller très loin, à diverger. Et on essaie d’inventer, d’inventer avec un espace qui est donné, mais tout est possible aussi : « Si vous voulez pendre des hamacs au plafond, allons-y ! » On étudie chaque proposition et on en discute avec plein de méthodes qui sont mises à disposition. D’ailleurs, je me suis inspirée pour beaucoup sur un bouquin, Animer des séances de créativité, je crois, qui donnait plein de pistes. 

Et la troisième étape, c’est l’« implémentation ». C’est un mot anglais très moche – mais j’ai bien aimé garder les trois « i » – qui est, en fait : « Ça y est, on converge, on va faire ce qui est possible. » Et donc, on doit mettre autour de la table toutes les contraintes : les contraintes de sécurité, les contraintes financières, juridiques, pédagogiques, les contraintes des missions du documentaliste, de l’espace, etc. Et on va donc passer par une phase très difficile, qui est de réduire les possibles, mais de rendre « lucides » les inventions. Le but, c’est d’arriver à faire. Donc, ce n’est pas de dire : « Maintenant que vous avez rêvé, rien n’est possible. » L’animateur a ce rôle difficile, d’arriver à ce que le hamac soit possible, d’une manière ou d’une autre. Ou en tout cas que l’élève, avant qu’il ne quitte le lycée, ait vu dans le CDI une de ses idées vivre. Cette technique fonctionne, elle est difficile et elle nous oblige à arrêter de penser avec cette phrase horrible : « Je crois que c’est bien pour lui. » 

RF : Alors justement, Véronique, ça nous permet de rebondir sur une question qui n’est pas si anodine que ça : ces techniques mettent donc l’usager au centre de la conception de l’espace. C’est-à-dire que l’usager, ce sont les élèves seulement ? Ce sont les autres profs, les professeurs-documentalistes ? Qui est l’usager, au final ? 

VG : Normalement, si j’étais une bonne documentaliste, je devrais vous dire : tout le monde, toute la communauté scolaire. Dans la réalité des faits, mon objectif, c’était que le CDI du lycée Ruffié ne soit plus le lieu idéal pour que les profs y travaillent – ce qu’il était devenu. Mon objectif, c’était que les élèves y reviennent, que les élèves s’y sentent bien et pas uniquement ceux qui étaient des futurs profs ou des fils de profs. Donc, il fallait un petit peu remettre le CDI dans les mains des élèves. Moi, j’ai donc choisi ces usagers-là, en particulier. Par leur travail, on s’est rendu compte finalement qu’on avait besoin des profs autour de la table, qu’on avait besoin des agents autour de la table, qu’on avait besoin des parents autour de la table, non pas en tant qu’usagers, mais en tant qu’accompagnateurs dans la créativité, et également à la toute fin, dans l’implémentation. Mais ça a été un parti pris lié au diagnostic de notre établissement. Et donc moi, je me suis tournée vers l’usager-élève. Mais l’étape suivante, là, ce serait de chercher maintenant à ce que cet espace puisse accueillir les profs, les parents, les agents, etc. Qu’eux aussi s’y sentent bien. Alors que là, pour qu’ils s’y sentent bien, il faut qu’ils se mettent à la place de l’élève ou qu’ils y accompagnent des élèves. 

HA : Hélène ? 

HM : On voit bien, à travers ce que vient de dire Véronique, que ce type de projet collectif aide à la prise de conscience d’un pouvoir d’agir sur un environnement – on revient encore à cette idée d’environnement – et que ça passe par un pouvoir d’agir individuel. Il faut que chaque élève soit en capacité d’être force de proposition. Mais ça passe aussi par avoir envie d’insuffler et de transformer ces espaces. Et pour avoir envie de les transformer, ça passe par plein de choses, et notamment de la motivation, de la curiosité, par un sentiment d’appartenance à une communauté aussi. Et par, certes, répondre à des besoins. Et là j’insisterais, si vous me le permettez Véronique, sur la phase [de recueillement] des besoins qui est très importante parce qu’effectivement – j’ai eu le cas –, si on veut un cheval au milieu du CDI, on ne va pas pouvoir y répondre immédiatement. Donc, beaucoup de frustrations à la fin. Mais en réalité, ça permet aussi de détricoter : quel est le besoin qui se cache derrière cette envie d’avoir un cheval au milieu du CDI ? Et en réalité, c’était le besoin de détente, le besoin de bouger. Et on peut tout à fait y répondre de manière très concrète, sans avoir besoin de mettre un cheval au milieu du CDI. 

VG : En fait, cette méthode permet de faire les choses à l’envers, enfin, d’une autre manière. Traditionnellement, on identifie les besoins par un diagnostic et on cherche à y répondre. Cette méthode permet, à l’issue, de voir clairement les besoins et de voir clairement les missions du lieu. Ça a obligé les élèves à définir ce qu’était le CDI par rapport à l’étude et par rapport au foyer. Si j’avais commencé par leur dire : « Qu’est-ce que le CDI ? », j’aurais eu les réponses qu’ils savaient que j’attendais. Là, ils ont redéfini ensemble, en disant : « Ça, ça sort du CDI, ça ne peut pas marcher au CDI, il faut le mettre au foyer. » Ils ont d’eux-mêmes sorti des choses – je pensais qu’ils allaient insister pour les mettre au CDI : les jeux, ils les ont sortis du CDI. D’eux-mêmes. Voilà. Pour eux, certains jeux, oui, certains jeux, non. C’est dans leurs besoins. Ils ont finalement approché leurs besoins après avoir fait le travail de créativité. C’est très surprenant. Ce n’est pas forcément par la raison, par l’identification raisonnée de nos missions et des besoins qu’ils sont arrivés à l’aménagement de l’espace. On a commencé par l’inverse. Ils ont commencé par dire : « Un cheval » et ensuite, ils ont dit : « Ça n’a rien à faire là », ou : « On va faire un cheval, mais ce sera un sofa en forme de cheval, pour lire. » Alors que si je leur avais dit : « Quels sont les besoins ? », je serais revenue à une méthode très traditionnelle, très connue, très scolaire, où je ne sais plus s’ils parlent d’eux-mêmes ou s’ils me disent ce que j’ai envie d’entendre. 

RF : Je vous propose qu’on descende de cheval et puisqu’on arrive tout doucement à la fin de la troisième partie de l’émission, de vous demander à toutes les deux, chacune à votre tour, d’évoquer un ou deux des effets, des résultats principaux que vous avez pu voir, ressentir, autour de vos projets. En commençant peut-être par Hélène Mulot ? 

HM : Il faut en choisir qu’un, alors qu’évidemment, ils sont multiples… Mais pour en citer un et insister là-dessus, c’est la remise en question de ma propre posture. C’est-à-dire que je me demande sans arrêt comment enrichir l’environnement pour qu’il soit toujours plus capacitant et qu’il soit toujours plus inclusif. Au-delà de « capacitant », vous avez bien compris que l’enjeu, c’était un fort enjeu d’inclusion et de participation culturelle derrière. C’est réfléchir sans arrêt à : « Qu’est-ce que je propose pour que les élèves entrent en relation et développent toutes les compétences qui sont inhérentes à ça ? Comment est-ce qu’ils sont bien dans la réciprocité ? », c’est-à-dire que ce ne sont pas toujours les mêmes qui sont forces de proposition et d’autres qui sont plus spectateurs… C’est un énorme point d’attention à la manière dont sont accueillis les élèves. Et puis, c’est un point d’attention sur la qualité de la relation qu’on peut avoir avec eux et, de manière très symbolique, interroger la place du bureau au sein du CDI, et la manière dont on est assis autour de ce bureau. 

HA : Véronique, sur les effets ? 

VG : En fait, je répondrais exactement la même chose qu’Hélène. C’est très fatigant, ces méthodes [rires]. Parce que c’est très inconfortable, parce qu’à peine on les met en place que déjà [les élèves] ont d’autres idées. Rien n’est stable, rien n’est fini, et c’est pour ça que « attraper par l’espace », c’est super mais c’est très inconfortable parce que notre bureau et notre chaise sont censés changer tout le temps. Ils arrivent toujours avec des nouvelles idées, une fois qu’ils ont compris comment ça fonctionnait. Non seulement on doit leur proposer beaucoup, mais ils nous proposent beaucoup. Et si on garde cette espèce d’ouverture à toutes leurs propositions, nous n’avons plus de bureau… 

HM : Je voulais compléter sur la fatigue, en fait. A priori, c’est fatigant les premiers temps, mais ensuite, en réalité, c’est beaucoup plus reposant parce que les élèves deviennent très vite autonomes. Quand ils entrent dans le CDI, ils savent très bien ce qu’ils ont envie de venir faire, puisqu’ils viennent faire quelque chose et pas juste échapper à une heure d’étude et arriver pour errer dans le CDI. Ou même s’ils le font, nous, on sait les accueillir. Et du coup, je trouve que c’est beaucoup moins fatigant pour moi, parce que je suis moins en posture de faire la police au sein du CDI. 

HA : Merci Hélène. Alors je pense qu’on a entendu beaucoup de choses autour de l’inspiration et je vais vous demander une dernière inspiration, chacune, très rapidement, quelque chose que vous avez envie de partager avec nous. Et on commence par Véronique. 

VG : J’ai essayé de me limiter à un livre, enfin une étude qui m’a beaucoup inspirée. Ce sont tous les travaux de François Taddéi sur la société apprenante. Voilà, c’est encore ma bible. 

HA : Très bien. Merci. Hélène ? 

HM : Eh bien pareil, j’ai réfléchi à ce qui m’avait beaucoup inspirée ces dernières semaines et je dirais que c’est la fresque du climat et la fresque du numérique. Parce que je pense qu’il y a des énormes enjeux derrière, en termes « citoyens » et de développement durable, évidemment, mais aussi en termes de manière d’apprendre. C’est-à-dire que le fond est important mais la forme aussi, la manière dont se passent ces ateliers, ça a été très inspirant. Donc n’hésitez pas à aller voir le site. 

HA : Alors, les deux inspirations que vous avez [partagées] rejoignent notre précédente émission sur l’Anthropocène. J’en profite pour faire un petit aparté et je me permets aussi d’ajouter tous les outils que l’on trouve sur le site Archiclasse et qui sont intéressants aussi, pour lancer des démarches de ce type-là. 

RF : Complètement, des indispensables, tu as raison Hélène. Pour conclure et rester dans l’inspiration, on va s’inspirer tout simplement de vous deux. J’ai noté des citations pendant que vous parliez, Mesdames. Donc, du côté de Véronique Gardair, qui nous dit : « Il y a une nécessaire créativité du prof-doc. » Voilà, je trouve que beaucoup de choses sont dites dans cette phrase. Et du côté d’Hélène Mulot : « Puisque tout est possiblement support d’apprentissage, autant ne rien s’interdire. » On a parlé de machine à coudre, de piano, et même d’un cheval dans un CDI. Donc, je pense que c’est une émission qui va faire bouger les réflexions des profs-doc. En tout cas, un grand merci à toutes les deux pour ce temps partagé, le partage de vos pratiques et de vos inspirations.