Autour de cette table ronde, deux professionnels partagent avec nous leur expertise sur la gestion du stress sous l'angle du sport et de la médecine.
Pour pouvoir aborder sereinement le retour en classe au troisième trimestre, ainsi que la rentrée de septembre, la communauté éducative aura à gérer la question sensible du stress des élèves. Nous avons invité deux spécialistes du sujet, Martine Orlewski, médecin, et Raymond Barbry, formateur pour faire le tour de la question et, pourquoi pas, en tirer un bénéfice pour l'école de demain.

La transcription de cet épisode est disponible après les crédits.


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Extra classe, des podcasts produits par Réseau Canopé. 

Émission animée en mai 2020 par : Fanny Milhe Poutingon 

Directrice de publication : Marie-Caroline Missir 

Coordination et production : Hervé Turri, Luc Taramini, Magali Devance 

Mixage : Simon Gattegno

Secrétariat de rédaction : Séverine Aubrée

Contactez-nous sur : contact@reseau-canope.fr 

© Réseau Canopé, 2020


Transcription :

FANNY MILHE POUTINGON | L'annonce de la réouverture des établissements scolaires a soulevé de nombreuses questions, générant quelques angoisses, aussi bien chez les parents, les enseignants et les élèves. Une fois dépassé ces angoisses liées à la reprise, demeurera le stress lié aux apprentissages scolaires. Plusieurs semaines sans classe ont en effet provoqué différentes formes de stress. Mieux les comprendre pourrait nous permettre de les apprivoiser ou de mieux les déjouer. Alors comment vivre le plus sereinement possible la poursuite de la scolarité ? Comment diminuer le stress ? Comment finalement rassurer les parents et permettre aux élèves d'avoir l'esprit libre et disponible pour apprendre ? Pour tenter de répondre à ces questions, nous accueillons aujourd'hui deux invités. Raymond Barbry, Bonjour.

RAYMOND BARBRY | Bonjour.

FMP | Vous êtes consultant, ancien professeur de sport et sportif de haut niveau dans les ultra-distances, vous travaillez entre autres sur les notions de stress et sur-stress au travail. Martine Orlewski, Bonjour.

MARTINE ORLEWSKI | Bonjour.

FMP | Vous avez plusieurs casquettes. Vous avez fondé une école de sophrologie, vous intervenez dans les écoles dans l'académie de Créteil, vous êtes spécialiste du stress en entreprise et vous êtes surtout médecin. Alors justement, j'ai une première question pour vous. On le sait, la période a généré du stress : pouvez-vous nous aider à clarifier ce terme au regard de ce que nous vivons ?

MO | Tout d'abord, le stress, c'est un mot que nous avons l'habitude d'utiliser dans beaucoup de situations différentes. Ce qui est important, c'est de savoir que nous ne pouvons pas vivre sans stress. Le stress, c'est la vie. C'est-à-dire, c'est le système dont nous disposons pour nous adapter aux situations et aux changements. Nous avons beaucoup l'habitude dans notre quotidien de vivre dans le stress de tous les jours : une maman se réveille le matin, s'aperçoit que son enfant a un peu de fièvre, eh bien, c'est un stress. Il va falloir qu'elle s'adapte à cette situation. Ou je prends ma voiture et je tombe dans un embouteillage. C'est un stress. Mais nous avons généralement par-derrière des ressources et des habitudes de gérer ce type de situation. Là, nous avons été confrontés à quelque chose d'exceptionnel. C'est ce qu'on appelle un stress aigu. C'est-à-dire un stress qui est arrivé brutalement. Un stress qui est arrivé d'une manière majeure, touchant l'élément vital et mettant évidemment en jeu d'une façon intense les mécanismes de la peur. Alors, habituellement, la peur, c'est plutôt quelque chose de favorable. C'est-à-dire que si j'ai peur, je vais évaluer assez rapidement, parfois même d'une manière inconsciente et soit, c'est trop important et je fuis, soit j'ai la capacité de lutter contre et je vais attaquer. Mais dans des situations de stress comme nous l'avons vécu, nous avons été confrontés à une perte de repères beaucoup plus importants parce qu'habituellement, nous cherchons à reprendre des éléments de sécurité sur ce que peuvent dire, par exemple, les médecins ou ce que peuvent préconiser les politiques. Or, dans cette situation, t out l e monde a été démuni. Donc c'est ce qui a rendu d'une manière beaucoup plus grave l a confrontation à cette situation de pandémie inédite. Alors, le deuxième élément dans le stress, c'est que nous sommes maintenant dans une autre période qu'on appelle le stress chronique. Autrement dit, nous avons passé la période d'urgence, mais nous continuons encore à subir des éléments sur lesquels nous devons nous adapter et qui nous demande beaucoup d'énergie, qui amène beaucoup d'incertitude avec des parties de responsabilité sous-jacentes qui sont des éléments qui peuvent provoquer de l'anxiété et là encore, renforcer ce sentiment d'impuissance que nous avons. Enfin, on risque d'être, dans cette période et dans les temps à venir, confrontés à un autre type de stress qu'on appelle le stress post-traumatique. Il s'agit, lorsque nous sommes devant une situation qui nous a impactés d'une manière extrêmement violente, avec parfois un impact direct sur nous parce que c'est nous qui avons été malades par exemple, mais parfois ce sont nos proches qui ont été malades, où nous avons connu des personnes qui malheureusement ont disparu, et à ce moment-là, notre état émotionnel, notre cerveau, n'est plus capable, dans un premier temps, de le métaboliser et de faire avec. Et ce stress va revenir d'une manière récurrente, amenant des troubles du sommeil, amenant une anxiété, une dépression. Alors ça n'est pas quelque chose de définitif, et on verra d'ailleurs dans un des témoignages que nous écouterons tout à l'heure qu’il y a des possibilités de reprendre quelque part des bonnes pratiques et des éléments de contrôle pour éviter que notre mental qui, à la fois nous permet de gérer des choses, donc à cette fonction intéressante, constructive et positive, mais peut aussi par certains côtés, nous jouer des tours et faire que nous revivions les situations traumatiques, nous rentrions dans une sorte de rumination qui, à ce moment-là, vont nous fragiliser. Or, on sait que l'organisme face au stress va mobiliser toute son énergie et en particulier, il va mettre de côté des systèmes protecteurs comme le système immunitaire qui, lui, a une action à plus long terme. Ce qui fait qu'on va fragiliser tout notre système physiologique et biologique et en définitive, en particulier avec le stress aigu dans la période immédiate, mais ensuite, avec le stress chronique, être au contraire plus vulnérable par rapport aux éléments extérieurs et là, en l'occurrence au virus.

FMP | On l'entend, il est primordial de baisser le niveau de stress général pour que la communauté éducative soit en bonne forme physique et mentale. On va maintenant écouter le témoignage d'Anne-Laure [maman de deux enfants scolarisés au collège]. Elle nous parle de la reprise scolaire et nous donne son point de vue.

« Anne-Laure : Bonjour, je suis maman de deux enfants, Madeleine qui est en 3e et Paul qui est en 6e. Chez nous, si le plus jeune est assez enthousiaste à l'idée de reprendre les cours, retrouver ses amis, un semblant de normalité, sa sœur, elle, a nettement moins envie de retourner au collège. Donc, même si on se tient à l'écart des flots d'informations anxiogènes, on se pose pas mal de questions sur ce qu'on va faire, sur ce qu'on doit faire pour prendre en compte leurs souhaits, mais aussi les réalités du terrain, les priorités et l'organisation que tout ça va demander. L'annonce du retour en classe ne m'effraie pas outre mesure même si je fais partie de la population à risque puisque je suis diabétique de type 1 et que je souffre d'une insuffisance antéhypophysaire. Mais mis à part ces deux maladies chroniques, on a la chance d'avoir un confinement plutôt confortable : salaire préservé dans une région relativement épargnée. Alors finalement, tout ça, je l'aborde un peu comme ma maladie. En fait, avec le diabète, j'essaie au quotidien de trouver l'équilibre, la juste mesure, en restant vigilante évidemment, mais en adaptant mes doses. J'essaie de voir venir aussi sereinement que possible. Là, globalement, on fait pareil. On avise au fur et à mesure, avec des dates et des données qui évoluent, on réfléchit à notre organisation, au cas où, de manière très pragmatique mais en sachant que tout ça « Bah ça reste simplement hypothétique » et finalement c'est peut-être ça le plus délicat, arriver à accepter à digérer cette dose supplémentaire d'incertitude et de choses qu'on ne peut pas contrôler, tout en sachant apprécier la part de choix qui nous est laissé. » [Témoignage recueilli en mai 2020 pour Extra classe.]

FMP | On le voit, Anne-Laure adopte une attitude d'acceptation plutôt sereine par rapport à la situation, en avisant au fur et à mesure tout en anticipant la suite. Raymond, que vous inspire ce témoignage ?

RB | Ce témoignage est tout simplement remarquable sur deux points notamment. C'est-à-dire que cette maman nous expose à travers son expérience personnelle, notamment d'une maladie liée au diabète où elle montre qu'elle fait avec : elle accepte cette réalité, c'est-à-dire son expérience lui a amené à faire avec la difficulté et à adapter le quotidien avec cette difficulté, notamment l'exemple de l'adaptation de ses doses d'insuline, je suppose, montre bien que finalement, c'est ce qui est à faire dans cette situation. C'est-à-dire, il y a une crise, crise sanitaire, une pandémie qui nous a tous bouleversés, qui a transformé le monde et la réalité, c'est celle-là. Ça fait un lien avec ce que disait Martine tout à l'heure, à savoir que, j'accepte cette réalité, acceptons cette réalité, mon niveau de peur va diminuer. De fait, je suis mieux à même d'avoir les réponses les plus pertinentes au contexte qui est le mien, tant à la maison, dans la famille, mais aussi dans la reprise de la scolarité. Donc cette maman sera à même d'accompagner au mieux chacun de ses enfants, parce qu'elle a bien montré qu'on avait deux enfants qui avaient, en l'occurrence, un comportement différent. Elle nous décrit remarquablement ce qui est finalement ce qu'on appelle « vivre le moment présent » qui n'est pas du New Age, qui est « comment que je fais avec cette réalité comme elle est et telle qu'elle est et comment je régule mon mental. Je régule mon mental, je ne me laisse pas déborder par mes peurs et mes angoisses, mais comment je les accepte et comment je trouve les solutions les plus pertinentes au contexte qui est le mien ».

FMP | Alors oui, l'acceptation c'est une première clé de gestion du stress. Et vous, Martine, que pensez-vous de ce témoignage ?

MO | Alors moi aussi, je trouve que le témoignage de cette maman est d'une grande richesse, justement parce qu'elle nous montre comment, par rapport à quelque chose sur lequel on n'a pas d'action, qui pour elle a été une expérience personnelle, sa maladie, entre autres, comment on peut malgré tout retrouver une certaine liberté et un certain choix là-dedans, alors qu'on est confronté à des difficultés récurrentes a une incertitude. Alors elle nous montre bien et je trouve que c'est intéressant tant pour les parents que quelque part pour certainement les enseignants, quels peut être aussi le rôle des adultes ? Dans la première partie elle explique qu'il y en a un qui est finalement assez content, l'autre ne l'est pas, de revenir à l'école. Je pense que c'est un premier point important, être capable de regarder la réalité : dans la réalité il y a des choses qui sont positives quelque part intéressantes, et puis il y a des choses qui vont amener de la difficulté. Deuxième élément que je trouve intéressant c'est que ça laisse la possibilité finalement d'en parler avec les autres, de pouvoir exprimer « ce qui me convient ou pas ». Et ensuite de pouvoir reprendre un peu de recul avec une mise en place des priorités : qu'est-ce qui finalement est important ? Quels sont les besoins ? Et là-dedans, il y a des choses simples. Par exemple, trouver un certain équilibre, remettre en place une certaine organisation. On voit donc déjà toute une série de pistes sur lesquelles, malgré la situation en quelque sorte de non-contrôle dans laquelle on est, et bien on a quand même une marge d'action, qui va nous donner une réassurance extrêmement importante avec une certaine sérénité. On a vu des choses assez simples que certainement cette maman a mises en place. Mettre des routines dans la journée, pouvoir faire que les enfants ne soient pas tout le temps dans l'inquiétude. Peut-être ne pas tout le temps suivre les informations, de façon à ce que l'esprit ne soit pas en permanence pollué. Je dis souvent qu'on a l'habitude de parler d'une hygiène corporelle — là on nous demande de nous laver régulièrement les mains — mais il faut penser que notre émotionnel et notre mental peuvent être impactés aussi d'une manière extrêmement défavorable et je vous rappelais tout à l'heure l'impact que ça a sur le plan, par exemple de la diminution du fonctionnement immunitaire, eh bien, il faut aussi apprendre à protéger son esprit. Et ça, c'est quelque chose sur lequel on a une marge d'action.

FMP | Vos conseils sont très précieux pour gérer la situation et apaiser les esprits. Concernant la scolarité, désormais, aller à l'école soulèvera de nombreuses questions, voire des inquiétudes sur le long terme. Alors, comment peut-on aider les enseignants à rassurer les parents ? Avant de vous redonner la parole, Martine et Raymond, nous allons vous faire entendre le témoignage de Nathalie, directrice d'école dans le Calvados.

« Nathalie : La réouverture des écoles a suscité beaucoup d'inquiétude, de stress, d'interrogations pour moi, mais aussi pour l'équipe et également pour la municipalité. Parce que gérer la garderie et la cantine ce n'est pas simple dans une grande école comme la nôtre. Chez les parents, il y a ceux qui ont déjà pris une décision, qui ont répondu très rapidement aux questionnaires. Alors soit ils ont pris une décision comme quoi ils ne remettaient pas leurs enfants à l'école, ou alors parce qu'ils n'ont pas le choix puisqu'ils doivent eux-mêmes reprendre le travail. Et puis il y a aussi une part de parents qui sont indécis. Non pas qu'ils ne nous fassent pas confiance, mais ils ont peur, en fait. Certains ont eu besoin d'être écoutés peut-être aussi d'être rassurés. Donc j'ai passé un certain nombre d'appels aux familles pour leur expliquer l'organisation que nous avions prévue au sein de l'école, mais aussi pour leur expliquer les gestes barrières que nous allions mettre en place. Mais tout en restant honnête, parce que l'objectif, c'est de leur redonner confiance, mais leur montrer aussi que nous sommes honnêtes, c'est-à-dire que je ne peux pas dire qu'il n'y a aucun risque. Qui peut se permettre de dire qu'il n'y aura aucun risque, ce n'est pas possible. Et je crois que les parents apprécient cette honnêteté. » [Témoignage recueilli en mai 2020 pour Extra classe.]

FMP | On vient de l'entendre, Nathalie doit répondre aux diverses questions des parents et apaiser certaines craintes. Raymond, en tant que coach spécialisé dans le stress, vous qui intervenez régulièrement auprès des enseignants et des chefs d'établissements, que pensez-vous du témoignage de Nathalie ?

RB | Là aussi le témoignage de Nathalie est intéressant parce qu'il donne de la confiance et il donne de la confiance parce qu'il est authentique. Qu'est-ce que j'entends par cette authenticité ? Elle exprime à la fois les peurs, les difficultés avec les enseignants et les équipes pédagogiques qu’ils ont rencontrées et rencontrent dans la mise en place des nouvelles procédures sanitaires. Elle en est consciente, elle les exprime, mais elle exprime aussi les ressources dont, elle en tant que cheffe d'établissements fait preuve, mais aussi dont l'équipe va faire preuve. Et ça, c'est donc, l'un des éléments clés. C’est-à-dire, on est authentique, on est vrai dans ce qu'on dit à la fois dans ce qu'on sait savoir faire, mais aussi dans les limites, parce qu'on ne pourra pas tout contrôler. Donc ça repose la question de comment on fait avec l'incertitude. Ça, c'est un premier point et le deuxième point qui me semble déterminant dans ce qui va se passer là en mai, juin pour bien préparer l'année prochaine, c'est cette notion de confiance. C'est-à-dire : la peur est partout, on le perçoit bien à tous les niveaux. Et finalement, qu'est-ce qui va faire que les enfants, les ados, les jeunes vont revenir dans les établissements scolaires ? Les parents vont être rassurés parce que les adultes qui sont dans les établissements scolaires, en l'occurrence les enseignants, les chefs d'établissement, mais aussi l'ensemble du personnel, vont être en confiance. Et la confiance, elle, passe d'abord par la confiance que j'ai en moi, donc que l'adulte a. Et elle ne se décrit pas, elle ne se dit pas, ne se déclare pas, elle se vit dans la posture. Et là, je voudrais vraiment attirer l'attention sur les enseignants, les chefs d'établissement et tout le personnel éducatif : au-delà des peurs qui sont tout à fait humaines, c'est aussi la confiance que j'ai en moi et que j'ai dans l'équipe. Et cette confiance par contagion émotionnelle, en psycho-sociologie on parle de la contagion émotionnelle, il me semble que cette contagion émotionnelle, notamment dans les aspects positifs, va être déterminante sur la remise en route et, je vais être un peu provoquant : comment on remet de la joie dans l'école aujourd'hui malgré ce contexte-là ? Là je m'appuie sur ce que dit Antonella Verdiani, sur tout son travail à l'Unesco sur l'éducation à la joie, c'est l'élément déterminant pour pouvoir rentrer de nouveau dans les apprentissages. Parce qu'il faut être clair, la priorité ce n'est pas les programmes, la priorité c'est comment on va reconstruire ensemble du lien social, de la vie, de la joie, de la dynamique positive dans un contexte qui est pesant et qui est lourd. Et ça, c'est un vrai défi pour les équipes pédagogiques. Malgré la rigueur, malgré un cadre hyper structurant voir enfermant, comment dans ce cadre-là on va arriver à mettre de la vie, de la dynamique et de la joie. Et ça passe d'abord par une posture, par une intériorisation de cette posture qui va faire que dans la relation que je vais avoir avec les enfants, mais dans la relation que je vais avoir avec les parents aussi, on va se sentir en sécurité.

FMP | Et vous, Martine, auriez-vous des éléments à ajouter pour rassurer les familles ? Comment « récupérer », les familles et les élèves qui se sont éloignés de l'institution scolaire ?

MO | Alors je rebondis sur ce qu'a dit Raymond avec deux mots-clés qui me semblent essentiels par rapport à cette reprise et aussi la poursuite de conditions favorables pour la rentrée, pour apprendre. Et je dirais que ces deux mots-clés c'est « sécurité » et de nouveau « plaisir », en quelque sorte, et « espoir ». Les enseignants et le cadre de l'école, ce sont des éléments fondamentaux parce que finalement, dans cette période où tout a été bouleversé, les rythmes avec ce confinement, etc., l'école et les enseignants vont être les premiers en quelque sorte, à ramener un cadre ; le cadre est toujours un élément de sécurité. Parce qu’on y vient de telle heure à telle heure, parce qu’on a sa classe, même s'il y a des nouvelles règles là-dedans. C'est un élément qui est fondamental tant que le sentiment de sécurité — et ce sentiment de sécurité se nourrit justement des repères et des cadres — n'est pas renforcé, il n'y a pas de possibilité de stimuler d'autres ressources chez un individu, parce que, il va être automatiquement en danger. Donc l'école et cette période intermédiaire, même avant la rentrée d'automne est une période importante justement parce qu'elle va déjà aider à commencer à remettre en place, au milieu de situations qui vont obliger à avoir d'autres types de repères, malgré tout des éléments fixes de sécurité. Et quelque part, restaurer une certaine routine pour les tout-petits par exemple, c'est fondamental de leur ramener une succession de moments et de gestes, etc. Il y a une autre chose qui est importante pour les enfants et ça impacte plus selon les milieux dans lesquels ils sont, c'est de les inviter et de leur permettre de se confronter à une certaine variété de contextes tant sociaux que dans des rythmes. C'est évident qu'avoir été confiné chez soi, ça n'est pas la même chose pour tout le monde. Donc, l'école peut aussi être pour certains, une bouffée d'oxygène, peut être une manière de retrouver de l'espoir parce qu'ils vivent autre chose, de reprendre du recul par rapport à certaines situations. C'est aussi important parce qu'on se construit effectivement en interaction avec les autres et que l'élément relationnel, bien sûr il est essentiel au niveau de la famille, mais il est aussi important de le nourrir avec des informations différentes qui sont les interrelations entre les enfants eux-mêmes avec la complicité par exemple pour les ados qui est absolument nécessaire : il faut qu'ils retrouvent le sentiment de groupe qu'ils peuvent avoir parce qu'ils sont dans la même tranche d'âge, avec les mêmes types d'intérêts, les mêmes types de valeurs, etc. Et aussi, bien sûr, que les adultes que sont les enseignants, qui sont différents des parents, puissent redonner aussi un cadre et des valeurs de sécurité et de nouveau des règles. Ça, ça fait partie des fondamentaux dans l'équilibre psychique des enfants. Alors je me dis que cette période justement, un peu comme une répétition générale, même si on ne va pas effectivement s'intéresser beaucoup au programme, mais plutôt à restaurer tout ce fonctionnement interne et groupale est d'autant plus importante avant les vacances. Parce que de nouveau avec les vacances, il va y avoir une période d'isolement avec certainement des changements. Des vacances qui ne vont pas être similaires à ce que les enfants ont eu l'habitude peut-être de vivre jusqu'à présent. Et tout cela va peut-être aider aussi à préparer, à faire que tout le monde se prépare avec une possibilité d'aborder la rentrée un peu autrement et l'élément majeur, c'est de pouvoir se dire : ça ne sera peut-être pas comme avant, avec des changements, mais on peut avoir confiance, on va trouver des solutions, on en a déjà expérimentées, au fur et à mesure on réajuste. Et effectivement, pouvoir remettre derrière tout ça les épices du plaisir, de la joie, de l'espoir. Ce qui va amener de la motivation.

FMP | Raymond sur cette question, quel est votre point de vue ?

RB | Ce que Martine a pointé avec cette idée de cadre, c'est plus qu'une idée, c'est vraiment le déterminant de l'éducation. Et je repense souvent à un pédopsychiatre avec lequel j'ai eu l'occasion de travailler à une période de ma vie professionnelle qui s'appelait Lionel Convainc et qui disait : « Une éducation sans cadre ça met de la folie. » Et donc le retour à la vie sociale, le retour à l'école, le retour dans le monde associatif est déterminant bien sûr pour les adultes, mais qui plus est pour les enfants. Parce que c'est ce qui va les construire. Ils ont besoin de ces cadres, ils ont besoin d'aller se confronter aux cadres aussi. Et peut-être qu'un des éléments positifs de ce cadre très rigide qui est imposé à l'école aujourd'hui, va amener les jeunes à aller le tester et paradoxalement, à se construire.

FMP | En résumé, la période que nous avons traversé a mis au grand jour des mécanismes liés au stress sous-jacent dans la vie d'avant. Impossible aujourd'hui pour nous de les ignorer. Alors acceptons la réalité de cette contrainte et regardons nos peurs en face pour mieux les apprivoiser. Merci à vous et merci à ceux qui nous écoutent.