Cette semaine Extra Classe vous emmène au Québec à la rencontre d'Isabelle Dumont, professeure de mathématiques dans une école secondaire proche de Montréal. Comment nos collègues Outre-Atlantique ont-ils fait passer les examens ? Quelles directives ont-ils reçues pour les vacances ? Que pensent-ils faire à la rentrée ? Autant de questions brûlantes avant de clore le chapitre de cette année scolaire mouvementée.

La transcription de cet épisode est disponible après les crédits.


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Extra classe, des podcasts produits par Réseau Canopé. 

Interview animée en juin 2020 par : Hélène Audard 

Directrice de publication : Marie-Caroline Missir 

Coordination et production : Hervé Turri, Luc Taramini, Magali Devance 

Mixage : Laurent Gaillard

Secrétariat de rédaction : Séverine Aubrée

Contactez-nous sur : contact@reseau-canope.fr 

© Réseau Canopé, 2020


Transcription :

HÉLÈNE AUDARD | Aujourd'hui, nous traversons l'Atlantique pour découvrir comment les écoles québécoises ont vécu la période de crise sanitaire, comment les enseignants y préparent-ils la prochaine rentrée. Nous rencontrons Isabelle Dumont, enseignante de mathématiques et sciences dans une école secondaire privée à La Prairie près de Montréal. « Quoi de neuf au Québec ? », c'est le nouvel épisode d’Extra Classe. Isabelle, bonjour.

ISABELLE DUMONT | Bonjour.

HA | Pouvez-vous nous dire quelle est la situation pour les élèves et leurs enseignants au Québec actuellement ?

ID | Eh bien depuis hier ils sont en vacances nos élèves. Donc l'année scolaire vient de se terminer, ça a été une année scolaire spéciale, un peu écourtée. Le 12 mars le ministre nous annonçait que les élèves étaient en vacances pour deux semaines. En insistant bien sur le mot vacances pour ensuite dire que non il y aurait de l'école à la maison au bout de ces deux semaines-là. Ça a été un retour un peu progressif, et l'année scolaire finit avec une espèce de sprint.

HA | Vous parlez de sprint, vous les avez laissés comment vos élèves juste avant de partir en vacances ?

ID | C'est très variable d'une école à l'autre. Ici, au Québec, on a des écoles privées, des écoles publiques. Les écoles privées sont partiellement privées parce qu'elles sont quand même financées par le gouvernement, donc près de la moitié de nos élèves dans la région de Montréal sont dans les écoles privées. Ce qui fait en sorte que quand les gens sont supposément tombés en vacances, quand les jeunes on leur a annoncé qu'ils étaient en vacances pour deux semaines, les écoles privées ont tout de suite embarqué avec un programme d'apprentissage en ligne très rapidement parce que la majorité de nos élèves ont des ordinateurs à la maison et en classe déjà. Ça a été beaucoup plus compliqué au public parce que les élèves n'ont pas nécessairement accès à un appareil électronique. Parfois ils devaient suivre des cours sur un téléphone, donc c'est une des raisons pourquoi ça a été beaucoup plus compliqué. Donc nous, en privé, on est embarqué dès le 15 mars, on commençait à offrir des cours en ligne et au départ, on ne devait pas donner de nouvelles matières, on devait seulement consolider. La consigne a évolué avec les semaines, donc je dirais qu'à partir de mi-mai on a commencé à donner de la nouvelle matière, qu’on jugeait essentiel pour la passation au niveau suivant. Donc c'était vraiment un sprint à savoir, qu'est-ce qui est essentiel pour l'année prochaine ? Quelle matière devons-nous donner à nos élèves ? Mais ça s'est fait par école, donc ce n'est pas une consigne gouvernementale ou une consigne au Québec. Au public, ça a été différent, ça a été très long avant que la machine se mette en branle, ce qui fait en sorte que c'est très inégal. Je dis très long, mais ça dépend vraiment des écoles. Ce qui fait en sorte que certains élèves ont vraiment recommencé à avoir du matériel scolaire seulement peut-être autour du 15 mai. Et là, ça a été vraiment... j'ai entendu parler des parents qui avaient des enfants à l'école publique qui disaient « mon enfant est vraiment débordé, tout d'un coup. Il n'y a rien eu pendant un mois, deux mois et tout d'un coup, là c'est le déluge d'informations. »

HA | En juin vous deviez avoir des examens qui ont finalement été annulés, comment avez-vous évalué les élèves, notamment ceux qui étaient un peu justes ?

ID | Il y avait aussi la possibilité de passer des examens sous la forme d'un oral. Par exemple, un élève auquel on n'est pas certain parce que les travaux à la maison peuvent toujours être faits en équipe avec les parents ou avec des amis, on pouvait appeler les élèves directement ou faire une rencontre virtuelle et proposer un problème à l'élève. Donc c'est certain que c'est moins évident à l'oral, mais c'est par exemple sous la forme de tel problème mathématique : « Explique-moi comment tu pourrais le résoudre ? » Donc ce n'est pas tant au sujet de la réponse en tant que tel, qu'on s'intéresse à ce moment-là, mais du développement et de la pensée mathématique, si je pense en mathématiques par exemple. Donc on avait cette possibilité-là aussi pour s'assurer que l'élève ne fasse pas le travail avec papa, maman ou avec ses amis.

HA | Comment avez-vous vécu cette période, vous, en tant qu'enseignante ? Est-ce que finalement vous vous sentiez préparée ou pas trop ?

ID | Encore là c'était très différent d'un enseignant à un autre. Moi je fais la classe inversée depuis au moins sept ans, donc c'est certain que pour moi c'était relativement facile d'adapter mes cours. Premièrement mes élèves étaient déjà autonomes dans un système où ils doivent écouter des vidéos pour la théorie et faire des exercices par la suite. Donc ça a été je dirais relativement facile dans mon cas. Il y a d'autres enseignants qui ont dû s'approprier par contre des technologies qu'ils ne connaissaient pas. Je dirais… Au Québec on dirait qu’ils ont pédalé (rire). Mais je pense qu'au bout du compte, il va en sortir beaucoup de positif parce que certains enseignants, justement, ont dû s'approprier des technologies qu'ils ne connaissaient pas. Mais dorénavant, ils vont les connaître. Donc je pense que, au bout du compte, il va sortir beaucoup de positif de cette pandémie en enseignement.

HA | Et si on parle des vacances, puisque ça y est, vous y êtes, est-ce qu'il y a un suivi particulier prévu après cette très longue période où les élèves n'ont peut-être pas travaillé de manière très régulière ? Est-ce qu'on imagine qu'il y aura des dispositifs pendant les vacances pour certains d'entre eux ?

ID | Le ministre avait proposé pour les vacances, parce que c'est très difficile avec les parents, les élèves qui partent en vacances... avait proposé une espèce de camp pour les élèves en difficulté qu'il aurait aimé que ça se fasse dans le mois de juin. Bon là ça a été accueilli froidement, je dirais, par les syndicats, les commissions scolaires, il devenait très difficile de mettre en place un tel camp. Donc je dirais que non, c'est vraiment laissé à la discrétion plutôt des parents. Donc à savoir, est-ce que les parents veulent continuer des apprentissages avec leur enfant pendant l'été, sachant que son enfant a de la difficulté dans telle ou telle matière… Mais il n'y a rien de précis.

HA | Et la rentrée, je crois qu'elle a lieu fin août. Est-ce que vous savez un peu comment elle va se passer ? Est-ce que vous commencez déjà à la préparer ?

ID | Oui, ça change, ça change d'une semaine à l'autre par contre, donc il y a une semaine, on nous disait que ça serait une rentrée probablement moitié-moitié, c'est-à-dire que les élèves seraient peut-être à la maison une journée et à l'école une journée, c'est ce qu'on nous disait il y a une ou deux semaines. Et la semaine dernière, ça a changé du tout au tout. On nous a dit que les élèves entreraient tous à l'école, à temps plein du primaire jusqu'à la troisième secondaire, donc 15 ans. Et ça serait peut-être un petit peu différent pour les élèves de quatrième et cinquième secondaire étant donné qu'ils ont beaucoup de cours à options dont les règles sont parfois plus difficiles à appliquer. Parce qu'on a plusieurs règles, je vais en parler tout à l'heure, qui vont encadrer tout ça. Donc les cours à options, ce sont des cours où certains élèves vont avoir des cours de chimie, des cours d'entreprenariat, etc. Donc on n'a pas le choix de défaire les groupes. Quand je dis défaire les groupes... Tout le primaire, de la maternelle jusqu'aux élèves de secondaire 3 qui sont des élèves de 15 ans, tous les élèves vont faire partie d'un groupe de 30 élèves environ et ils vont passer l'année scolaire avec ces 30 élèves. Donc il n'y aura pas de mélange entre les élèves et à l'intérieur de ce groupe de 30 personnes, on nous demande de faire des îlots de 4-5 ou 6 élèves qui vont travailler plus en équipe, donc ça devra toujours être les mêmes 4-5-6 élèves qui seront ensemble au cours de l'année. Et ce, dans tous leurs cours, que ce soit en français, ils vont toujours rester dans la même classe, aussi, ce qui est différent pour nos élèves du secondaire. Donc ils vont vraiment mettre des règles pour encadrer. Les élèves risquent de manger dans les classes au lieu de manger à la cafétéria. Donc il va avoir des règles très strictes qui vont encadrer la rentrée scolaire.

HA | Ce système de groupe d'élèves qui vont rester ensemble toute l'année que vous décriviez, c'est une organisation nouvelle pour vous ?

ID | Encore là, ça dépend des écoles. La majorité des écoles... au primaire, c'est de la façon que ça fonctionne. Les élèves ont leur groupe pour l'année et avec leur enseignante qui est avec eux toute l'année. Mais quand on arrive au secondaire, étant donné que les cours sont différents, français, mathématiques, etc., les élèves, dans la majorité des écoles, changent complètement de groupe d'un cours à l'autre et changent de classe aussi physiquement. Donc ils peuvent se retrouver avec un élève dans leur cours de français et cet élève-là dans leur cours de mathématiques ce ne sera pas là, il sera avec un autre enseignant ailleurs. Donc la majorité des écoles fonctionne comme ça. Nous, on gardait nos groupes, donc nos élèves avaient leur groupe en début d'année et il y a seulement en anglais, parce que les niveaux d'anglais sont très différents, et en éducation physique que les groupes étaient un peu défaits. Mais sinon on avait déjà l'habitude de fonctionner comme ça, mais c'est très rare. La majorité des écoles ont des élèves différents au secondaire dans chacun de leurs cours.

HA | Et donc vous vous sentez plutôt sereine pour cette rentrée ?

ID | Oui. En fait, pour moi, je fonctionnais déjà avec une bonne classe qui était toujours le même groupe. Je fonctionnais déjà avec des îlots, un peu comme... nous au Québec c'est surtout au primaire, c’est vrai, qu’on va organiser les élèves en îlot de travail mais je fonctionnais aussi comme ça, on secondaire, j'enseigne en première secondaire. Donc moi, ça ne va pas changer grand-chose. La seule chose qui va vraiment être modifiée, c'est que je n'aurai plus ma classe. Habituellement, les élèves venaient à ma classe et repartaient ensuite pour un autre cours ailleurs, donc là, c'est moi qui vais devoir se promener d'une classe à une autre pour aller rencontrer mes groupes d'élèves, ça va être ça mon gros changement.

HA | Merci Isabelle de ce témoignage et merci à tous ceux et toutes celles qui nous écoutent. C'était « Quoi de neuf au Québec ? », un épisode d'Extra Classe.