🏗 Comment le nouveau Tangram City d’Uwe Rosenberg a transformé un puzzle millénaire en expérience glaciale ? 🌡❄


Article écrit par Loïc. Breton d’origine et exilé depuis peu en Suisse (pour son chocolat, surtout), Loïc vit et respire jeux de société. Il est toujours prêt à sortir cartes et plateaux pour s’amuser et partager sa passion débordante. Joueur dans l’âme, sa devise est « Une petite partie, entre deux arrêts de bus ? ».

loicchezgusco

Tangram City

Tangram City

⚠ Avertissement : Dans un souci de transparence envers notre communauté, nous tenons à préciser que cet article reflète notre opinion personnelle sur le jeu. Nous n’avons reçu aucune contrepartie de la part de l’éditeur du jeu. Nous avons acquis et testé le jeu de façon indépendante, sans lien commercial avec son éditeur. Les avis présentés ici représentent notre analyse honnête et impartiale du jeu, basée sur notre propre expérience.


En bref :

  • Un casse-tête géométrique élégant mais sans âme, qui transforme l’héritage du tangram en une expérience multi-solitaire glaciale.
  • Une mécanique parfaitement calibrée par Uwe Rosenberg qui ne parvient jamais à décoller, condamnée à l’oubli après quelques parties.
  • Un investissement de 20€ difficile à justifier pour un jeu qui finira plus vite sur l’étagère que dans vos souvenirs.

Clairement, on peut dire que depuis 20-30, le monde du jeu de société évolue. Exit les vieux Monopoly poussiéreux qui traînent dans nos greniers ! Aujourd’hui, les auteurs et autrices rivalisent d’ingéniosité pour nous proposer des expériences toujours plus raffinées, sophistiquées. Le placement de tuiles, autrefois cantonné à quelques classiques comme Carcassonne, s’impose désormais comme un genre à part entière. Et croyez-moi, non, ce n’est pas près de s’arrêter !

Tangram City : quand l’urbanisme devient un jeu d’enfant

Parlons justement de la dernière création en date : Tangram City. Imaginez un instant que vous êtes un urbaniste, mais pas n’importe lequel. Oubliez les contraintes administratives et les permis de construire ! Ici, votre seul outil est votre créativité, et vos matériaux sont des formes géométriques dignes d’un Kandinsky en plein délire créatif.

La force de Tangram City, c’est sa capacité à transformer des concepts complexes en un système accessible. Chaque tour de jeu est un ballet parfaitement orchestré où les joueureuse manipulent simultanément leurs tuiles. Et croyez-moi, quand vous réussissez à placer ce fameux triangle qui complète votre quartier résidentiel tout en créant une zone verte, c’est une pure satisfaction !

L’équilibre : le véritable nerf de la guerre

Dans ce jeu, comme dans la vie par ailleurs (oui, instant philo), tout est question d’équilibre. D’un côté, vous avez vos bâtiments qui vous rapportent des points précieux. De l’autre, la nature, indispensable pour créer une ville vivable. C’est un peu comme essayer de faire un régime tout en travaillant dans une chocolaterie : il faut savoir résister aux tentations !

En effet, dans Tangram City, dans l’idéal si on veut exploser les scores, non seulement on doit poser des pièces de… tangram, oui, d’où le titre, mais également tenter d’équilibrer les deux couleurs de tuiles : les vertes, végétales, et les brunes, minérales. Car oui, dans une ville idéale, il faut un peu de deux. Dans l’idéal.

Tangram City plateau

L’héritage Rosenberg : entre tradition et modernité

Uwe Rosenberg n’en est pas à son coup d’essai. Après avoir révolutionné le genre avec Agricola (ah, ces petits moutons !), puis nous avoir fait tricoter avec Patchwork, le voilà qui s’attaque à l’urbanisme. On pourrait presque le comparer à un chef étoilé qui s’essaierait à la street food : même talent, mais dans un format plus accessible.

Mais parlons un peu esthétique. Les tuiles de Tangram City sont un véritable festin pour les yeux. C’est coloré, c’est moderne, c’est… vivant ! Bon, d’accord, le reste du matériel est un peu plus sage. Et plat. Et très « jeu allemand des années 90 ». Comme dirait ma grand-mère : « On ne peut pas avoir les tuiles et l’argent des tuiles ! (ça marche aussi avec le beurre).

Tangram City tuiles

La question qui fâche : où est l’innovation ?

Vous pensez peut-être que le placement de tuiles, c’est simple comme bonjour ? Détrompez-vous ! C’est un genre qui ne cesse de se réinventer. Entre Carcassonne qui nous fait construire des châteaux depuis vingt ans, Patchwork qui nous transforme en couturiers du dimanche, et maintenant Tangram City qui nous propulse urbanistes, le genre a de beaux jours devant lui !

Soyons honnêtes un instant : Tangram City est-il vraiment révolutionnaire ? Non. Habitué des tuiles polyomino, l’auteur Uwe Rosenberg leur fait un écart de fidélité pour tenter le tangram. C’est pareil, mais différent. Et parlons-en, du tangram, justement.

Le tangram : un héritage millénaire chinois

Le choix du nom « Tangram City » par Uwe Rosenberg n’est pas anodin : il fait référence au tangram, ce célèbre puzzle géométrique chinois vieux de plus de 1000 ans. Apparu sous la dynastie Tang (618-907), ce jeu de réflexion, connu en Chine sous le nom de « 七巧板 » (qī qiǎo bǎn, « sept planches d’habileté »), a traversé les siècles pour inspirer aujourd’hui les auteurs et autrices de jeux modernes.

Le tangram représente la quintessence du génie mathématique chinois : avec seulement sept pièces simples, il offre des possibilités quasi infinies.

Le tangram en chiffres

  • 7 pièces (tans) : 2 grands triangles, 1 triangle moyen, 2 petits triangles, 1 carré, 1 parallélogramme
  • Plus de 6500 figures possibles
  • Exporté en Occident vers 1800
  • Un des puzzles les plus vendus au monde (100 millions d’exemplaires/an)

Cette riche histoire culturelle donne à Tangram City une profondeur supplémentaire, l’inscrivant dans une tradition millénaire tout en la réinventant pour notre XXIe siècle. Le jeu ne se contente pas d’emprunter un nom : il perpétue l’esprit d’innovation et de créativité qui a fait le succès du tangram à travers les âges.

Les limites d’un concept

Comme tout jeu, Tangram City a ses défauts. La rejouabilité, notamment, peut poser question. C’est un peu comme votre série préférée : les premiers épisodes vous passionnent, mais à force de les revoir, vous connaissez les dialogues par cœur. Si les 2-3 premières parties peuvent être (plus ou moins) intéressantes, au bout de quelques parties le concept, le jeu s’essoufle.

Après quelques parties, certains joueurs et joueuses pourraient ressentir une certaine routine s’installer. Les stratégies optimales émergent, les surprises se font plus rares. On y joue, mais sans passion.

L’éléphant dans la pièce : un jeu multi-solo glacial

Si Tangram City se distingue (un peu) par son élégance mécanique, il souffre d’un défaut majeur que nous ne pouvons plus ignorer : son manque cruel d’interaction. Appelez cela du « solo-multi », du « parallélisme ludique » ou, soyons honnêtes, du « chacun dans sa bulle », « chacun sur sa ville », le constat reste le même.

Quand la table de jeu devient un open space silencieux

C’est comme être dans une bibliothèque universitaire pendant les examens : tout le monde est concentré, mais personne ne se parle.

Imaginez la scène : quatre joueurs et joueuses, penchées sur leurs plateaux individuels, manipulant leurs tuiles dans un silence monastique, levant occasionnellement les yeux pour vérifier… quoi au juste ? Car oui, même les phases de jeu simultanées, censées créer une émulation, se transforment en séances de méditation collective.

Une mécanique qui tourne le dos à l’esprit du jeu de société

Le problème va au-delà du simple manque d’interaction :

  • Impossibilité d’influencer les choix des adversaires
  • Absence de tension compétitive directe
  • Stratégies développées en vase clos
  • Sentiment d’isolement paradoxal en situation de groupe

Dans Tangram City, vous pourriez tout aussi bien jouer seul et comparer vos scores par email. Attention, je ne dis pas que les jeux solo c’est le mal incarné. Ne me faites pas dire écrire ce que je n’ai pas dit écrit. Non, bien au contraire (coucou Eila). C’est juste qu’ici, dans Tangram City, on se demande bien ce qu’on fait assis avec les autres si au final, on fait un casse-tête en solo.

La solitude au milieu de la foule

Cette approche multi-solo soulève une question fondamentale : pourquoi réunir des joueurs autour d’une table s’ils ne vont pas réellement interagir ? C’est comme organiser un dîner où chaque convive apporterait son casque audio et son plateau-repas.

Les conséquences sont palpables :

  1. Parties manquant de dynamisme
  2. Faible rejouabilité en groupe
  3. Discussions post-partie limitées
  4. Expérience sociale appauvrie

Un mode solo qui révèle le paradoxe

Ironie suprême : le mode solo de Tangram City offre une expérience quasi identique au mode multijoueur. Cette similarité troublante ne fait que souligner le problème central du jeu. Quand votre partie à quatre ressemble à s’y méprendre à une partie en solitaire, il y a matière à s’interroger.

Après trois parties, mon groupe a réalisé que nous aurions pu jouer chacun chez soi et partager nos scores sur WhatsApp. Ça aurait donné exactement la même expérience. Mais bon, clairement, depuis la pandémie, c’est une tendance qu’on constate dans le jeu de société. De plus en plus de jeux de société propose une telle dynamique solo-multi. Ça plaît, ou pas.

Une occasion manquée

Ce choix de design questionnable est d’autant plus frustrant que le thème de l’urbanisme se prêtait parfaitement à des mécaniques interactives :

  • Projets communs entre villes
  • Compétition pour des ressources
  • Zones d’influence partagées
  • Échanges commerciaux

Au lieu de cela, nous nous retrouvons avec des villes-états hermétiques, des micro-royaumes isolés qui se développent en parallèle sans jamais vraiment se rencontrer.

Un casse-tête sans âme : l’ennui géométrique

L’enthousiasme des premiers instants : une flamme vite éteinte. Avouons-le : la première partie de Tangram City provoque un certain émerveillement. Les tuiles colorées s’emboîtent harmonieusement, les quartiers prennent forme, et l’on se surprend à sourire devant sa création. Mais comme un soufflé qui retombe, cette magie initiale s’évapore aussi vite qu’elle est apparue.

C’est comme ces applications de puzzle sur smartphone : on y joue avec enthousiasme pendant deux jours, puis on les oublie complètement.

Les signes qui ne trompent pas (observés pendant nos parties ) :

  • Regards qui se perdent pendant la partie
  • Bâillements discrets à la troisième partie
  • « On fait autre chose ? » dès la fin de partie
  • Boîte qui, depuis, prend la poussière sur ma kallax

Un exercice mathématique déguisé en jeu

Car c’est là que le bât blesse : Tangram City n’est au final qu’un exercice de géométrie grimé en jeu de société. Une fois la nouveauté passée, que reste-t-il ? Des choix mécaniques plutôt qu’émotionnels, absence totale de moments mémorables, aucune histoire à raconter après la partie, et au final, un sentiment de « déjà-vu » permanent. Tangram City, c’est propre, c’est net, c’est bien conçu… et c’est terriblement ennuyeux. Un jeu qui ne laisse aucune trace.

Faites l’expérience : demandez à quelqu’un de vous raconter sa meilleure partie de Tangram City. Vous obtiendrez au mieux un haussement d’épaules gêné, au pire un regard vide. Comment un jeu peut-il être si… oubliable ?

Ce qui manque cruellement à Tangram City : des moments de tension mémorables, des choix tendus comme un slip qui font débat, des stratégies à discuter passionnément, des parties qui laissent des souvenirs. Une âme, tout simplement.

Le syndrome du plat réchauffé

Tangram City, c’est comme manger un plat surgelé dans un restaurant gastro (nomique, pas entérite) : techniquement correct, mais sans aucune personnalité.

À force de vouloir tout optimiser, tout lisser, tout équilibrer, Uwe Rosenberg a créé un jeu parfaitement… insipide. Une performance technique, certes, mais dénuée de cette étincelle qui transforme un simple divertissement en expérience mémorable.

Tangram City, verdict

Arrive ce moment délicat où il faut trancher. Après de nombreuses parties et des discussions au sein de la rédaction, une vérité s’impose : Tangram City est l’incarnation parfaite de l’indifférence ludique. Un jeu qui ne suscite ni amour ni haine – juste un haussement d’épaules. Poli.

Dans un an, Tangram City rejoindra cette longue liste de jeux dont on se dit : « Ah oui, je l’ai… quelque part ». Ni assez mauvais pour être mémorable, ni assez bon pour être inoubliable, il incarne cette médiocrité dorée qui est peut-être le pire défaut pour un jeu de société : l’insignifiance.

La véritable tragédie ? Ce n’est pas tant que Tangram City soit un mauvais jeu. C’est qu’il ne soit… rien du tout. Un exercice de style sans passion, un passe-temps sans saveur, une expérience sans empreinte. Dans un monde ludique qui regorge de pépites mémorables, c’est peut-être là le plus grand échec.

On a aimé :

  • La qualité des composants (au moins, les tuiles feront de jolis dessous de tasses à espresso)
  • Les règles claires (comme quoi, même l’ennui peut être bien expliqué)
  • Le temps de partie court (merci de ne pas faire durer le supplice)
  • La signature d’Uwe Rosenberg sur la boîte (ça impressionne les invités)
  • La boîte qui s’intègre parfaitement dans la bibliothèque (où elle restera)

On a moins aimé :

  • L’absence totale d’interaction (autant jouer avec son reflet dans le miroir)
  • La rejouabilité inexistante (comme regarder 50 fois le même épisode de « Plus Belle la Vie ». Mes respects à « Plus Belle la Vie »)
  • Le manque de passion (moins excitant qu’une réunion de copropriété)
  • Le prix de 20€ (ou « comment transformer un billet en regrets »)
  • Le syndrome « multi-solo » (ou « la solitude à plusieurs, nouvelle édition »)

C’est plutôt pour vous si…

  • Vous collectionnez les jeux comme d’autres les timbres : sans jamais les utiliser
  • Votre groupe préfère le silence monastique aux échanges animés
  • Vous cherchez une activité pour méditer en groupe sans se parler
  • Vous aimez expliquer à vos amis pourquoi ils devraient jouer à autre chose
  • Vous avez besoin d’un cadeau passif-agressif pour quelqu’un que vous n’aimez pas trop

Ce n’est plutôt pas pour vous si…

  • Vous pensez que « jeu de société » implique une forme de « société »
  • Votre définition du fun inclut un minimum d’interaction humaine
  • Vous préférez les jeux qui laissent des souvenirs (autres que des traumatismes)
  • 20€ représente plus qu’un don à la recherche sur l’ennui ludique
  • Vous êtes allergique aux soirées jeux qui se terminent par « On fait un Uno ? »

Tangram City, ou quand la plus belle démonstration qu’avoir toutes les bonnes pièces ne suffit pas à créer un bon jeu. Le verdict final : à prendre ou à laisser (plutôt à laisser…).

Bof bof.

⭐⭐

Note : 2 sur 5. Tangram City chez Philibert Tangram City chez Play-in


  • Label Dé Vert : Non. Pour en savoir plus sur le label Dé Vert, c’est ici.
  • Création : Uwe Rosenberg
  • Illustrations : Atalia Jeux
  • Édition : Atalia Jeux
  • Nombre de joueurs et joueuses : 1 à 4 (tourne « bien » à toutes les configurations)
  • Âge conseillé : Dès 8 ans (bonne estimation)
  • Durée : 30 minutes
  • Thème : Ville
  • Mécaniques principales : Tuiles. Pour en savoir plus sur les différentes mécaniques de jeux, c’est ici.

Rejoignez notre communauté :

Rejoignez notre chaîne WhatsApp


Depuis 2007, votre fidélité a façonné notre blog sur les jeux. Pour rendre votre expérience de lecture toujours plus agréable, nous avons choisi un espace sans publicité, nous entretenons toutefois des relations d’affiliation avec Philibert et Play-in, nous touchons une petite commission lorsque vous achetez un jeu depuis notre site. Notre indépendance se nourrit de votre soutien, et chaque contribution, petite ou grande, fait une réelle différence.

En donnant via Tipee, vous nous aidez à enrichir notre contenu et à partager notre passion pour les jeux de société. Votre soutien nous permet de continuer cette belle aventure ensemble. Merci pour votre générosité et pour faire partie de notre communauté dédiée aux jeux, sous toutes ses formes. Ensemble, continuons à explorer l’univers ludique !

Soutenez Gus&Co sur Tipeee

L’article Tangram City : Ennui géométrique est apparu en premier sur Gus & Co.