Il était une fois les légendes du rubis

La couleur rouge du rubis a toujours fascinée. Depuis l’antiquité on l’amalgame à la symbolique du feu et du sang. On pense que le rubis est arrivé en Europe par les grecs et les étrusques vers 500 avant J.C. Et déjà les grecs croyaient qu’un sceau de rubis gravé pouvait faire fondre la cire juste par contact.

Les Romains de l’antiquité appelaient Carbuncolorum toutes les pierres rouges écarlates brillantes : ce qui veut dire « petit charbon ardent ». A l’époque on ne savait pas faire vraiment la différence entre le rubis, le spinelle rouge (qu’on appelle aussi rubis balais), la tourmaline (rubis de Sibérie), le grenat pyrope, le grenat almandin, le grenat hyacinthe ou la fluorite rouge ou encore la topaze rose orangé. Ce n’est qu’au XVIIIe siècle quand on saura la distinguer qu’on appellera cette gemme « rubis » en référence au latin « Ruber » qui signifie « rouge ». Auparavant seule la brillance de la gemme incitait à déterminer une différence de valeurs et la dureté du rubis décourageait l’utilisation en intaille ou en camée car la gemme se révélait trop dure sans que l’on sache vraiment pourquoi.

Au Moyen Age le nom évolue encore on les appelle « carboncle », « charboncle » ou encore « escarboucles ». Les gemmes rouges sont chargées de multiples pouvoirs, on pense que les dragons et les chimères les portent sur le front pour trouver leur chemin, que si les gemmes sont entachées ou changent de couleur c’est signe de l’arrivée d’un malheur. Bref les gemmes rouges protègent. Elles deviennent très précieuses car le feu et le sang sont symboles de courage et d’ardeur et ce sont justement les qualités que l’on demande aux chevaliers. Alors les chevaliers les portent sur leurs heaumes pour se protéger des blessures et des maladies. Aussi rapidement le rubis devient-il un apanage royal. Malheureusement comme on ne sait pas distinguer le rubis du spinelle, certaines gemmes royales considérées comme rubis sont aujourd’hui acertainées comme des spinelles.

Par exemple le « rubis du prince noir » qui est au centre de la couronne britannique est un spinelle. 

Son histoire remonte à 1362 quand Pierre 1er de Castille la prend comme souvenir après avoir tué Abu Saïd un prince maure. Puis Pierre 1er est chassé de son trône et demande l’aide d’Edouard de Woodstock. Celui-ci est en fait Édouard Plantagenêt, Prince d’Aquitaine, Prince de Galles, Duc de Cornouailles et Comte de Chester. C’est le fils d’Edouard III à l’époque où le royaume britannique détient une grande partie de la France (notamment Bordeaux et la Gascogne). Et on le surnomme le prince Noir soit en référence à la couleur de son armure soit, dit-on, à celle de son âme. Comme Pierre 1er ne peut dédommager Edouard, il lui offre la flamboyante gemme de 170 carats qui sera portée par la suite par le roi d’Angleterre Henri V à la bataille d’Azincourt en 1415 où les français sont battus à plate couture. Puis Richard III porte le rubis du prince noir à la Bataille de Bosworth en 1485 avant qu’elle soit montée sur la couronne de Jacques 1er puis de Victoria en 1838 et de George VI en 1937. Cette gemme en octaèdre non taillée est toujours aujourd’hui sur la couronne britannique et portée par Elisabeth II pour l’ouverture du Parlement, mais on sait maintenant que c’est un spinelle. 

En France également la confusion entre rubis et spinelle est historique. En 1530 Charles VII épouse la duchesse Anne de Bretagne. Elle apporte en dot sa région, sa marine et ses bijoux. Le plus beau est le « Cote de Bretagne », un rubis à 3 pointes de 206 carats hérité de sa mère Marguerite de Foix. Elle le transmet à sa fille Claude de France pour son mariage avec François 1er. Alors quand François 1er décide de créer les Joyaux de la couronne de France comme bien inaliénable de son royaume il y met naturellement cette splendide gemme. Henri III met en gage les joyaux de la couronne pour financer les guerres de religion sauf le Cote de Bretagne. Plus tard Louis XV demande à Jacqmin, Joaillier et « Garde des pierreries du roi » de créer un insigne pour l’Ordre de la Toison d’or et le Cote de Bretagne est retaillé dans sa forme de dragon par Jacques Guay en 1750 et serti au dessus du fameux diamant bleu de France de Louis XIV qui deviendra le diamant maudit le Hope. On perd la trace du Cote de Bretagne au moment du vol du Garde Meuble de la Couronne après la révolution et il ne réapparait qu’après la chute de Napoléon avec le retour des Bourbon au pouvoir. C’est le seul gemme qui nous est parvenu des premiers Joyaux de la couronne et il est aujourd’hui au Louvre à la Galerie Apollon mais on sait maintenant que ce rubis fameux est en fait un spinelle.

A contrario dans la couronne de Saint Wenceslas, le rubis central est bien un rubis. Cette couronne est à l’origine créée pour le sacre de Charles IV, roi de Bohème et empereur romano-germanique. Le roi la commande en 1346 pour son couronnement et la destine à orner par la suite le reliquaire du crâne du saint roi Wenceslas, le saint patron des tchèques. Il souhaite qu’elle soit très luxueuse parce qu’il a été élevé en France et a pu apprécier le faste de la cour de France. En effet son père, l’allemand Jean de Luxembourg est en conflit ouvert avec sa mère, Élisabeth de Bohême qui est tchèque et il décide de soustraire son jeune fils à l'influence maternelle et l’envoie à la cour de son oncle par alliance et parrain, le roi de France Charles IV dit Charles le Bel, avant de lui faire épouser la française Blanche de Valois. C’est un roi cultivé qui parle couramment cinq langues : le latin, l'allemand, le tchèque, le français et l'italien. Il transforme son royaume tchèque en pole central du saint empire à la fois administrativement mais aussi artistiquement en faisant venir à Prague les meilleurs artistes et il initie le premier Age d’or de la Bohême. La couronne Saint Wenceslas est donc couverte d’une large partie des joyaux de la couronne de bohême. Elle comporte 19 saphirs, 30 émeraudes, 20 perles, 44 spinelles. Et il y a bien en pierre centrale un extraordinaire rubis oriental, non taillé de 250 carats. Aujourd’hui, la couronne existe encore et est gardée à la Cathédrale Saint-Guy de Prague. Pour accéder au trésor, les sept clés confiées à sept hauts responsables de l’État et de l’Église doivent être réunies. Mais on peut en admirer une copie au Château de Prague.

Le rubis fascine et est à l’origine de nombre de légendes.

En Birmanie d’où viennent les rubis mythiques, les légendes célèbrent cette gemme et lui prêtent des vertus fabuleuses. On raconte qu’il y a très longtemps, si longtemps que Bouddha n’était pas encore venu visiter la terre, la nature était toute entière livrée aux bêtes sauvages et survolée sans cesse par des oiseaux de proie. Un jour, un aigle, qui est l’empereur des oiseaux et celui-ci était le plus grand parmi les siens, était à la recherche de nourriture. Son vol majestueux l’amène à survoler le versant d'une montage où il aperçoit un énorme quartier de viande tellement fraîche que le sang d'un rouge éclatant parait briller. Bien sûr il fait des cercles au dessus de sa proie avant de fondre en piqué dessus, pour l’agripper dans ses serres et l’emmener dans son nid. Or malgré toute sa force prodigieuse, il n’arrive pas à la soulever. Alors l’aigle comprend que la nourriture est une pierre et que cette pierre est la fille du feu et du sang de la terre. Cette pierre était un rubis et le lieu magique de cette découverte avait pour nom « Mogok ».

Plus tard, alors qu’on avait pris l’habitude des cadeaux de la terre et que les rubis étaient extraits régulièrement de la vallée de Mogok, le roi birman décréta que tous les rubis d’une taille importante seraient sa propriété exclusive. Le paysan Nga Mauk, trouve une pierre extraordinaire de plus de 500 carats. Il coupa la pierre en deux, en donne la moitié au roi birman et vend l’autre moitié à un empereur de Chine. Mais quand ce dernier est chassé de son pays, il demande l’asile au roi birman et lui offre le rubis en paiement. Le roi birman voit bien que les 2 gemmes forment une seule pierre alors il ordonne que Nga Mauk soit tué et sa famille brûlée vive. La sœur de Nga Mauk arrive à se sauver et avant de mourir de chagrin lance une malédiction sur la vallée en prédisant que la terre cesserait de produire des pierres précieuses. Aujourd’hui les mines de rubis de Mogok sont réellement taries. 

Entre ces 2 légendes, les guerriers birmans portaient les rubis pour devenir invincibles au combat et pour cela ils inséraient les rubis sous la peau. Car la couleur rouge du rubis était associée au sang qui alimente le cœur c’est-à-dire le courage et au feu qui implique l’ardeur au combat.

En Inde, le rubis est appelé du nom sanskrit « ratnaraj » qui signifie « roi des pierres précieuses » ou « Ratnanayaka » qui veut dire « chef des pierres précieuses » car sa couleur indique un feu interne qui ne peut être éteint. Si on offre un rubis au dieu Krishna, on s’assure une réincarnation en puissant empereur. Et si on veut faire une offrande aux dieux indous on peut apporter des pierres précieuses pour constituer l’arbre sacré dont les rubis sont les fruits. Cette offrande magique s’appelle le Mani Mala.

Les guerriers chinois, eux aussi, croyaient aux vertus protectrices du rubis. Dès 200 avant JC, ils en achetaient sur la Route de la Soie pour les placer sur leur épée. On raconte que l’empereur Kublai Khan aurait offert une ville entière en échange d’un seul rubis.

En Orient, le rubis est aussi un symbole important de la religion islamique. Dans le Coran, il est écrit « Dieu envoya une maison de rubis à Adam. Elle prit place à l’endroit appelée la Kaaba au sein de la Mosquée Sacrée de la Mecque. Une pierre blanche et brillante y fut déposée de sorte que cette maison éclatante puisse être visible de partout. Adam la visita et constata que tous les lieux où il posait le pied devenaient florissants et se couvraient d’eaux courantes et de verdure ». Le rubis est alors étroitement lié à la création de l’homme.

C’est pourquoi les souverains orientaux recherchent les rubis. Marco Polo racontait que Sendemain, le roi de Ceylan possédait le plus beau et le plus gros des rubis, long comme une paume et gros comme le bras d’un homme, vermeil comme le feu et sans aucune taches. Quand au roi du Siam, il possédait une escarboucle si grande qu’elle éclairait toute sa chambre. Et au XIIIe siècle à Bagdad, le calife Mostanser Billah de la dynastie des Abbâssides possédait « un paon d’or au plumage enrichi de pierres précieuses et aux yeux de rubis, un coq à la crête et au regard de rubis, un œuf de rubis de la plus belle eau… ». Malheureusement, il perd le combat contre les turcs et doit leur laisser tous ses trésors.

Pour les chrétiens, Le rubis a également une très longue histoire. Il est même mentionné quatre fois dans la Bible: Dieu aurait créé 12 pierres dont la plus précieuse aurait été le rubis. Ces douze pierres créées par dieu étaient placées sur le plastron d’Aaron au niveau du cou. Par ailleurs, le rubis symbolise le sang du christ. Alors le rubis est la pierre des bagues des cardinaux jusqu’au concile œcuménique du Vatican II. 

Aujourd’hui, il est communément admis que le rubis est la pierre qui symbolise les 35 ans de mariage et c’est aussi la pierre de naissance des natifs du mois de Juillet.

Au-delà de cette symbolique, le rubis est bien sûr chargé de vertu prophylactique. Dans l’Europe médiévale, le rubis est utilisé comme talisman et même médicament contre la peste. Au XVIe, Jean de Renou, médecin d’Henri II, Henri III puis Henri IV indique dans l’un de ses ouvrages médicaux que « le rubis est grandement cordial et qui plus est, résiste puissamment à toutes pourritures et venins ». 

A peine un siècle plus tard, la croyance dure toujours et d’ailleurs le rubis de Madame de Montespan est célèbre. Elle est née Françoise de Rochechouart de Mortemart, le 5 octobre 1640 à Lussac-Les-Châteaux et épouse Louis-Henry de Pardaillan de Gondrin en 1663 qui lui donne le titre de Marquise de Montespan. Elle devient la favorite de Louis XIV, se fait appelée Athénaïs, lui donne 7 enfants et contribue au développement du luxe en créant autour d’elle une cour brillante et en protégeant notamment Molière et la Fontaine. On n’oublie pas qu’on accusait Madame de Montespan d’utiliser la sorcellerie et qu’elle est impliquée dans l’affaire des poisons où elle a été suspectée d’avoir donner des charmes à Louis XIV à son insu. Elle possédait un rubis sculpté de la couleur mythique « sang de pigeon » qui représentait son visage et qu’elle portait en bague. Le bijou est actuellement au British Muséum de Londres.

Aujourd’hui en lithothérapie on pense que le rubis régule les problèmes liés au système sanguin et au cœur et qu’il aurait le pouvoir d’apaiser la colère et l’anxiété. Il favoriserait donc la joie de vivre et la confiance en soi, éloignerait les cauchemars et préserverait de la contagion.

Au cours du temps les symboles évoluent, par exemple le cœur que l’on estimait être le siège du courage au Moyen Age est aujourd’hui toujours lié à la passion, mais à la passion amoureuse. Aussi le rubis est considéré comme une gemme de déclaration d’amour passionné. L’éternelle amoureuse Liz Taylor a été couverte de joyaux et de rubis par ses amoureux. En 1957, son époux Mike Todd lui fait la surprise de lui offrir à la sortie de sa piscine une magnifique parure Cartier en rubis et diamants. Et en 1968, c’est Richard Burton qui accroche son cœur avec une bague rubis Van Cleef & Arpels dissimulée au fond de sa chaussette de Noël. Le rubis était aussi la pierre préférée de la cantatrice passionnée Maria Callas, pour qui Jacques Arpels crée en 1967 le célèbre clip Fleur, en diamants avec des rubis taille coussin de plus de 15 carats. 

Ainsi se termine cette histoire d’Il était une fois le bijou. Je vous souhaite une jolie semaine et vous donne rendez-vous dimanche prochain. Si cette histoire vous a plu envoyez moi plein de bisous sur les réseaux sociaux d’Il était une fois le bijou et encouragez moi en partageant les bijoux bisous tout autour de vous.

A bientôt pour un prochain bijou, un nouveau bisou du dimanche soir.

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