Par Erick Muller, responsable des investissements et des produits

 

Erick Muller

Les investisseurs obligataires abordent l’année 2026 sur des bases solides. L’économie mondiale est restée résiliente, soutenue par une inflation plus modérée, des conditions financières plus favorables et l’absence de restrictions budgétaires. L’amélioration du revenu disponible réel et la solidité des bénéfices des entreprises ont stabilisé les perspectives et, bien que les banques centrales aient déjà assoupli quelque peu leur politique, elles conservent la flexibilité nécessaire pour agir si les conditions se détériorent. Les fondamentaux des entreprises restent sains, ce qui laisse penser que le carry restera une source importante de rendement et que la dispersion des spreads de crédit continuera à créer des opportunités.

Plusieurs facteurs devraient soutenir ce cycle. L’assouplissement des conditions financières en 2025 et la bonne performance des actions offrent un contexte favorable, tandis que les dépenses publiques soutenues favorisent la croissance à court terme. Aux États-Unis, nous pensons que les tendances du marché du travail guideront la Réserve fédérale (Fed); la faiblesse persistante de l’emploi devrait pousser les taux vers 3-3,25% d’ici mi-2026. En Europe, le changement de politique budgétaire de l’Allemagne prévu pour 2025 devrait stimuler l’activité intérieure, même si la région dans son ensemble reste confrontée à des disparités. La Banque centrale européenne (BCE) est globalement satisfaite de la trajectoire actuelle de l’inflation, mais pourrait procéder à de nouvelles baisses si les dépenses ou les embauches ralentissaient. Dans l’ensemble, le ralentissement de l’assouplissement monétaire en 2025 laisse une marge de manœuvre pour de nouvelles mesures en cas d’affaiblissement du cycle ou de resserrement brutal des conditions financières.

Duration, courbes et forte composante technique

Nous anticipons un certain redressement des courbes en 2026, mais dans une moindre mesure qu’en 2025, car la plupart des ajustements auront alors été effectués. Les rendements à long terme restent dans une fourchette de trois ans, avec peu de catalyseurs susceptibles de la faire évoluer, ce qui rend plus probable un redressement supplémentaire à court terme à mesure que les taux directeurs baissent.

Le positionnement régional reste important: les rendements américains et européens à 10 ans ont fortement divergé en 2025, et la balance des risques reste favorable à la duration en USD. En Europe, le roll-down favorise la partie intermédiaire de la courbe, tandis qu’aux États-Unis, nous privilégions une stratégie barbell combinant une exposition à court terme et des obligations à 7-10 ans.

Les spreads restent historiquement serrés, reflétant une forte demande et des fondamentaux solides. Les anticipations de baisse des taux ont soutenu le crédit en 2025, mais cet élan pourrait s’estomper. Les liquidités accumulées pendant le cycle de hausse des taux ont commencé à revenir vers le crédit, en particulier en Europe, où les baisses de taux de la BCE ont orienté les flux vers les titres IG à court terme. Une tendance similaire pourrait se dessiner aux États-Unis si la Fed procède à des baisses de taux. L’offre devrait augmenter, sous l’effet des fusions-acquisitions, des émissions des hyperscalers et du financement à effet de levier, même si les facteurs techniques devraient rester favorables malgré des schémas d’émission moins prévisibles.

Des fondamentaux solides, des opportunités sélectives

Les fondamentaux des entreprises restent solides: les bénéfices ont été élevés, les marges solides et les défauts de paiement limités. Alors que la liquidité mondiale diminue à mesure que les bilans des banques centrales se réduisent, augmentant le risque de tensions isolées, nous ne voyons aucun signe de détérioration généralisée.

Les inquiétudes liées à des événements particuliers et aux besoins de financement des hyperscalers méritent d’être prises en compte, mais les indicateurs actuels restent rassurants. Les ratios de détresse des titres HY américains, des prêts à effet de levier et des titres HY européens restent faibles par rapport aux normes historiques, et la dynamique des notations ne montre aucun signe de faiblesse généralisée. Les importants plans d’investissement des hyperscalers s’appuient sur des bilans exceptionnellement solides, un faible endettement et une forte génération de trésorerie interne, ce qui limite les risques de contagion aux segments moins bien notés.

Les investisseurs devraient continuer à privilégier les revenus. En Europe, les institutions allongent progressivement la duration, tandis que les flux de gestion de fortune continuent de favoriser les instruments à rendement élevé. Aux États-Unis, les ratios de financement des retraites se sont considérablement améliorés, renforçant la demande d’IG alors que les portefeuilles continuent de réduire leurs risques.

Dans l’ensemble, le crédit aborde 2026 avec des fondamentaux solides. La faiblesse des spreads justifie une certaine discipline, mais un carry de haute qualité, une exposition sélective au HY et un positionnement régional équilibré devraient aider les investisseurs à saisir les opportunités dans un contexte macroéconomique stable.

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