L’Audio du 19 septembre 2024

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JOUR UN APRÈS LA FED

100% FED

Je vous préviens d’avance, cette chronique sera 100% basée sur la décision de la FED. De toutes manières, pour être franc, on ne parle (presque) que de ça. Il faudra encore 24 heures pour que la poussière retombe et que l’on puisse reprendre une vie normale…

Donc, si l’on essaie de prendre les choses point par point, voici le résumé de ce qu’a dit et de ce qu’a fait Jerome Powell :

– Tout d’abord l’annonce principale : une baisse des taux de 50 points de base

Hier matin nous discutions de quatre réactions de marché en fonction de la décision. Ce fût donc la troisième alternative ; une baisse de 50 bp et un marché qui se retourne à la baisse enfin de séance. Sur la nouvelle, les indices ont explosé à la hausse avant de se raviser et de finir dans le rouge. D’un point de vue technique, même si la clôture des trois indices ne s’est pas faite 25% plus bas, il faut tout de même reconnaître que l’on a connu des configurations plus optimistes. On va donc laisser parler les professionnels à ce sujet, mais c’est pas beau.

Ensuite, dans ses remarques Powell a déclaré pas mal de choses. Sur certains points, on peut relever la tête d’un air étonné parce que tout n’est pas 100% logique dans ce qu’il dit. Faisons le point, point par point.

– Point numéro un : La Fed estime que l’économie est « globalement forte »

Ok, l’économie est globalement forte. Le PMI est en contraction depuis 4 mois, l’emploi part en sucette depuis 12 mois, le PIB a connu des jours meilleurs et les Américains augmentent leur endettement pour continuer à manger. Pas sûr à 100% que cela corresponde à une économie « forte »… Mais c’est sûrement une question de point de vue et Powell est sûrement mieux informé que nous (enfin, mieux que moi en tous les cas).

– Point numéro deux : La Fed est « de plus en plus convaincue » que la vigueur du marché du travail peut être maintenue

Alors celui-là il est rigolo. Je ne vais pas vous refaire un point sur le marché de l’emploi en détail, on en a assez parlé ces derniers mois – surtout en août et il y a encore deux semaines – mais grosso modo – sur les 12 derniers mois, on a perdu plus ou moins 1 million de jobs (on ne va pas pinailler à 10’000 près) – le taux de chômage est passé de 3.5% à 4.2% en l’espace de 12 mois et là, la FED nous dit que la « VIGUEUR » du marché de l’emploi peut être maintenue… Mais pour maintenir de la vigueur, il faudrait déjà qu’il y en ait… de la vigueur.

– Point numéro trois : Les dépenses de consommation sont « restées solides »

Si l’on en croit les ventes de détails publiées ces derniers jours, c’est exact. Cependant, lors de la même publication, on s’est rendu compte que le consommateur était moins à l’aise et qu’il a l’air de changer de comportement, tout en faisant exploser son endettement. Pourquoi la FED ne parle que du verre à moitié plein et pas celui qui est à moitié vide ?

– Point numéro quatre : L’inflation a diminué mais « reste supérieure à l’objectif de 2 % ».

Oui, merci. Ça, je dois dire que l’on avait bien noté. Mais si l’inflation est toujours bien présente et que l’objectif n’est pas encore atteint, pourquoi se précipiter pour baisser MASSIVEMENT les taux, alors que (SOI-DISANT) l’économie est si forte et l’emploi SI SOLIDE ? N’est-ce pas un gros risque de re-stimuler l’inflation et de lui donner une chance de repartir à la hausse ? Sans compter que c’est bien joli de la ramener dans tous les sens au sujet de l’inflation qui baisse, ça ne veut pas dire que les PRIX sont en train de baisser, ça veut juste dire que ça « monte moins vite » – on peut le prendre comme on veut, mais l’inflation reste un problème et le fait que les prix aient explosé de plus de 25% sur les trois dernières années reste un problème encore plus important.

– Point numéro cinq : Le marché du travail est moins tendu qu’avant la pandémie

Superbe nouvelle. Je ne vois vraiment pas le rapport avec la décision d’hier. Le marché de l’emploi est aussi moins tendu qu’après le krach de 1929 et on n’en fait pas tout un pataquès. On peut prendre les choses comme on veut, mais je pense qu’il est faux de dire que « l’emploi reste solide » et trouver des bases de comparaison pour dire que c’est « moins pire qu’à un autre moment merdique de l’histoire », ça n’apporte pas beaucoup d’eau au moulin. En revanche, ça meuble une déclaration « post-baisse » des taux quand on ne sait plus quoi dire.

– Point numéro six : La Fed s’oriente vers une « position neutre » mais « n’est pas sur une voie préétablie ».

Hier soir, Donald Trump a dit : « Je pense que cela montre que l’économie est très mauvaise pour couper autant les taux – en supposant qu’ils ne fassent pas de la politique. Soit l’économie est très mauvaise, soit ils font de la politique – l’un ou l’autre. Mais il s’agit d’une réduction importante ». Powell a contrecarré la déclaration de Trump en disant que la FED ne FAIT PAS DE POLITIQUE ! De deux choses l’une :

1) En répondant à Trump, Powell FAIT de la politique
2) En déclarant : La Fed s’oriente vers une « position neutre » mais « n’est pas sur une voie préétablie » – il FAIT aussi de la politique. La phrase est alambiquée comme un discours de campagne, alors qu’il aurait suffi de dire :
« On a aucune idée d’où nous allons, mais on va essayer d’y aller pas par pas en fonction des futures données économiques, sachant que là tout de suite, on est complètement paumés ».

Mais il est vrai que ça fait moins « professionnel ». Moins « POLITIQUEMENT » correct. Quoi qu’il en soit, en regardant la déclaration et les actes de la FED ; on a l’impression qu’ils ont tout fait pour éviter les mots qui fâchent et qu’ils ont tout fait pour « faire plaisir » aux bourses mondiales, tout en serrant les fesses pour que les « bourses mondiales » en question n’aillent pas lire entre les lignes et fouiller les poubelles. Parce qu’à la fin de la soirée, en lisant et en relisant les différentes déclarations, la première question qui me vient à l’esprit c’est :

MAIS POURQUOI est-ce que tu baisses les taux de 50 points de base et qu’ensuite tu t’époumonnes pendant deux heures à dire à tout le monde que l’économie est « forte » et que l’emploi est « solide » ?

Hein, pourquoi ? Powell nous prendrait pour des cons, je ne serais même pas surpris. Bref, tout ça pour dire que la FED a baissé les taux de 50 BP et que c’est censé être « bon pour le marché ». Hier soir le marché n’était pas vraiment convaincu, mais depuis ce matin, les futures n’arrêtent pas de monter. Il va falloir attendre les prochains jours et les prochains chiffres économiques pour voir si cette décision était la bonne et quelles en seront les conséquences.

Les stats

Statistiquement, une baisse des taux est censée être « positive » pour les marchés, mais seulement s’il n’y a pas de récession derrière. En revanche, lorsque la FED baisse les taux en « urgence » de 50 BP, c’est qu’en général, il y a une récession derrière. On a pu l’expérimenter en 2001 – baisse des taux en catastrophe de 50 BP, récessions dans la foulée et explosion de la bulle internet et en 2007 – baisse des taux de 50 BP, puis crise des subprimes et récession ensuite. Lorsque vous présentez les choses comme ça aujourd’hui, la réponse classique que vous obtiendrez c’est : « Oui, c’est vrai, mais tu comprends, cette fois c’est différent »…

Et c’est donc à cet instant très précis que je peux ressortir la fabuleuse citation de Sir Templeton qui disait que :

« Les cinq mots les plus dangereux en matière d’investissement sont : cette fois, ce sera différent »

Seul l’avenir nous dira si cette fois c’était vraiment différent et je vais vous dire ; je l’espère sincèrement, sinon il va y avoir du sang sur les murs…

Pour être parfaitement complet

Donc la FED a baissé les taux et on a l’air plutôt contents de la chose, même si cela soulève pas mal de questions. Si les marchés sont capables de ne pas trop se poser de questions et veuillent bien continuer à croire que la FED est notre amie, ça devrait bien se passer. Néanmoins, il faudra tout de même noter que si l’on en croit les contrats futures sur les taux, ils sont en train de parier sur une récession. Selon les dernières indications, on table sur HUIT baisses de taux sur les 12 prochains mois et d’ici le 31 décembre nous devrions être plus bas de 1% cumulé. Powell a d’ailleurs déclaré que la baisse de 50 bp devrait être la seule. Là aussi, on l’espère bien, parce que si en novembre, il remet ça, ça va commencer à sentir le pâté.

La suite des évènements

Pour l’instant, alors que nous pénétrons dans une zone inconnue dans un nouveau monde, on espère que la FED sait ce qu’elle fait et actuellement, le marché à l’air d’y croire. Pourvu que ça dure ! Aujourd’hui, côté chiffres, il y aura les Jobless Claims du jeudi et le Philly FED. Rien qui devrait changer nos vies, à moins que les Jobless Claims nous offrent une belle surprise… Les futures sont en forte hausse et en théorie, le S&P devrait ouvrir en hausse de 1%, s’il parvient à clôturer là où il est censé ouvrir, ça sera un plus haut historique et cela apportera de la crédibilité au discours de la FED qui – pour l’instant – en manque cruellement.

Les marchés s’inclinent devant la FED

En tous les cas, le Japon a salué la baisse des taux comme il se doit, puisque le Nikkei prend 2.5% – ça monte tellement que l’on dirait que la FED gère aussi la politique monétaire nipponne. Hong Kong est en hausse de 1.8% et la Chine traîne derrière avec un +0.6%. On notera encore que la Bank of England se réunit ce jeudi et devrait « ne rien faire sur les taux », que le pétrole n’a pratiquement pas bougé depuis hier, l’or est toujours autour des 2’600$ et le Bitcoin a fait ce qu’il avait prévu de faire : casser les 60’000$. Actuellement, il se traite au-dessus des 62’000$.

Pour le reste, je crois qu’il me reste à vous souhaiter une très belle journée, en espérant que cette fois, ça soit VRAIMENT différent et on se retrouve demain pour reparler de la FED avec un peu plus de recul. Pour terminer avec une touche d’humour, il faudra aussi retenir qu’hier Kamala Harris a salué la baisse des taux en déclarant que c’était une « bonne nouvelle » et qu’elle allait « continuer à travailler pour faire baisser les prix ». Euh.. ça fait près de 4 ans qu’elle est au pouvoir et jusqu’à maintenant, on ne peut pas dire que ce qu’elle a travaillé a super bien fonctionné. Et puis « faire baisser les prix » avec une inflation au-dessus des 2% et une hausse de 25% sur certains biens de consommation sur les 4 dernières années, elle va faire comment ??? Je persiste, si je devais voter aux USA et qu’on me laissait le choix entre Trump, Harris et une chèvre, clairement je choisis la chèvre.

Belle journée à tous et à demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

”I’m only rich because I know when I’m wrong…I basically have survived by recognizing my mistakes.” George Soros

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