L’Audio du 13 janvier 2025
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Un début de semaine avec plein d’interrogations – mais avec plein de réponses qui arrivent
Si l’on voyage un peu dans le temps, on se souviendra que jeudi, les Américains étaient tous sur C-Span pour assister à l’enterrement d’un mec qu’on n’avait plus vu à la télé depuis 25 ans et dont la plupart des gens nés après 1999 ne savait même pas qu’il était encore vivant. Jeudi dernier, c’était fermé parce que c’était l’enterrement d’un autre Prix Nobel de la paix qui était Président Américain. Jimmy Carter s’en est allé juste après avoir voté une dernière fois ET POUR KAMALA HARRIS, de là à dire que c’est pour ça qu’il s’en est allé, ça serait prendre des raccourcis un peu faciles, surtout quand on a vu les dernières images de lui quand il votait.
Tout ça pour dire que comme jeudi était fermé, tout le monde avait eu le temps de se reposer pour être en pleine forme pour la publication des chiffres de l’emploi américain. Et je dois dire que ça a valu la peine d’être reposé pour apprécier ça. Ils ont été mythiques et ils ont profité de l’occasion pour mettre un immense coup de pied dans toutes les croyances qu’on avait mis en place pour 2025. Et faire ça un 10 janvier alors que l’on venait « à peine » de mettre au point ce que l’on croyait VRAIMENT pour 2025, il fallait le faire. Oui, non, parce qu’il faut quand même savoir, qu’un peu à l’image de 2024, tout le monde avait commencé l’année en se disant que 2025 serait un peu à l’image de l’année dernière ; à savoir un petit 25% de hausse nous suffirait amplement, avec argumentaire principal « LA BAISSE DES TAUX » qui va continuer et en plus, le plan de relance magique de notre Sugar Daddy de Trump qui va régler tous les problèmes des États-Unis d’ici la fin du mois de janvier et tous les problèmes de la Russie et de l’Ukraine d’ici fin février et pour le reste du monde, ça va prendre un peu plus de temps.
Du velours
Mais toujours est-il qu’un des axes principaux de 2025 était encore une fois : la baisse des taux qui est notre amie et les banques centrales qui sont ENCORE plus nos amies que la baisse des taux ne devrait l’être. Et puis vendredi après-midi, à 14h30, alors que tout le monde s’apprêtait à partir en week-end de ski, les chiffres de l’emploi américains sont sortis et ils étaient absolument merveilleux !!! Et quand je dis « MERVEILLEUX », je pèse mes mots et je suis totalement dans la modération. Au cours du dernier mois de 2024, 256’000 emplois supplémentaires ont été créés, soit davantage qu’en novembre, où « seulement » 212’000 emplois avaient été mis sur la table. Bien que le mois dernier on nous avait dit : 227’000 et qu’encore une fois le Bureau of Labor Statistics a revu ses chiffres à la baisse. Mais on va dire que ce qui nous a vraiment fait vibrer, c’est les 256’000 emplois créés, alors que le marché, les experts, les Dieux de la finance n’attendaient « que » 155’000 jobs dans la grande retenue qui est la leur. DU COUP, la surprise était géniale, ça voulait dire que l’emploi était en train de repartir et que, contrairement à ce que la FED craignait, la baisse des taux mise en place depuis septembre fonctionnait tellement bien que s’en était presque gênant.
Pendant un bref instant, vendredi après-midi nous fûmes dans un état d’extase absolument fabuleux. L’économie américaine était forte, l’emploi était trop fort et même le taux de chômage en profitait pour passer à 4.1% – vendredi à 14h32 on était à « ça » du plein emploi et en plus de ça nous étions à 11 jours du miracle Trump qui allait donner des emplois à tout le monde, même deux emplois pour ceux qui veulent, qui allait relancer l’économie comme jamais, faire monter le Bitcoin à 200’000 (200’000 POUR COMMENCER), puis baisser les impôts, déréguler, faire chuter les prix de l’essence et racheter le Mexique, le Canada, le Groenland, le Lichtenstein, le 9/3 et faire repousser les maisons de Los Angeles. En gros, pendant ces 2 minutes de pur bonheur et d’extase économiques nous étions dans LE monde parfait que nous promet Biden depuis 4 ans.
La réflexion
Et puis, alors que l’on débouchait le champagne, que l’on sortait les boîtes de caviar et les louches qui vont avec pour saluer cette économie magique, certains acteurs du marché – probablement ceux qui utilisent l’intelligence artificielle, ont commencé à analyser les choses un peu plus loin que les chiffres du BLS et ça a commencé à tourner vinaigre. Assez rapidement d’ailleurs, histoire que les Européens aient le temps de profiter de la claque que les USA allaient se prendre. La réflexion était assez simple. Je dirais même basique : si l’on se base sur les derniers chiffres de l’inflation qui ont été publiés en décembre – souvenez-vous – on avait commencé à admettre que l’inflation redémarrait gentiment et qu’elle n’était peut-être plus aussi sous contrôle que l’on voulait bien nous le faire croire.
En tenant compte de cela, les « experts à Wall Street » n’eurent pas besoin de beaucoup de temps pour additionner les choses. Si l’on crée autant d’emplois que ça, les gens qui vont profiter de ces emplois vont toucher des salaires et dès qu’ils vont toucher leurs salaires, une fois qu’ils auront payé leurs loyers, payé les traites des cartes de crédit, payé le leasing de la Tesla, payé les traites des cadeaux de Noël 2023 et de 2024 – qu’ils n’avaient pas pu payer en intégralité à l’époque – une fois qu’ils auront payé la bouffe pour le mois et l’école pour enfant HPI du petit dernier, ils allaient forcément aller dépenser l’argent qui leur restait et forcément, ils allaient faire REMONTER l’inflation encore un peu plus haut !!! Et donc, le marché a rapidement compris qu’à cause de ces idiots de consommateurs qui ne sont même pas fichus de dépenser tout en sachant raison garder, l’inflation allait inévitablement remonter !!!
Le concept et la trainée de poudre
La réflexion, le concept que je vous expose n’aura pas mis longtemps pour se répandre dans le marché et les indices se sont fait démonter pour finir la semaine. D’ailleurs, si l’on se base sur les performances de la semaine, on pourra rapidement s’apercevoir que l’Europe s’en est relativement bien mieux sortie que les Américains. Pourtant, on peut se poser des questions quand même. Surtout lorsque l’on voyait les chiffres de l’Allemagne, avec une inflation qui cartonne à la hausse et une économie qui est dans le coma, on peut se demander combien de temps ça va tenir avant qu’on nous sorte le concept de la Stagflation. Mais peu importe, dans l’immédiat – ce que nous devons gérer c’est le retour du « risque d’inflation ». Je parle de « risque », parce que pour le moment ça n’est encore que de la théorie, puisque les chiffres du CPI américain ne seront publiés que mercredi. Mais en attendant, tout le monde a déjà tourné la veste.
Il faut dire qu’entre les Minutes du FOMC Meeting de mercredi dernier qui montraient la prudence de la FED qui se montrait plus que timorée quant à l’urgence de la baisse des taux et les chiffres de l’emploi de vendredi, cela ne laissait que peu d’espoir : la prochaine baisse des taux de la FED pourrait bien être repoussée aux calendes grecques. Les chiffres sont excellents et ça montre que le gouvernement Biden a quand même fait un super-boulot en 2024. Ils placent la barre très haut pour Trump et cela démontre qu’avec une économie pareille, il n’y a AUCUNE raison de baisser les taux plus en avant et qu’à la limite, on aurait aussi bien pu garder Biden, il est tellement sympa et compétent, surtout lorsque l’on voit sa dernière intervention dans laquelle il dit que s’il avait voulu, il aurait pu battre Trump. Bref, tout ça pour dire que, dans la foulée, le rendement du 10 ans s’est envolé à près de 4.76% et la plupart des banques d’affaires américaines ont révisé leurs prévisions de baisse de taux pour 2025 :
– Goldman Sachs révise à la baisse, anticipant UNIQUEMENT 2 baisses de taux cette année ET PAS AVANT juin 2025
– Bank of America parie sur le fait que les taux ne baisseront pas en 2025 ET PIRE, les hausses sont plus probables que les baisses.
– JP Morgan est en « mode révision à la baisse » à 2 baisses de taux cette année, mais pas avant juin 2025
– Et chez Citigroup, les baisses de taux devraient commencer en mai 2025. Eux qui pariaient encore vendredi matin que les taux baisseraient en janvier.
Visiblement, ça n’est plus l’inflation qui est transitoire, mais c’est Le « pivot de la Fed » qui est devenu transitoire et encore on n’a pas vu les chiffres du CPI et du PPI qui vont nous tomber dessus cette semaine.
Et l’Allemagne ?
Avant de passer à la suite, je voudrais aussi revenir rapidement sur l’inflation en Allemagne qui a été annoncée à 2.9%. Elle repart donc nettement à la hausse et les marchés ont décidé que c’était un signe de réveil de l’économie allemande. Bien qu’aucun chiffre ne vienne corroborer cette théorie. On a l’inflation qui monte alors on est content parce qu’on se dit : « OUF, ça repart »… Oui, l’inflation repart, mais pour l’instant on n’a pas la moindre preuve que l’économie elle, elle repart… Autant vous dire que si l’économie germanique venait à nous montrer le moindre signe de faiblesse ces prochaines semaines ; entre l’inflation qui repart et l’économie qui se traine, nous aurions une croissance « MOLLE » et une inflation forte…
Et une croissance molle plus une inflation forte, ECONOMIQUEMENT PARLANT et Mathématiquement ainsi que physiquement parlant, ça donne :
UNE STAGFLATION…
Et ça croyez-moi, vous n’avez pas envie que ça arrive. Enfin, pour l’instant on croit encore au fait que l’économie allemande va soudainement vachement mieux. C’est sans doute dû à tous les gens qui se sont fait licencier dans l’industrie automobile et la chimie qui ont dû dépenser leurs primes de départ pour relancer l’économie par sympathie et par soutien à la gauche allemande. En conclusion de tout ça, il faut donc retenir que l’inflation est de retour un peu partout et que cette semaine, nous en aurons la confirmation (ou pas) avec les chiffres du CPI aux USA, en France et en Europe. Il sera ensuite intéressant de voir si l’économie, elle, est vraiment en train de repartir ou si les chiffres du BLS étaient encore une fois complètement bidonnés pour laisser partir Biden sur une note positive. Dans le cas où il avait un coup de froid sur l’économie US ces prochains temps – chose peu probable parce que Trump arrive au galop sur son cheval blanc – on devrait inévitablement parler à nouveau de stagflation et si vous voulez bien saisir ce que ça signifie pour l’économie et les marchés, je vous recommande de taper « Paul Volcker et stagflation » dans Wikipédia et vous verrez que l’avenir pourrait être un peu plus compliqué que prévu et que les banques centrales pourraient rapidement nous découper la paix.
Le début de la semaine en douceur
Ce matin les marchés asiatiques sont dans le rouge, Tokyo recule de 1%, Hong Kong un peu plus et Shanghai recule de 0.6%. La thématique de base est la même partout : les USA ne vont plus baisser les taux et on va tous mourir. Bon, d’accord, j’exagère un poil, mais l’ambiance est un peu moins festive que le jour où Trump a été élu et même les futures américains sont en baisse d’un demi-pourcent et là encore, on n’a pas vu les chiffres de l’inflation qui arrivent. Je vous laisse imaginer ce que ça donnera si le CPI reprend encore de l’altitude, sans compter que le pétrole continue de monter de façon inquiétante et se retrouve ce matin au-dessus des 77$. La raison se base principalement sur le fait que de nouvelles sanctions contre la Russie ont été prise par les Anglais et les Américains, on a presque l’impression que Biden est en train de foutre un maximum de bordel dans tous les coins, histoire de laisser une situation la plus ingérable possible à son successeur. En tous les cas une chose est sûre, Biden n’a jamais été aussi actif que depuis qu’il sait qu’il va se faire virer.
Le Bitcoin est à 94’300$ et l’or est à 2’713$. Du côté des quelque news qu’il faut retenir, on notera que la Chine a publié des chiffres un peu plus forts qu’attendus du côté des importations mais personne n’ose célébrer parce que les tarifs douaniers arrivent à toute vitesse. Et puis, selon une nouvelle de ce week-end, Johnson & Johnson serait sur le point de racheter Intra-Cellular Therapies. L’annonce pourrait être faite pas plus tard que cette semaine, mais comme le titre a déjà pris 12% vendredi, autant dire qu’une bonne partie de l’histoire est dans les prix et que même si nous sommes tous égaux, il y a quand même des gens qui sont plus égaux que les autres. Et puis, dernière chose à retenir pour entamer la semaine : dans les jours qui viennent nous allons démarrer officiellement la saison des chiffres trimestriels et ça commence mercredi avec les bancaires et Taïwan Semis sera sous les feux de la rampe dès jeudi matin !
Voilà, c’est fini pour ce matin – l’inflation est parmi nous et n’est plus transitoire, quant aux banques centrales, il va falloir se gaffer qu’elles ne nous plantent pas un couteau dans le dos. Passez un très beau lundi et un excellent début de semaine !
À demain !
Thomas Veillet
Investir.ch
« Y’a des gens qui disent : « on est cernés par les cons ». C’est vrai, mais on se rend pas compte à quel point. »
Coluche
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