L'histoire de Alexandre Marius Jacob , cambrioleur anarchiste, est un voyage à travers les turbulences politiques et sociales de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Bien que méconnu du grand public, Alexandre Marius Jacob est une figure emblématique de l’anarchisme, marqué par une vie de luttes contre les injustices sociales. Ses actions, motivées par des idéaux libertaires, et son passage par le bagne, font de lui un héros aux multiples facettes, bien plus complexe que l’image réductrice du criminel violent souvent associée à l’anarchiste.
L'Héritage Oublié de l'Anarchisme
Jean-Marc Delpech, historien, rappelle que l'histoire de l'anarchisme est injustement réduite à des actes de violence et de bombes, comme celles de Ravachol ou d'Émile Henry. En réalité, ce mouvement a profondément influencé notre société contemporaine. Les droits des femmes, l'avortement, la journée de huit heures : autant de combats où les anarchistes ont joué un rôle précurseur. Les bombes anarchistes, bien que spectaculaires, n'ont causé qu'une dizaine de morts, bien loin des massacres perpétrés par d'autres mouvements politiques.
Le Cambrioleur Philosophe
Alexandre Marius Jacob incarne une autre facette de l'anarchisme, celle des « Travailleurs de la nuit » surnom de son gang de cambrioleurs. Né en 1879, il est connu pour ses nombreux cambriolages, dont les profits étaient souvent redistribués à la cause anarchiste. Jacob lui-même, en 1932, dénonçait la morale bourgeoise de son époque, affirmant que la véritable délinquance résidait dans la prétendue honnêteté capitaliste.
Le Bagne et ses Injustices
Alexandre Marius Jacob est aussi une figure centrale dans l’histoire du bagne. Considéré comme un des pires sujets, il subit les iniquités d’un système concentrationnaire qui a brisé des centaines de milliers de vies. Pourtant, malgré les épreuves, il reste un homme probe, loyal et moral. Ses actions, bien qu'illégales, sont guidées par une éthique rigoureuse, opposée à celle d’une société inique.
Une Vie qui Inspire
L'intérêt pour Alexandre Marius Jacob et son histoire ne faiblit pas. En 2020, Jean-Marc Delpech imagine une série télévisée centrée sur ce personnage, où les cambriolages servent à financer un journal anarchiste, aboutissant à l'assassinat de Sadi Carnot en 1894. Bien que ce projet n’ait pas vu le jour, il témoigne de la richesse du personnage et de son potentiel narratif.
La Mémoire du Bagne
Le bagne où Jacob a passé plus de 20 ans, a aussi inspiré de nombreuses œuvres. Le célèbre film "Papillon" avec Steve McQueen, bien que largement romancé, a jeté une lumière crue sur la réalité carcérale de l'époque. Les États-Unis, fascinés par cette histoire, ont contribué à préserver la mémoire du bagne, pour lequel de nombreux artistes et intellectuels ont laissé leur empreinte.
Une Fin choisie
À la fin de sa vie, Alexandre Marius Jacob, marqué par les souffrances endurées et les injustices combattues, se suicide en 1954. Bertrand Tavernier avait envisagé de réaliser un film sur cette période, avec Jean Gabin dans le rôle de Jacob. Ce projet avorté laisse un vide, mais témoigne du potentiel dramatique et historique de la vie de Alexandre Marius Jacob. Son histoire mérite d'être largement connue, non seulement dans les cercles libertaires et universitaires, mais par le grand public, comme un témoignage des luttes et des idéaux qui ont façonné notre monde moderne.
Notes: La vie de conviction, de combat et de souffrance d'Alexandre Marius Jacob s'est terminée après une ultime passion amoureuse.
Josette Duc-Passas, décédée en 2019 à l'âge de 91 ans, a raconté précisément sa rencontre avec le viel anarchiste de 74 ans, elle en avait 26. En 1950, son mari, passionné par la vie de Jacob, lui rend visite à vélo à Reuilly, à plus de 400 km de Romans-sur-Isère où ils vivent. L'année suivante, le couple y retourne en train.
C'est à cette occasion que Josette Duc-Passas découvre un homme d'une grande intelligence, à l'humour débordant et marqué par des années de lutte. Séduite par sa personnalité, elle se lie d'amitié avec lui. Enseignants de métier, le couple est nommé au Maroc, mais continue à rendre visite à Jacob chaque été.
En 1953, Jacob, craignant de vieillir à l'hôpital et d'être une charge pour ses amis, exprime son intention de mettre fin à ses jours. Josette Duc-Passas parvient à le dissuader temporairement, lui promettant de revenir l'année suivante.
Durant l'année qui suit, ils échangent une correspondance quotidienne. En 1954, Josette Duc-Passas passe un mois d'été avec Alexandre Marius Jacob à Reuilly. Malgré ses efforts pour le faire changer d'avis, Jacob est déterminé à mettre fin à ses jours. Son suicide au monoxyde de carbone, survient le 28 août 1954 après une dernière lettre à Josette.
" je vais là tranquille, l’âme sereine, accomplissant un geste tout naturel. (…) Je m’arrête. Marius"