Dans le cadre du festival "De l'écrit à l'écran", Vincent Lindon a animé une masterclass qui s'est rapidement métamorphosée en véritable spectacle. Pendant près de deux heures, l'acteur multi-récompensé a captivé un public conquis d'avance, oscillant entre moments graves, anecdotes hilarantes et gestuelles expressives. Le public présent à Montélimar n’a pas seulement assisté à une conférence sur le cinéma, mais à une performance digne d’un one man show.
Dès les premières minutes, l'acteur s'est lancé dans une série de récits personnels et professionnels, ne manquant pas de faire rire aux éclats son auditoire. Ses anecdotes, souvent racontées avec une verve théâtrale, ont transformé ce moment en pur divertissement. À plusieurs reprises, l’acteur a été interrompu par des rires spontanés et des applaudissements, créant une ambiance proche de celle des spectacles comiques.
Des anecdotes pleines de panache
L’une des histoires qui a particulièrement fait mouche concerne le festival de Venise, juste avant qu’il ne reçoive son prix d’interprétation à la Mostra pour Jouer avec le feu. Vincent Lindon raconte, avec gestuelle et timing, comment il s’est retrouvé dans sa chambre d’hôtel, paniqué à l’idée de ne pas pouvoir enfiler son smoking à temps pour le tapis rouge. "Je ne pouvais même plus mettre mon pantalon ! Je l'ai jeté, piétiné... C'était un carnage !", a-t-il confié sous les éclats de rire du public.
Un maître de la digression humoristique
Tout au long de la masterclass, Vincent Lindon n'a cessé de digresser, partant d’un sujet sérieux pour rapidement s’évader dans des anecdotes burlesques. Il a raconté une rencontre avec l’ancien président Valéry Giscard d'Estaing lors d’un journal télévisé : "Monsieur le Président, il faut que je vous raconte une histoire...", a-t-il débuté, avant de dévoiler comment, avec des amis, ils avaient pris l’habitude d’appeler son répondeur téléphonique pour écouter le son de la voix de l'ancien président de la république. Vincent Lindon mime alors la scène, reproduisant le visage figé de Giscard d'Estaing face à cette déclaration.
Le one man show, une idée tentante mais terrifiante
L’idée d’un one man show pour Vincent Lindon a d’ailleurs été soulevée au cours de l’entretien. L'acteur a admis que cette suggestion lui a souvent été faite, mais qu'il serait incapable de l’assumer à cause du trac immense qui le paralyse : "C’est impossible, je serais en panique totale !", a-t-il expliqué. Malgré son assurance apparente sur scène, il confie que l’idée d’être seul face à un public pendant une heure ou deux l’effraie. "Je peux jouer devant des milliers de personnes, mais pas seul, pas dans un spectacle où tout repose sur moi", a-t-il ajouté avec humilité, tout en imitant la panique qu’il ressentirait dans une telle situation, parce que c'est un flippé le Lindon, il a raconté la véritable torture vécue à chaque tournage d'une scène..
Pourtant, au vu de sa prestation à Montélimar, difficile d’imaginer que l’acteur ne puisse pas relever ce défi. Sa gestuelle, son art de la digression et son aisance à raconter des histoires font de lui un véritable showman. "Je sais que je suis capable de faire rire. Mais l’idée d’être seul sur scène, je crois que je ne tiendrais pas. Je préfère rester dans mon rôle d’acteur", a-t-il insisté, sous les rires et les encouragements du public qui semblait vouloir le convaincre du contraire.
Un équilibre entre rires et émotions
Mais la masterclass n’était pas que légèreté. Vincent Lindon a aussi su évoquer des sujets plus graves avec la même intensité comme le traumatisme à l'origine de ses tics lorsqu'à cinq ans il a compris que ses parents étaient séparés. Lorsqu'il a parlé de son mentor, Alain Delon, il a ému l'audience en racontant leur relation unique et sa tristesse profonde à la mort de l'acteur. "J'étais amoureux d'Alain Delon", a-t-il avoué, sans fausse pudeur, avant de revenir, presque instantanément, à des anecdotes plus légères sur un dîner en tête à tête.
Moments choisis
"Rangons les téléphones, vivons l'instant !"
Le ton a été donné dès les premières minutes, quand il demande au public de ranger les téléphones portables, racontant que le jour même à Montélimar une joyeuse bande de jeunes filles, venues fêter un enterrement de vie de jeune fille (EVJF), lui ont "volé" quelques photos au restaurant. Sans hésiter, Vincent Lindon s’est adressé directement à elles, "Mesdemoiselles, c’est un moment inoubliable que vous vivez. Mais s’il vous plaît, rangez les téléphones. Profitez de ce qui se passe ici, maintenant. Vous verrez, c’est ça le vrai luxe !"
"Séduisant ou séducteur ?"
Vincent Lindon s’est penché sur la différence entre être séduisant et être séducteur. "Séduisant, c'est naturel. Séducteur, c'est vouloir forcer quelque chose", a-t-il lancé , avant d’ajouter en riant : "Moi, je préfère être séduisant sans le faire exprès. Ça demande moins de boulot !" , cela s'appelle le sens de la réplique, on aime.
"Je voudrais assister à mon propre enterrement"
Et puis, il y a eu ce moment presque absurde où Vincent Lindon a confié qu’il aimerait voir son propre enterrement. "Je me demande qui viendrait. Qui ferait semblant de pleurer, qui s’effondrerait réellement… Ça serait une scène géniale à observer, non ?" Cette déclaration, à la fois farfelue et empreinte d’une certaine lucidité sur la vie et la mort, a une nouvelle fois fait mouche auprès du public.
"J’aurais aimé être médecin"
À propos du métier d'acteur, il a eu cette phrase qui a abasourdit le public: "je pense que je fais de mieux en mieux ce que j'aime de moins en moins.." , Vincent Lindon a révélé qu’il aurait préféré être médecin. "Je rêve de pouvoir sauver des vies. Le cinéma, c’est bien, mais soigner quelqu’un, c’est autre chose !", imaginant quitter une table un soir avec des amis, en déclarant qu'il aura une opération à coeur ouvert le lendemain matin.. Avis aux scènariste: Lindon médecin ça marchera !
Platini, la vie, et le moment présent
Les anecdotes se sont enchaînées, chacune apportant son lot de rires et de sagesse. Comme celle où Michel Platini, figure emblématique du football, lui a conseillé de profiter pleinement de ses moments de gloire. "Il m’a dit : 'Vincent, profite. Prends le temps de savourer. Trop souvent, on reçoit un prix et on passe à autre chose'. Et vous savez quoi ? Il avait raison. Moi, je suis toujours en train de courir, de penser à la prochaine étape.". Un conseil qu'il a mis en application à Venise.
"La mélancolie, c’est le bonheur d’être triste"
Vincent Lindon cite aussi bien Michel Platini que Victor Hugo, l'amour des mots et du football : "La mélancolie, c’est le bonheur d’être triste". Une phrase qui, selon lui, résume parfaitement la vie d’un acteur. "après le tournage, il y a toujours cette mélancolie. On vit un moment intense, puis il disparaît. Et on reste là, avec cette petite tristesse heureuse."
L'amour des gens, plus fort que tout
Plus que les films, plus que le succès, ce qui anime Vincent Lindon, c’est l’amour des gens. "Je ne vais pas au musée, je ne lis pas beaucoup. Ce qui m’intéresse vraiment, ce sont les gens. Discuter avec eux, écouter leurs histoires. C’est là que je me sens vivant." Et c’est sans doute cette passion pour les relations humaines qui a fait de cette soirée un moment si particulier. Chaque échange, chaque regard était sincère, authentique.
Vincent Lindon, l’acteur qui pourrait être humoriste
À la fin de la soirée, une évidence s’impose : Vincent Lindon n’est pas seulement un grand acteur. C’est un véritable showman, capable de tenir une salle en haleine pendant des heures, de passer du rire aux larmes. Après ce qu’il vient de démontrer à Montélimar, personne n’en doutet. Vincent Lindon est un maître du jeu, dans tous les sens du terme.
PHOTO: Vincent Lindon à Cannes 2024. François Maquaire pour La radio du cinéma