Les L du Moulin restaurant à Cadenet 

Sous une devanture presque anonyme de ruelle postée à un jet d’olive de la place principale du village niche la douce planque. On y trouve un Cyril Lapeyre évadé d’une cage dorée de chef exécutif depuis fin 2019, après 20 ans de loyauté à la Bastide de Capelongue à Bonnieux. Avec Marilena Lapeyre, ils ont choisi l’aventure d’un petit libre chez eux plutôt qu’un grand qui ne l’est pas tellement chez les autres. Mes petits pioupious, j’ai fait à leur table un des repas les plus abouti de l’année, j’en suis encore tout tourneboulé, le regard gazeux et l’estomac au paradis.

Le menu des midis en semaine (21€ et sa formule à 18€) fait carton plein avec les locaux malins abonnés revenus après la saison estivale. Le grand saut gustatif avec le menu-carte à 39€: il vaut qu’on vienne de loin pour se taper les recettes formidables du pistolero du fumet et de la sauce qu’est ce grand chef. On y pêche une entrée de l’artiste quenelles de truite saumonée onctueuses, œufs de truite et poireau vinaigrette, une bisque à la Sarriette. Odeurs et saveurs affirmées vous sautent au groin dès le 1er coup de fourchette, rondeur nerveuse, oui c

‘est possible: 16/20. Même registre funambulesque avec pièce de veau juste saisie, panais au four, jus de veau acidulé au pamplemousse, purée de céleri relevée à la réglisse. Voilà la différence entre les empileurs de saveurs et les Mozart du dosage. Magique, lisible, distinct. Le chef déroule, souvent seul en cuisine. Une performance vu le niveau quand les foules affamées et connaisseuses se bousculent au portillon. Bref! Un gourmand 16/20 encore. Il est parfait, le sirtaki aux raisins de Corinthe, raisin Muscat comme une soupe, sorbet raisin au Muscat de Beaumes de Venise. De la croustille avec les sirtaki comme deux sacristains aplatis au raisin servis à part, jus fruité avec grains de muscat dans un bain de midi, un peu de sucre et d’alcool… Le souci du détail n’alourdit pas et au contraire même, ajoute de l’entrain à l’idée à 15,5/20. Service en duo féminin mené par Marilena Lapeyre qui a un peu de mal à cacher sa fierté d’amener les assiettes de son mari de chef.

Belle terrasse ombragée en été, belle salle claire d’un ancien moulin à huile aux sobres arcades. Et plus discrète, une salle où les flacons de connaisseurs tapissent les murs en vous faisant de l’œil: Cyril Lapeyre partage sa passion pour une sélection déclinée en 50cl, et parfois au verre dans la même logique tarifaire des menus sagement facturés du restaurant. Bref! Maison douce et brillante, cuisine riche d’une formidable tradition culinaire non corsetée de conservatisme, à l’écoute du temps et du plaisir de ses veinards de clients. J’en suis, et vous ça ne devrait pas tarder.