Invité de l'émission: Frédéric Lasserre, professeur agrégé au Département de Géographie de l’Université de Laval (UL).

L’ONU a déclaré l’année 2013 comme celle de la coopération dans le domaine de l'eau. Mais une fois n'est pas coutume, pour introduire le sujet, je vais vous partager une anecdote personnelle. C'était en mars 2008, je revenais d'une première expérience professionnelle au Québec où l'hiver, vous vous en souvenez peut-être, avait été assez rude, avec des records de chutes de neige. Je devais cette fois me rendre à Chypre pour réaliser un autre stage dans le cadre de mes études. Pour ceux d'entre vous qui ne saurait pas où se trouve cette île, nous sommes à environ 100 km au sud de la Turquie et 150 à l'ouest d'Israël. Je vous laisse imaginer l’amplitude thermique que j’ai vécue !

Un Chypriote m’accueille à l’aéroport et me conduit en voiture depuis Larnaca, une ville située sur la côte sud jusque Nicosie, la capitale, située au tiers nord de l’île. Les paysages ont de magnifiques teintes ocres mais quand j’en fais la remarque au chauffeur, celui-ci me répond qu’habituellement, les paysages ne sont pas aussi secs, mais il n’a pas plu sur l’île depuis près de deux ans. Arrive le premier jour de mon stage et lorsque je me rends à la salle de bains : impossible d’avoir de l’eau: la distribution en avait été coupée. Vous pouvez aisément comprendre mon malaise devant l’impossibilité pour moi de me laver lors de mon premier jour de stage, qui plus est dans les milieux diplomatiques.

Sauf que je ne vous parle pas là d’un pays du tiers-monde : Chypre était l’un des pays les plus développés parmi ceux qui sont entrés dans l’union européenne en 2004 même s’il a depuis connu quelques difficultés économiques et financières. Je peux vous assurer qu’après une telle expérience, puisque cela est arrivé plusieurs fois durant mon séjour, y compris lors d’été lors de températures supérieures à 40 degrés sans le facteur Humidex. On en vient à réfléchir sur la question de l’utilisation de l’eau et le gâchis que l’on en fait dans les pays développés lorsque celle-ci vient à manquer pour un geste aussi simple que celui de se laver.

Je vous passe les détails sur les péripéties logistiques et géopolitiques afin que Chypre puisse recevoir de l’eau venue de Grèce et non de Turquie, pourtant plus proche, avec laquelle elle est en conflit depuis 1974, afin d’assurer ses nombreux besoins en eau durant l’été : l’agriculture, l’industrie, le tourisme.

Bref, à la lumière de cet exemple, vous percevez bien l’enjeu que nous allons aborder aujourd’hui : celui d’une juste répartition de l’eau, laquelle ne concerne pas uniquement les pays les moins développés.