2023 aura été l’année de « l’optimisation ». Et personne n’incarne aussi bien cette tendance qu’Andrew Huberman, et son podcast Huberman Lab, qui figure au sommet des palmarès d’écoute de l’année.

Je résumerais Huberman Lab de cette façon (c’est mon opinion) : ça ressemble beaucoup à ce que fait Gwyneth Paltrow avec Goop*, à la différence que le public cible d’Huberman, c’est les jeunes hommes**. Il parle de santé, de croissance personnelle, et surtout, de performance physique et intellectuelle.

Dans son podcast, il passe énormément de temps à décortiquer de multiples études, avec beaucoup, beaucoup de détails, ce qui lui donne une aura de crédibilité (sans compter qu’il est un chercheur universitaire). Mais les études qu’il cite peuvent être peu ou pas représentatives du reste de la littérature scientifique, ou même vont parfois carrément à l’encontre des connaissances dans le domaine. Même chose pour ses invité.es : ce sont souvent (pas toujours) des gens qui partagent non pas la meilleure science disponible, mais plutôt des théories spéculatives, marginales, ou même controversées.

Ce n’est pas nécessairement évident à première vue, mais quand on écoute un de ses épisodes sur un sujet qu’on connaît à fond (ce que j’ai fait à quelques reprises, par curiosité), la rigueur du contenu est souvent discutable, et frôle parfois l’absurde. Par exemple, faut-il, comme il le suggère, optimiser l’eau potable et s’inquiéter du fluor qu’elle contient ? Adapter sa respiration pour booster sa testostérone? Avoir peur de la crème solaire qui serait supposément toxique ? Mesurer constamment son glucose sanguin même si on n’est pas diabétique ? Minimiser la pertinence du vaccin contre la grippe ? Ou encore, jeûner dans un sauna entre deux douches froides après avoir avalé un paquet de pilules d’antioxydants ? (réponse à tout ça: non)

Évidemment, ce qu’Huberman fait n’est pas tout mauvais, au contraire. On sent dans son approche une bienveillance évidente, un désir sincère d’offrir de l’aide aux gens qui vivent différentes difficultés avec leur santé ou leur vie en général. La plupart de ses conseils sont sans doute bien corrects. Mais malheureusement, ça se transforme trop souvent en un véhicule promotionnel pour des suppléments alimentaires (en fait, Huberman est lui-même un consultant pour l’industrie des suppléments et il a sa propre ligne de produits).

Cette idée de vouloir « s’optimiser » sans cesse peut sembler, à première vue, banale, ou même souhaitable. Un des problèmes, à mon avis, est qu’Huberman n’invite pas ses auditeurs à devenir de meilleures personnes, mais plutôt, à développer des obsessions sur la performance, l’alimentation, la longévité, et l’idée de se « bio-hacker », dans le but de… je ne sais pas quoi. Bref, je suis inquiet par rapport aux modèles qu’on offre aux jeunes, et ici aux jeunes hommes** particulièrement.

Huberman n’est évidemment pas le seul à faire dans l’optimisation à tout prix. Mais 2023 a été son année, c’est le king de cette tendance, et il est très rarement remis en question. Donc mon souhait pour 2024 serait qu’on examine un peu plus, collectivement, ce nouveau type de contenu qui explose en popularité.

D’ailleurs, si vous avez une expertise et avez écouté un épisode d’Huberman dans votre domaine, je serais très curieux d’entendre ce que vous en avez pensé!

 

* Contrairement à ce que plusieurs personnes croient, les positions de Goop sur la santé ne viennent pas de Gwyneth Paltrow, mais bien de médecins et de scientifiques qui collaborent avec l’entreprise. C’est pour cette raison que l’analogie me semble pertinente. La composante spirituelle est moins forte chez Huberman, quoique présente et entremêlée avec un discours scientifique là aussi.

** Huberman précise que 50% de son auditoire sont des femmes, mais il est indéniable, à mon avis, que son branding vise particulièrement les hommes

 

*** MISE À JOUR – 26 MARS 2024 ***

Cette enquête du New York Magazine amène de nouveaux éléments qui permettent de mieux saisir le personnage, et ajoute aux préoccupations que je partageais ci-dessus.

Et du côté scientifique, il y a aussi cet article.