Les Rendez-vous de PHILOPOP, émission du 19 décembre 2021
Que signifie : «être français»?
L'identité nationale est-elle essentiellement une affaire d'origine? La nation est-elle une «mère»?
Notre réflexion s'appuiera sur la lecture de la conférence d'Ernest Renan, prononcée à la Sorbonne en 1882, Qu'est-ce qu'une nation? Cette conférence fait souvent référence.
1- Le contexte historique: l'annexion à l'Allemagne de l'Alsace et de la Moselle en 1871
- La discussion entre Renan et l'historien allemand David Strauss
- Si l'identité nationale est une affaire d'origine, D. Strauss a raison: l'Alsace et la Moselle sont allemandes
2- La méthode de la conférence: examiner les différents critères qui sont proposés de la nation afin d'établir celui qui est légitime
- La nation n'est ni une race, ni une ethnie, ni une langue, ni une culture
- Définir l'identité nationale en termes d'origine culturelle, c'est enfermer les hommes dans une identité particulière figée et nier leur dimension universelle : « N'abandonnons pas ce principe fondamental, que l'homme est un être raisonnable et moral, avant d'être parqué dans telle ou telle langue, avant d'être membre de telle ou telle race, un adhérent de telle ou telle culture »
- La nation n'est rien sans la volonté des hommes. Sa définition légitime : «La nation est un principe spirituel (…) L'existence d'une nation est un plébiscite de tous les jours».
3 – La nation «est un plébiscite de tous les jours» fondé sur une mémoire commune
- Elle n'est pas une pure construction de la volonté : les hommes ne peuvent vouloir continuer de vivre en nation sans la mémoire d'un passé commun
- Il faut distinguer la question des origines de la nation de celle de son principe (qui est pour la 1ère fois affirmé par la Révolution française de 1789)
- La mémoire sur laquelle est fondée la nation, est une mémoire affective, nécessairement sélective et oublieuse, qui permet de préserver son existence
4- Examen critique de la thèse de Renan: si la nation a besoin d'être portée par une mémoire commune, l'histoire est-elle pour elle une menace, en tant que discipline critique?
- Les nations sont des constructions historiques dont l'unification s'est faite le plus souvent au prix de conflits violents (par exemple, la croisade des Albigeois aux XII et XIII èmes siècles, les guerres de religion au XVI ème siècle en France)
- Pour préserver leur existence, faut-il bannir les études historiques qui impliquent un regard critique à l'égard de la mémoire des hommes? L'adhésion à la nation exige-t- elle une forme d'idéalisation du passé qui repose sur l'oubli de ses pages noires?
- Un exemple d'occultation du passé : le «mythe résistancialiste » selon lequel la grande majorité des Français avaient combattu l'occupant nazi pendant la seconde guerre mondiale (Henry Rousso, dans le Syndrome de Vichy)
- Une nation qui n'assume pas son passé a-t-elle un avenir?
Bibliographie :
Qu'est-ce qu'une nation ?, par Ernest Renan, collection Champs/Flammarion
Le syndrome de Vichy, par Henry Rousso, Editions Seuil
Vichy, un passé qui ne passe pas, par Henry Rousso et Eric Conan, Collection Folio
Cette émission a été donnée sous un autre titre (La nation est-elle une «mère»?) le 28 juin 2020 sur Radio Ouest track.