Le Front populaire, hier et aujourd’hui avec Nicolas Offenstadt et Pierre Salmon

Que peuvent les historiens et historiennes ?

Le dimanche 9 juin 2024, le Rassemblement national, conduit par Jordan Bardella, obtient un score historique aux élections européennes. Le président de la République, Emmanuel Macron, décide dans la foulée, et à la surprise générale, de dissoudre l’Assemblée nationale. Trois semaines : voilà ce qui est donné de temps à la population pour élire de nouveaux députés. En réponse, face à la sidération et à la crise ouverte par cette décision, le député de La France insoumise, François Ruffin, appelle toutes les forces politiques et sociales de gauche à se réunir dans un Nouveau Front populaire. L’appel est entendu. Il fédère. Quelques jours plus tard, Insoumis, Socialistes, Communistes et Écologistes s’entendent pour proposer un programme et des candidatures uniques dans chaque circonscription.

L'appel à la formation d’un Front populaire a manifestement constitué un levier de ralliement pour ces forces politiques. Mais il a également été le point de départ d’un débat mémoriel acharné entre les partis de tous bords. Appropriations ou rejets des luttes anciennes, capacité à convoquer et à faire parler les figures tutélaires du passé, tout cela est soudainement devenu notre actualité, et même un objet brûlant de l’affrontement politique, à l’heure des plus grands dangers. C’est dans ce contexte que l’idée de cet épisode d’OpCit ! est né.
Ce n’est pas la première fois que les membres de l’IHMC décident de faire entendre leurs voix pour tenter de réagir, en historiens et historiennes, à ce qu’ils considèrent comme une remise en cause profonde des fondements même de la République.

Mais comment en parler ? Pour quoi ? Pour qui ? L’histoire, celle qui se pratique à l’université, dans les laboratoires, a-t-elle seulement à voir avec tout cela ? Oui, nous le croyons, parce que le temps qui s’accélère, le temps qui se précipite en « crises », le passé qui revient jouer sous notre regard un air qui semble connu constituent notre présent et ces « temps » relèvent précisément de notre métier, comme de celui de l’ensemble des sciences humaines et sociales. Tenter de démêler ce qui se joue ou se rejoue sous nos yeux pour permettre au citoyen et à la citoyenne de se former une opinion éclairée, démêler l’écheveau complexe des discours pour permettre à chacun et chacune de former son jugement : voilà ce qu’est aussi la fonction sociale de l’historien et de l'historienne. Nous avons pris le parti de l’assumer.

Point de politique au sens propre, donc. Nous ambitionnons de faire ici ce qui est de notre ressort : étudier le passé et ses usages contemporains, à l’aide de travaux produits par des chercheurs et des chercheuses de métiers. Nous savons les risques de telles interventions qui semblent contrevenir à notre « sacrosainte » règle d’objectivité professionnelle. Nous l’assumons, aujourd’hui comme hier, car l’histoire ne s’écrit qu’au présent et que l’historien et l'historienne doivent savoir agir dans la Cité, à plus forte raison quand les institutions qui les abritent sont en danger. Parce que nous avons la chance de pouvoir pratiquer l’analyse critique de ce que nous observons et de ce que nous vivons, nous nous devons d'intervenir pour rappeler que l’utilisation des mots n’est pas neutre et que notre rôle est justement de les replacer dans leur contexte afin de rappeler que, vecteurs de mémoire, ils sont objets d’instrumentalisation.

C'est pourquoi autour de nos deux invités, Nicolas Offenstadt et Pierre Salmon, membres de l'IHMC, nous avons choisi de revenir sur le « Front populaire ».

La source

Simone Weil, "La vie et la grève des ouvrières métallos" dans La Révolution prolétarienne, 10 juin 1936.

Bibliographie indicative

Pierre Borhan, La volonté de bonheur : témoignages photographiques du Front Populaire, 1934‑1938, Catalogue d'exposition (Montpellier, Pavillon populaire espace d'art photographique, 29 mars-9 juin 2013 – Clermont-Ferrand, Hôtel Fontfreyde-Centre photographique, 8 octobre 2013-4 janvier 2014), Malakoff, Hazan, 2013.
Eduardo González Calleja et Rocío Navarro Comas (ed.), La España del Frente Popular : política, sociedad, conflicto y cultura en la España de 1936. I Congreso Internacional de Historia Contemporánea de España de la Universidad Carlos III de Madrid, Getafe 15-16 de febrero de 2011, Granada, Comares, 2011.
Dimitri Manessis, Avec tous tes frères étrangers : de la MOE aux FTP-MOI, Montreuil, Libertalia, 2024.
Frédéric Monier, Le Front populaire, Paris, La Découverte, 2011.
Xavier Vigna, Jean Vigreux et Serge Wolikow (dir.), Le Pain, la paix, la liberté. Expériences et territoires du Front Populaire, Paris, Éditions sociales, 2006.

00:00 - Introduction
02:50 - Entretien
36:29 - Lecture d'une source
40:12 - Conclusion

Crédits
Op Cit ! est un podcast produit et réalisé par l’Institut d’histoire moderne et contemporaine (IHMC-UMR 8066)
Invités : Nicolas Offenstadt (maître de conférences, Paris 1 / IHMC)
Pierre Salmon (maître de conférences, ENS PSL / IHMC)
Présentateur : Léo Becka (doctorant, Paris 1 / IHMC)
Lecture des textes : Pauline Teyssier (doctorante, Paris 1 / IHMC)

Technique
Réalisation : Quentin Censier
Production: Jérôme Jacobé et Francesco Zambonin
Musique : Hervé Drévillon
Logo : Aurélien Peter
Responsables de la publication : La direction de l’IHMC (Jean-Luc Chappey et Muriel Le Roux)

Comité scientifique
Valentin Barrier, doctorant – Paris 1
Léo Becka, doctorant – Paris 1
Antoine Breysse, doctorant – Paris 1
Quentin Censier, youtuber – Paris 1
Jean-Luc Chappey, professeur des universités – Paris 1
Delphine Froment, maîtresse de conférences – Université de Lorraine
Jérôme Jacobé, doctorant – Paris 1
Muriel Le Roux, chargée de recherche – CNRS
Costanza Lugnani, doctorante – Paris 1
Yoann Paysserand, doctorant – Paris 1
Aurélien Peter, doctorant – Paris 1
Sébastien Schick, maître de conférences – Paris 1
Côme Simien, maître de conférences – Paris 1
Pauline Teyssier, doctorante – Paris 1
Claire Zalc, directrice de recherche – CNRS
Francesco Zambonin, doctorant – Paris 1