Découvrez le peintre Watteau, connu pour ses représentations des fêtes galantes mais victime de vide archivistique.
Axel Moulinier au micro de Passion Modernistes
Doctorant en histoire de l’art à la fois à l’École du Louvre et à l’Université de Bourgogne de Dijon, Axel Moulinier travaille sur le peintre Antoine Watteau et son rapport aux vêtements et aux usages vestimentaires à Paris, sous la codirection d’Olivier Bonfait et Christophe Martine Voktherr. Il est lauréat d’une bourse de la fondation Antoine de Galbert pour l’École du Louvre, 2019-2020 et lauréat de la Scholarship for the Study of Eighteenth-century French Fine and Decorative Arts du Burlington Magazine (2020-2021).
Un peintre flamand… et finalement français
Antoine Watteau naît à Valenciennes en 1684, et la ville est française depuis seulement six ans. Elle a été rattachée au royaume de France par le traité de Nimègue, c’est pour ça que l’on a longtemps appelé Watteau le peintre flamand jusqu’au XIXème siècle. Il arrive à Paris vers 1700/1702, le règne de Louis XIV n’est pas loin de s’achever (le roi mourra en 1715).
On a souvent désigné Watteau comme un peintre de la Régence mais cette affirmation est à nuancer, notamment si l’on pense à son séjour à Londres entre 1718 et 1720. La vie de Watteau est néanmoins à cheval entre la monarchie pure et la Régence qui instaure une certaine détente dans les mœurs, et cela se ressent probablement dans sa peinture.
Un vide archivistique
Pèlerinage à l’île de Cythère, dit L’Embarquement pour Cythère.© Photo RMN-Grand Palais (Musée du Louvre) / Stéphane Maréchalle
Il est difficile de connaître en détails la vie de Antoine Watteau à cause d’un vide d’archives, surtout si on compare aux autres peintres de son époque. Par exemple, les historiens ne sont sûrs de son prénom que depuis 2006. Il n’a signé aucun tableau ni aucun dessin, et aucun document avec son écriture n’a été retrouvé.
On sait que son père était couvreur, mais il est quasiment impossible de déterminer pourquoi Watteau est devenu peintre à Valenciennes. Surtout qu’au XVIIIème siècle la peinture est un système très institutionnel, avec des académies réglementées.
Le style de Watteau
Dans l’histoire de l’art européen, Antoine Watteau se situe dans le courant de la rocaille qui se développe au début du XVIIIème siècle. On y trouve un retour vers la nature, le terme vient des rocailles représentées dans les tableaux. On considère que Watteau est l’un des premiers articles à avoir jalonné ce courant, à avoir infléchi la peinture avec un raffinement décoratif, des couleurs nuancées tendant vers le pastel.
Pierrot, dit autrefois Gilles© 2007 Musée du Louvre / Angèle Dequier
Watteau est surtout connu pour avoir « inventé » le genre de la fête galante, et notre invité Axel Moulinier s’amuse à décrire ce style comme suit : « des gens riches dans des parcs, très bien habillées, et qui ne font rien« . Le peintre a effectué beaucoup de variations sur ce thème, il existe plusieurs versions très identiques des mêmes tableaux.
Pour Axel Moulinier, quelques éléments permettent de reconnaître une œuvre d’Antoine Watteau si l’on y prête attention. Il a une manière très particulière de réaliser les tissus, avec une lumière scintillante, les arbres, et les mains. Mais pour Axel la meilleure façon de reconnaître un tableau de Watteau est de procéder de manière archivistique et non attributioniste, en retrouvant par exemple la mention du tableau dans un catalogue de vente, ou en retrouvant le dessin préparatoire.
Pour aller plus loin sur le sujet voici une bibliographie sélectionnée par Axel :
- Dacier É., A. Vuaflart, et J. Hérold, Jean de Jullienne et les graveurs de Watteau au XVIIIe siècle, Paris, Rousseau, 1922, 4 vol. disponible en ligne
- Moureau F. et M.M. Grasselli (dir.), Antoine Watteau (1684-1721) : le peintre, son temps et sa légende [colloque international, Paris, octobre 1984], Paris, Genève, Champion, Slatkine, 1987.
- Wyngaard A., « Switching codes: class, clothing, and cultural change in the works of Marivaux and Watteau », Eighteenth-century studies : an interdisciplinary journal, Ete 2000, vol. 4, no 33, p. 523‑541, disponible en ligne
- Moulinier A., « Paintings Undressed: A Crossed Methodology. A look at Antoine Watteau’s Paintings under the Scope of Sartorial Uses » in The Journal of Dress History, Londres, Association of Dress Historians, Volume 2, Issue 3, Autumn 2018, p. 23-45, disponible en ligne
- Eidelberg M., Watteau et la fête galante [cat. exp., Musée des Beaux Arts de Valenciennes, 5 mars – 14 juin 2004], Paris, Valenciennes, Réunion des musées nationaux, Musée des beaux-arts de Valenciennes, 2004.
- Vogtherr C.M. et M. Tavener Holmes, De Watteau à Fragonard : les fêtes galantes [cat. exp. Paris, musée Jacquemart-André, 14 mars-21 juillet 2014],Culture Espaces, Fonds Mercator., Paris, 2014.
Le jugement de Pâris, Antoine Watteau (Louvre)
Les références des extraits des oeuvres diffusées dans cet épisode :
- J. B. Lully – Suite « Armide » – Passacaille
- Film Ce que mes yeux ont vu (2007)
- Renaud – « Pierrot »
Ce très beau générique a été réalisé par Julien Baldacchino (des podcasts Stockholm Sardou, Radio Michel, Bulle d’art…) et par Clément Nouguier (du podcast Au Sommaire Ce Soir).