Découvrez dans cet épisode Madame Roland, femme de lettres du XVIIIème siècle !
Dans ce nouvel épisode de Passion Modernistes, Edith Jouanjean vous parle de son mémoire sur “Madame Roland ou les correspondances d’une femme des Lumières de 1780 à 1787 : entre incarnation et distinction de son temps”. Sous la direction de Dominique Godineau (Université de Rennes 2), Edith Jouanjean a soutenu ce mémoire en septembre 2019, et nous avons pu enfin nous rencontrer début 2021 pour enregistrer cet épisode !
Elle vous raconte la vie de Madame Roland, surtout connue pour ses écrits et prises de position pendant la Révolution, mais en se concentrant justement sur sa correspondance avant 1789. Edith Jouanjean s’est en particulier intéressée à ce que Madame Roland racontait de sa vie intime, comme lors des lettres où elle parle de sa fille à son mari.
Une correspondance intime
Bonneville / François / 17..-18.. / graveur / 0410. Portrait de Madame J. Ph. Roland, en buste, de profil dirigé à droite dans une bordure ovale / [estampe]. Gallica.frC’est à travers 289 lettres envoyées à des destinataires divers, comprenant son mari et plusieurs de ses ami·e·s,retranscrites par Claude Perroud en 1900 et conservées à la BNF,que Edith Jouanjean a pu entrevoir ce que fut une partie de la vie de Madame Roland.
Cette femme, qui ne prend le nom de Roland qu’en 1780 en épousant celui qui sera son époux jusqu’à la fin de sa vie, est née le 17 mars 1754 sous le nom de Marie–Jeanne Phlipon, bien qu’elle fût surnommée Manon durant son enfance. Femme lettrée de la seconde moitié du XVIIIème siècle, elle fut surtout étudiée soit à travers ses lettres de jeunesse qu’elle échangea avec ses amies du couvent, les sœurs Cannet, ou avec ses différents prétendants, soit au prisme de la Révolution Française,à travers ses lettres et ses Mémoires, afin d’étudier le rôle qu’elle put avoir aux côtés de son mari et ministre girondin.
C’est pourquoi l’invitée de l’épisode a souhaité se concentrer une étude plus approfondie des années 1780 à 1787, toujours sous le prisme de l’épistolaire. La lettre a en effet toujours été une pratique régulière chez Madame Roland, une activité quotidienne dont elle dépasse la seule fonction d’expression mondaine et sentimentale pour en faire l’outil d’une pensée dialogique en prise sur le monde.
Une femme influencée par les Lumières
3 : Silhouettes de la famille Roland, par Lavater à Zurich, vers 1792, Paris, musée Carnavalet. (page de garde de l’ouvrage Siân Reynolds))
Edith Jouanjean souhaitait dans son mémoire mettre en avant l’individualité et la singularité de Madame Roland tout en cherchant à voir en quoi elle a pu et peut être comparée au type de la « femme des Lumières », prônant les idées progressistes d’une société qui loue l’autonomie intellectuelle et la critique des savoirs. Cette étude s’inscrit directement dans une histoire des femmes et du genre dont le point de départ se trouve dans une considération de la différence sexuelle, agrémentée de la notion centrale d’agency.
Cette recherche propose ainsi de voir en quoi Madame Roland a pu atteindre un certain degré d’autonomie en tant que femme. Ses lettres illustrent une prise d’autorité féminine au sein de son entourage proche mais également maternelle dans sa prise en charge de l’éducation de sa fille. Sa capacité à asseoir un cercle d’influence dans l’espace privé mais aussi dans celui du public permet de questionner sa place dans une République des Lumières à laquelle elle participe à un certain niveau via la pratique culturelle qu’est l’épistolaire.
Il s’agit de voir comment cette femme se positionnait face à son genre et aux règles sociales qui lui étaient assignées, dans son couple, puisqu’elle contribua fortement aux travaux de son mari, dans sa famille, mais aussi dans la société même.
Pour en savoir plus sur le sujet de l’épisode, on vous conseille de lire :
Anonyme, Portrait de Manon Roland, v. 1790, huile sur toile, musée Lambinet, Versailles.
Sur l’épistolaire féminin:
- Brigitte Diaz et Jürgen Siess, L’épistolaire au féminin : correspondances de femmes, XVIIIe-XIXe siècle, Actes du Colloque de Cerisy, 1-5 octobre 2003, Presses Universitaires de Caen, Caen, 2006.
- Dena Goodman, Becoming a Woman in the Age of Letters, Ithaca, NY, Cornell UP, 2009
Sur le corps, la grossesse, l’allaitement et l’éducation de sa fille :
- Emmanuelle Berthiaud , « Grossesse désirée, grossesse imposée : le vécu de la grossesse aux XVIIIe-XIXe siècles en France dans les écrits féminins privés », Histoire, économie & société : Varia, Armand Colin, 2009/4.
- Nahema Hanafi, « Des plumes singulières : Les écritures féminines du corps souffrant au XVIIIe siècle », Clio. Femmes, Genre, Histoire, 2012-35, 2012
- Marie-France Morel, « Madame Roland, sa fille et les médecins : prime éducation et médicalisation à l’époque des Lumières », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, 1972/86-2
Sur l’éducation de sa fille :
- Dominique Julia et Egle Becchi (dir.) Histoire de l’enfance en Occident, Edition du Seuil, Paris, 1998.
- Isabelle Brouard-Arends et Marie-Emmanuelle Plagnol-Diéval (dir.), Femmes éducatrices au Siècle des Lumières, PUR, Rennes, 2007.
Extrait manuscrit d’une lettre de Madame Roland
Sur les pratiques de lecture :
- Isabelle Brouard-Arends (dir.), Lectrices d’Ancien Régime, Rennes, PUR, 2003
Sur le couple Roland :
- Siân Reynolds, Marriage & revolution: Monsieur & Madame Roland, Oxford, Oxford University Press, 2012.
Dans cet épisode vous avez pu entendre les extraits des œuvres suivantes :
- Lecture par Cancerso de l’incipit de Candide ou l’Optimisme de Voltaire (1759), sur un extrait de la cantate Le Sommeil d’Ulysse de Elisabeth Jacquet de la Guerre (1665-1729)
- Lecture par Estelle du podcast Futur Chien Guide d’un extrait de L’Emile ou de l’Éducation de Jean-Jacques Rousseau (La Haye, 1762) sur un extrait de l’intermède Le Devin du Village (1752) toujours de Jean-Jacques Rousseau
- Anne Sylvestre – Écrire pour ne pas mourir
Si cet épisode vous a intéressé vous pouvez aussi écouter :
- Épisode 20 – Philippine et la puberté au Siècle des Lumières
- Épisode 16 – Benjamin et Mme Eloffe, marchande de mode
- Épisode 1 – Sophie et Gaston d’Orléans
Le générique du podcast a été réalisé par Julien Baldacchino et par Clément Nouguier (du podcast Au Sommaire Ce Soir).