Pour cette nouvelle critique, on va rester sur du fun avec ce que je considère un peu comme un ovni dans le jdr : le dénommé "Pirates !".  Si avec superclique on s'orientait vers des parties détentes, ce jeu semble lorgner méchamment du côté du lol. Dans quel contexte est-ce que je démarre cette critique ? Eh bien pas le meilleur ! Je ne garde au final qu'un vague souvenir légèrement nostalgique des univers dédiés à la piraterie et le fait de jouer ou de faire jouer du pirate m'intéresse à peu près autant que de faire jouer un épisode de derrick. Oui vous l'aurez compris ce jeu a intérêt à être sacrément costaud pour sortir sain et sauf de mon antre.
Pirates ! qu'est-ce que c'est ? "Pirates !" est un jeu au format poche, et quand je dis poche je pèse mes mots puisqu'il utilise le  format A6. La maquette suggère des parties aux ambiances très déjantés. À feuilleter, le livre donne l'impression de pouvoir se lire en une petite demi-heure pour les moins analphabètes d'entre nous. Il ne cherche visiblement pas à se prendre la tête et part sur un concept surorienté clichés et débilités en tout genre.
Le texte en quelques mots Le machin démarre avec une petite intro sympa, où on nous présente deux personnages hauts en couleur, en la présence d'un capitaine de bateau et d'un gamin en soif d'aventure. Le capitaine de bateau représentant grosso modo l'auteur du jeu, qui explique son matos, et le gamin le joueur enthousiaste qui pose ses questions de futur meneur potentiel. Au fil du dialogue, les échanges absurdes tournant en dérision les questions courantes du joueur se multiplient.
Référence historique ? Rien à cogner on est là pour jouer du bourrin qui cherche pas à comprendre Préparer un scénario ? Pas besoin, l'adage "piller, torturer, picoler" est là pour faire le taff Mais et l'univers ? Que dalle, un bateau, un trésor et une bande d'amazones suffiront. Les histoires de pirates n'ont jamais rien demandé de plus.

Ainsi on nous déroule les règles petit à petit, sans jamais quitter le mode du dialogue, souvent ironique parfois potache, qui est utilisé depuis le début de l'introduction. La partie de ping pong entre le capitaine et le gamin fonctionnant plutôt bien, et contribuant à rendre relativement aisé et fluide la lecture. Ce qui n'est pas forcément évident sur ce genre de support. L'observateur attentif pourra même remarquer que ce petit livret sous ses aspects modestes fait quelque chose qu'on ne trouve que très rarement dans des bases de jdr : il est drôle. Ce qui semble indiqué que les créateurs de jeu de rôle n'ont pas une malformation génétique, ou un truc du genre, qui pourrait laisser à penser qu'ils seraient incapables de pondre autre chose que des articles encyclopédiques ou des textes d'ambiances à rallonge. Non, ils peuvent aussi écrire pour le plaisir du lol et ça putain ça change. Chaque réplique est calculée, et au-delà de faire marrer, une attention particulière est portée à tourner en dérision toutes les règles "sacrées" d'une partie de jeu de rôle. Au final, on nous présente le jdr de manière extrêmement ludique et fun, très loin des préparations lourdes et du travail en amont qu'on semble exiger de nous sur certaines bases.
Pirates ! parait bien être le digne héritier du film éponyme de Polanski. Avec une manière de présenter le jdr qui te chope et te met la tête sous la flotte. On traîne pas, on se marre et l’exagération est de mise. Pour ne rien gâcher, et après nous avoir torché background/règles/conseil de jeu en une quarantaine de pages, le bouquin termine par une annexe qui justement va nous offrir des outils spécifiques pour jouer vite sans se prendre la tête. Elle propose déjà un replay, c'est à dire tout simplement un retour écrit sur comment les joueurs interviennent concrètement et comment le mj va répondre à leurs actions ou va utiliser le système pour dynamiser l'histoire. Ce qui est extrêmement efficace et qu'encore une fois, je m'étonne de ne pas voir plus souvent en jeu de rôle. Le rendu d'une partie semblant trop souvent obscur quand on tente vainement de ressortir quelque chose de la base d'un jeu. Ici, on voit clairement que pirates est un jeu de rebond meneur/joueur très efficace, où les scènes débiles se succèdent, ou le système cadre extrêmement bien cet enchaînement et/ou l'absence de temps mort semble donner  un rythme de folie au jeu. Deux scénarios laissent place au replay, auxquels ont pourrait reprocher leur linéarité, mais vu la proposition de jeu il parait difficile d'imaginer des structures différentes. Les scénarios démarrent de manière loufoque et finissent en grand n'importe quoi. Pnjs aux noms et aspects improbables, décors parodiques, fil conducteur coloré et absurde... Que demander de plus ? Enfin, le livre termine sur une liste d’événement exhaustif à implanter dans un scénario, ainsi que sur une liste de noms ou vocables spécifiques pour faire "pirate".
Le système de jeu Le jeu propose un système qui se veut dynamique, un peu à l'image des dialogues dithyrambiques qui ont précédé. Quelques mécaniques imbriquées, rapides dans leurs compréhensions et leurs utilisations pour inciter à jouer dans le cadre absurde et comique proposé. On nous propose donc ni plus ni moins d'aider les joueurs à faire de la merde. Mais ont-ils vraiment besoin d'un jeu pour cela. Eh bien peut-être...
Les trucs de pirates
Grosso merdo, le personnage est résumé en cinq attributs. Ils vont éclairer un peu plus le joueur sur quelles actions débiles on va pouvoir envisager. A chaque attribut, on va appliquer un score allant de 0 à 5. Il faudra atteindre un score sur un dé six un score égal ou inférieur au montant de l'attribut pour réussir.
Marauder : C'est le cœur de métier. Une compétence fourre tout qui permet de "trouver des trucs", du magot planqué, à la riche héritière en passant par la réserve de croquis coquin du capitaine.
Tuer : Concrètement se débarrasser de quelqu'un, peu importe la manière ou le cheminement pour y parvenir.
Taquiner : En quelques mots : asticoter du pnj. On va dire que le pirate de base, ne sachant pas faire grand-chose de ses dix doigts, dés qu'on sort du contexte précis de la piraterie, il sera surement tenté de "motiver" quelqu'un pour le faire à sa place. Outre le fait que c'est fun de s'en prendre à des gens sans défense, ça permettra d'avancer plus vite quand on bloque sur un truc.
Dévaster : Passer en force, tout exploser, ruer comme un branque, bourrer au canon le navire adverse, etc... Vous l'aurez compris, c'est l'attribut à utiliser lorsque l'on veut passer en finesse.
Voltiger : Sauter haut, faire des pirouettes, grimper au mât, tenter une cabriole par-dessus un rempart, etc... Se rendre rapidement d'un point A à un point B par des moyens pas vraiment conventionnels.
Picoler : Boire, boire et encore boire ! Ça fait partie des éléments de survie de base du pirate. Une capacité à ne pas sous-estimer.
Gestion des conflits

Encore une fois, plus simple tu meurs. On tente un truc de pirates et si ça foire, y'a des chances qu'on s'en prenne dans les dents. Ça semble éviter le bon vieux truc du "Bon les gars, c'est le tour des pnjs ! On se prend un café ?" Les blessures étant là uniquement pour couper le personnage dans son élan le temps d'une scène.
Tabous
La vie de pirate c'est aussi des règles. Parfois surprenante, souvent absurde, mais essentiel à la vie en communauté.
Tripoter les portes : Les pirates et les serruriers ne s'entendant pas forcément très bien, il est toujours un peu mal vu de se la jouer Arsène lupin. On arrache, on défonce, on fait gueuler la poudre. That's all folks !
Causer mal aux dames : Être grossier et vulgaire est une chose, mais le faire en bon gentleman. Un pirate a sa logique à lui comme vous le comprendrez rapidement.
Tuer en nombre impair : Le pirate est superstitieux que voulez-vous. L'angoisse d'un massacre en nombre impair le travaille plus que la présence d'un trou de 50 cm dans la coque du navire.
Boire seul : Picolez y'a que ça de vrai. Mais bon la vie de pirate est un contexte où déconne clairement pas avec les amitiés viriles. Quand on vide ça chopine, on le fait pas seul, ça fait tantouze.
Réfléchir avant d'agir : Être un homme un vrai, on le sait tous aujourd'hui, ce n'est pas forcément étaler sa virilité et son bourrinisme à coup de batte de baseball et de blagues vaseuses qui feraient honte à Philippe bouvard . Mais bon ça c'est aujourd'hui, en attendant le pirate reste un bas du front qui laisse la cervelle à ceux qui en trouve l'utilité. Plus on fait n'importe quoi et plus on a d'or. Plus on a d'or, plus on progresse et on a les moyens de faire n'importe quoi. Concept tellement débile qu'il en serait presque réaliste.

Évolution du personnage
Basiquement, ce qui va permettre à votre pirate d’évoluer, c'est le trésor qu'il va acquérir au fur et à mesure de l'aventure. En toute logique, vu que le pirate, par nature, ne paye pas ce qu'il consomme, il va faire la chose la plus logique du monde... Enterrer le trésor évidemment ! Le mettre dans un trou très profond (en n'oubliant pas d'indiquer son emplacement sur une carte, soyons pas con) et gagner ainsi en réputation et améliorer sa position sur le navire voir améliorer ses caractéristiques.
Impression de jeu Pirates ! est jeu extrêmement innovant. Par sa volonté de se lire vite, de se comprendre vite et de pouvoir se jouer vite. C'est un poncif en jeu de rôle d'entendre ce genre de choses, mais pour une fois on pourrait le croire. On feuillette un peu le jeu à l'apéro et on se sent assez vite capable de se lancer dans la foulée. Les mécaniques imbriquées les unes dans les autres font que les temps morts sont rares et qu'on a assez peu l'occasion de s'ennuyer. Les conseils de jeu pour animer la partie correctement sont bien présents malgré le ton très humoristique et ne sont pas disséminés au petit bonheur la chance dans une base de plusieurs centaines de pages. En fait, on est rarement seul quand on se lance pour jouer une partie : on a des ressources pour improviser, pour donner du rythme, pour remotiver les joueurs paumés, pour mettre d'accord les gens autour de la table, etc...
Les règles de jeu y aidant, on a pas vraiment de mal à s'immerger dans l'esthétique barrée/loufoque du truc. On voit ces personnages surcaricaturaux, ses situations farfelues, ses enchaînements confinant au ridicule et on se plait à jouer ces figures satyriques. Les scènes s’enchaînent sans laisser le temps au joueur de reprendre leur souffle et l'histoire progresse vite mine de rien. 

Malgré toute ces qualités, Pirates ! décevra tous les gens qui cherchent à y retrouver la saveur des batailles sur les cinq océans. Pas d'élans épiques, pas de jolies filles à sauver, pas d'intrigues palpitantes. 

C'est là où on en vient à l'aspect le plus limitant du jeu. En ayant une proposition super spécifique, il va déjà refouler à l'entrée tous ceux que la proposition n’intéresse pas. En étant un jeu rapide, sans temps mort, il va frustrer tous ceux ayant besoin de s'immerger dans une ambiance aussi limitée soit-elle. En négligeant volontairement l'aspect historique/ réaliste, il laissera sur leurs faims les personnes cherchant à se plonger dans une époque. Car en réalité, Pirates ! est au jeu de rôle ce que le court métrage est au cinéma : tout tient dans le concept et ça convainc vite où ça ne convainc pas. Mais pour moins de 5 € et 80 pages de texte en A5, difficile d'imaginer mieux.
Liens utiles Site web : http://zapti.free.fr/pirates/


Retour sur le jeu par les chroniqueurs de radio roliste : http://radio-roliste.net/2014/02/02/radio-roliste-30-un-fouet-nomme-gerard-partie-3/