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Inspirant un coup sec, le Lieutenant ouvrit les yeux ! Il était enchevêtré, entre des conduites et une grille, dans la jungle de tuyauterie de la station de pompage, celle-ci plongeait presque à la verticale dans les brumes de la géante gazeuse Tb-01 ! Des explosions rugissaient partout, le hangar où de gigantesques citernes disparaissaient dans l’opacité de la mer de nuages. Il vit Myan, à plusieurs mètres de lui, accroché par la ceinture à une canalisation rompue. Il avait les yeux écarquillés, le teint blême, de la bave aux lèvres, du sang coulant de ses narines et une expression de folie dépeinte sur le visage. Le choc Mental qu’il venait de recevoir était bien trop puissant pour un esprit humain normal, même de son niveau : il allait mettre du temps à s’en remettre, s’il s’en remettait jamais !

Les explosions ne s’arrêtaient plus. L’une d’elle éventra tout un ensemble de petits tubes pas très loin de Ralato, sans doute une partie du système de refroidissement. Au travers des brumes de condensation qui s’échappèrent, il vit un corps tomber, une sorte de squelette à la peau fripée, comme momifiée, qui plongea dans la mer de nuage. Hoù Nião venait de disparaître à jamais.

Un hurlement lointain lui parvint au milieu des bruits de ferraille éventrées et de Lithium enflammé fusant vers le ciel : il provenait d’un orthoptère en approche, Heir se tenant debout sur la rambarde extérieur, le bras encore tendu en un geste futile et désespéré devant le spectacle de la fin de son élève. Ses traits n’étaient pas visibles, mais l’on devinait une réelle souffrance. Le pilote fit un geste, pointant Myan, et Heir sembla lui répondre par l’affirmative. L’orthoptère se rapprocha prudemment, slalomant entre les débris plongeant de toutes sortes, jusqu’à ce qu’un garde et le Maître Mental puissent récupérer le jeune souriant et le tirer à l’intérieur.

Même dissimulé par les brumes de vapeur, Ralato croisa le regard du politicien. Celui-ci le senti et le fixa, mais étrangement il ne donna pas l’alerte, ne tenta rien contre lui, suspendu entre haine profonde et réelle admiration. Alors que l’orthoptère prenait de la distance, il resta à fixer l’emplacement du Lieutenant, jusqu’à la dernière seconde, puis referma la porte alors que l’appareil virait de bord, s’éloignant à toute vitesse de la station de pompage agonisante. Il le laissait mourir, plonger avec son fils Hoù dans les entrailles de la géante gazeuse.

La station s’enfonçant, Ralato ne pouvait guère qu’espérer une venue rapide d’hypothétiques secours, il se lança donc dans l’escalade de l’enchevêtrement de conduites vers le haut, pour se donner le plus de temps de survie possible, priant qu’aucune explosion ne survienne à sa hauteur ! Au fur et à mesure de sa monté, il réalisa que ses plaies à la jambe et surtout au poumon ne le faisaient pas souffrir : Stuffy retenait peut-être la douleur, malgré son inconscience, mais comment expliquer que ses forces ne lui manquaient pas, que sa poigne était toujours ferme et solide ? S’accordant une seconde en pleine monté, il constata que les blessures s’étaient refermées toutes seules, cicatrisées, que même la balle prisonnière dans sa cuisse était ressortie, coincée contre son pied dans le cuir d’une chaussure !

La guérison miraculeuse des graves blessures du tout jeune Fabio, lors de leur enlèvement par les Affaires Mentales, lui revenait : à l’époque, il s’était passé exactement la même chose.

Une solide grille de maintien lui apporta une occasion de souffler quelques secondes : la station plongeait toujours, mais un peu moins vite, et malgré l’absence de repère, elle lui semblait désormais dériver sur la mer de nuages. Les explosions diminuaient également d’intensité. Ne prenant pas plus de temps à la rêverie, il reprit l’ascension. Stuffy était sûrement inconscient, tapis quelque part au fond de son esprit, mais qu’en était-il des fabuleux pouvoirs qu’il avait ressentis quelques minutes plus tôt ? Il tenta de se concentrer, pour ne serait-ce que ressentir à nouveau ces étranges formes translucides, mais rien n’apparu. Son pouvoir Mental était toujours là, mais sans plus. Dommage car pour s’échapper du piège de cette station, il aurait bien été utile !

Un dernier effort… et le voici arrivé au point le plus élevé possible. Étrange, il ne semble pas que la carcasse métallique de la station se soit enfoncée plus, pourtant maintenant elle devrait être pratiquement recouverte par la mer de nuages ! Il n’y avait pratiquement plus d’explosions, le Lithium manquait et seules quelques flammèches rebelles achevaient de brûler leur combustible de-ci de-là. Son masque semblait intact et les petites bouteilles d’oxygène étaient toujours en place, ce type de matériel était connu pour être redoutablement solide et aucune fissure d’étanchéité n’était à déplorer. Mais combien de temps allait-il encore pouvoir respirer ? Cela faisait plus de trois heures qu’il portait cet équipement, on allait vite toucher le bout de l’autonomie.

“ Ralato ? ”

Il n’y avait plus de blessure à apaiser, Stuffy pouvait donc enfin revenir à la réalité. Cela allait être long de tout lui résumer.

“Oui, je le devine, mais on va avoir du temps en attendant les secours… Avant que tu ne me racontes, regarde autour de nous, tu ne remarques pas cette teinte un peu plus foncée de la mer de nuages ?


  • Maintenant que tu le dis, oui en effet, je n’y avais pas prêté attention, comme une ombre sous la station. Qu’est-ce donc ?

  • La preuve que nous avons le plus grand pouvoir de l’Univers avec nous, mon Ralato, nous avons de la chance ! Maintenant allonges-toi, respire au minimum, exercices de relaxation pour limiter l’utilisation de l’oxygène, en attendant les secours. 

Alors, racontes-moi donc tout ce qu’il s’est passé ? ”

Docilement, le Lieutenant se cala entre deux grosses gaines de ventilation et s’autorisa une vraie détente, débutant la longue conversation avec son ami.

 

Le ciel flamboyait des jets de gaz de la Nébuleuse de Talbot, emplissant toute la voûte. Allongé au sommet de la carcasse d’une station de pompage d’oxyde de Lithium, Ralato se laissait dériver avec elle sur l’infinie mer de nuage, porté par un immense bloc de roche spatiale flottant sous la surface, comme il en existe parfois, à l’origine des premières extractions de Lithium puis abandonnées et oubliées des hommes.

 

La chance, le plus grand pouvoir de l’univers.

 

Fin du chapitre 14

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Prod: PodShows

Réa: Raoolito

Relecture: Icaryon, Andropovitch, Arthur R, Coupie, Quentinus15

Narration: Andropovitch

Acteurs:
Ralato (Raoulito)
Luciole (Stuffy)
Destrokhorne (Heir)

Compo: Ian

Montage: Andropovitch