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Il referma la porte de son bureau, fit quelques pas dans la pièce et s’arrêta. Seul le tic-tac lancinant de l’horloge murale de son père émettait un bruit, le reste étant plongé dans un silence absolu. Vernek fonctionnait à la sensibilité, et en politique c’est extrêmement important de savoir ressentir les choses, cela permet de revoir ses stratégies en fonction du moment, des gens ou des évolutions des situations quelles qu’elles soient. Et ici, flottait dans l’air un quelque chose d’inhabituel. Il y a longtemps maintenant, alors que l’Exode ne s’était pas encore élancée dans l’espace profond, cette pièce avait servi de théâtre à une situation où la sensibilité et le sang-froid furent ses seules armes. Ce soir, de nouveau, une sorte d’oppression, un je-ne-sais-quoi dans l’air éveillait les sens alertes du politicien.

Tic, tac, tic, tac…

L’horloge égrenait ses secondes imperturbablement, rythmant un temps à l’écoulement devenu erratique.

 

La douce musique de l’intercom résonna. Junta ne se féliciterait jamais assez d’en avoir changé la sonnerie, l’ancien buzzer portait à la paranoïa. L’heure de l’entretien avec sa sœur était arrivé, il décrocha en s’installant dans son fauteuil de cuir, ses sensations étaient une chose, mais le développement d’une épidémie en était une autre.

« J’ai suivi tout à l’heure l’édition d’ExOne Média. Tu t’es décidée à rendre cela publique ?


  • Je n’avais plus trop le choix. Déjà on a pu retenir les journalistes pendant une semaine, c’était un exploit ! Répondit immédiatement la Lieutenant Colonel. Entre eux ils étaient habitué à faire abstraction des mondanités d’usage.

  • Avec Ex-One média il y a toujours moyen de s’arranger, tu sais ? Mais bon, c’est fait. Alors quelles sont les nouvelles ?

  • Toutes mauvaises. Le nombre de nouveau cas approche la dizaine par jour. Nous avons fait évacuer tout un quartier dans les sections de l’équipage afin d’improviser un centre de soin spécialisé. Le docteur Blame y passe désormais toutes ses journées. »

  • C’était mauvais tout cela, très mauvais… Junta pris quelques secondes pour analyser plusieurs possibilités.

  • « Je vois. Il n’a même plus besoin de se déplacer, les patients arrivent en continu, c’est cela ?

  • Oui, et le personnel manque. Nous allons vite être en surnombre de malades, et ajouter quelques espaces de plus ne résoudra pas le problème.

  • C’est toujours la communauté brune qui est principalement touchée ?

  • Toujours, même si des nouveaux cas de tropicaliens, de souriants et de barbanes sont annoncés. Les bruns restent sur-représentés dans cette épidémie et malgré ses efforts, Blame en ignore toujours la raison. D’ailleurs, quelles que soient les prospectives statistiques, les dernières revues ce matin indiquent clairement que plus de la moitié du vaisseau sera atteint avant la sortie de la Passe. Et toi de ton coté ?

  • Rien, aucun cas. C’en est absolument incompréhensible. Mon médecin en chef a étudié les données que tu nous as communiqué et il arrive aux mêmes conclusions que tes équipes : ce n’est ni un virus, ni un bacille. Tout serait psychologique, une épidémie de rage psychotique, il n’avait jamais vu cela.

  • Et tes bruns ?

  • On tente discrètement de resserrer les mailles de la surveillance médicale autour d’eux, mais on ne trouve aucune trace d’épidémie. »

Répondit le politicien, à la limite du découragement. D’un côté il ne pouvait que se féliciter d’une absence d’épidémie dans ses rangs, mais d’un autre, il allait devoir assister sa sœur et son transporteur à distance, sans jamais pouvoir intervenir ou étudier un cas sur place.

Onawane enchaina, elle aussi sentait qu’à part un soutien moral, l’autre transporteur ne pourrait guère lui être utile.

« Blame est en train de faire une nouvelles batterie d’analyses. Elles portent sur l’air ambiant comparé à celui présent dans les poumons des malades. Peut-être une piste. Mais franchement Vernek, d’un point de vue strictement opérationnel, je ne vois pas beaucoup d’alternative à mon plan.


  • Ne fais pas cela. Il n’y a eu aucun mort, aucune victime à déplorer, sinon beaucoup de remue-ménage et de situations impressionnantes. La mise à l’écart a pu être expliquée par ton docteur, mais l’asphyxie et la crémation, Onawane, avec les journalistes sur ton dos et une épidémie qui, en fin de compte, n’est qu’une idée de folie qui se propage… Non vraiment, je te le déconseille fortement.

  • Il le faudra peut-être. J’ai déjà demandé à mon aide de camp une proposition d’action. »

Onawane n’était pas une politicienne, c’était une militaire comme le général Décembre. Ces gens là ignoraient les implications futures de leurs décisions, et celles découlant de ce genre d’action seraient dévastatrices, pas seulement pour le transporteur n°2.

« Bon écoute. J’ai une équipe médicale qui peut faire tout un pool de recherche en liaison permanente avec tes équipes et mes ingénieurs déploient, en ce moment, plusieurs nouveaux réseaux laser entre nos vaisseaux. N’envisage aucune action extrême de par toi-même petite sœur, travaillons ensemble, on pourra trouver une solution, fais-moi confiance !


  • Tes paroles sont réconfortantes Vernek, mais tu n’es pas ici, au cœur de l’épidémie. Déjà certains groupes se forment pour chercher les bruns qui se baladeraient seuls dans les rues de la Cité Intérieure. Malgré le filtrage des informations, il y a des fuites. Si ma méthode n’enraye pas la maladie, peut-être au moins pourra-t-elle m’éviter un déferlement de xénophobie à l’intérieur de mon transporteur. »

Vernek se prit le visage entre ses mains. Le pire était qu’elle avait raison : à ne pas vouloir se faire déborder par la maladie on risquait de se faire déborder par les communautés. Le colonel Sterling-Price avait déjà eu un problème semblable sur son transporteur, et tous les commandants avaient été avertis : les communautés s’enflamment très vite, il faut y apporter une attention toute particulière sous peine de faire face à des émeutes urbaines.

« Je ne sais que te dire de plus pour l’instant. Rendez-vous demain, mes pools médicaux vont prendre contact avec tes équipes tout à l’heure. Bon courage à toi et fait attention.

Merci. À demain, Onawane terminé. »

Junta se laissa aller dans son fauteuil de cuir épais, levant les yeux au plafond. Sur les bords de son angle de vision, il devinait la photo jaunie accrochée à l’horloge. Son père, la pipe au bec, tenait enlacé sous chaque bras sa fille et son fils Vernek. Papa, qu’est-ce que tu penserais de tout cela ?

Mais son père n’en pensait plus rien. Il était mort assassiné, sans même comprendre ce qu’il lui arrivait. Assez de sentimentalisme. Le politicien appuya sur le contacteur pour aviser la section médicale de crise de lancer l’état d’urgence.


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Prod: PodShows
Réa: Raoolito
Relecture: Icaryon, Arthur R, Coupie, Quentinus15, Andropovitch
Narration: Icaryon
Acteurs:
Junta (Arthur)
Onawane (Istria)
Compo: Ian
Montage: Numa