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MaterOne Centrum.
Le feu crépitait dans l’âtre de la cheminée du salon. Dehors, une pluie fine ruisselait sur les carreaux de la grande vitre tandis que le serveur apportait déjà le thé au jasmin qui allait embaumer la pièce. Le Contre-amiral Poféus attendait, debout, le regard perdu dans les ombres dansantes des bâtiments de la capitale en cette fin d’après-midi grise. Calande était en retard. Ce n’était encore jamais arrivé.
À cet instant justement, la porte s’ouvrit sur la petite femme, le bas de son pantalon encore humide.
« Veuillez m’excuser Angilbe, les embouteillages de cette fin de semaine m’ont prise au dépourvu. J’espère que votre attente n’a pas été trop longue ?
- Non.
- Je vois que vous avez précédé mes petites manies ? Merci pour le thé, asseyons-nous je vous en prie. »
La psychologue ne laissait rien transparaître d’un quelconque trouble ou appréhension. Peut-être qu’il ne s’agissait que d’un banal retard comme elle le prétendait, mais tout en s’installant dans le fauteuil face à elle, Poféus ne pouvait s’empêcher de se poser des questions.
« Avez-vous reçu les résultats des analyses que vous m’aviez demandé ?
- Tout à fait, ils sont conformes à ce que j’attendais.
- Et vous attendiez quoi exactement ? »
Ce retard l’intriguait au plus haut point. Dans les milieux du pouvoir, les plus infimes indices de trahison pouvait se trouver dans d’anodins événements tels que celui-ci. Peut-être avait-elle été contacté par un de ses ennemis qui l’avait, d’une manière ou d’une autre, transformé en espionne ? Ou peut-être que les résultats de l’analyse avaient été si graves qu’elle n’osait pas en parler de peur de perturber leurs futures séances, voire les annuler et perdre ainsi un joli pactole ?
Non.
Calande Rorré n’était pas de ce genre-là, il le savait. Si elle lui cachait quelque chose ce ne serait que pour son bien à lui, même s’il appréhendait cette idée de faire confiance à quelqu’un.
« Angilbe, arrêtez de me dévisager comme cela. Ce n’était qu’un simple retard, inutile de tourner et retourner le problème dans votre tête.
- Qu’est ce qui vous dit que je pensais à cela ?
- Votre manière de me regarder. Il n’y a que deux circonstances où l’on observe une personne de cette manière, et la seconde est un grand doute renfermé.
- Dans mon monde, ce genre de chose arrive plus souvent qu’on ne le pense. Soit, je vous crois. Tâchez à l’avenir de prévenir pour tout retard.
- Comme il vous plaira. Mais puisque l’on parle de cela, savez-vous quelle est la première circonstance où l’on regarde une personne comme vous venez de le faire ?
- Une antipathie profonde ?
- Presque ! Un amoureux transi. C’est l’autre face de la médaille. »
Un morceau de bois claqua dans le foyer, projetant de petits morceaux rougeoyant un peu partout autour des braises. Poféus plongea son regard dans les flammes ; cela faisait longtemps qu’il n’avait pas été surpris ainsi par une réponse. Une fois de plus, cette femme savait le décontenancer. Ses mains, toujours glacées par le passé, avait retrouvé un peu de leur chaleur ces dernières semaines, au point que ses mignons ne tressaillaient plus aux premières caresses.
« Non, je peux vous assurer qu’il ne s’agit pas de ce genre de circonstance-là.
- Fort heureusement, nous ne pourrions poursuivre nos séances, sinon. Parlez-moi un peu de vos relations sentimentales, Angilbe.
- Est-ce vraiment utile ? Il n’y a personne, point. Je suis un célibataire endurci.
- Aucune relation, même éphémère ? Les humains sont plutôt sociaux en général. Une présence peut souvent aider à accepter le quotidien.
- Je ne suis pas fait du même métal que les autres, Calande. Croyez-moi.
- Mmmhmm… »
La jeune femme griffonna quelques notes sur son calepin. Comment pourrait-il lui avouer qu’il passait plusieurs nuits par semaine avec de jeunes garçons tout juste pubères complètement drogués, qu’il les faisait exécuter et disparaître au petit matin ? Pire, il lui arrivait de les étrangler, les étouffer personnellement, et cela décuplait ses orgasmes, quoique moins souvent qu’il l’aurait voulu.
Légalement il serait du devoir de la psychologue de le dénoncer, et plus jamais il ne pourrait la revoir. Non, c’était hors de question qu’elle sache quoique ce soit sur ce sujet.
« Vraiment, je vous assure, je n’aime pas la chair, c’est ainsi.
- Pas même les jeunes garçons ? »
Silence.
Une bourrasque souffla quelques secondes sa colère dehors, appesantissant par contraste l’atmosphère de la pièce.
Elle l’avait dit comme cela, comme si de rien n’était. Comme une simple information qu’il suffisait de noter sur une feuille de papier. Ses doigts osseux serraient le cuir du fauteuil, les veines saillant sur le haut de ses mains et il devait déjà s’empourprer comme un… enfant pris en faute.
« Je.. je ne vous permets pas !
- Ce n’est pas une honte Angilbe. Chaque être humain trouve les affinités qui lui correspondent le mieux, là où lui seul pourra les apprécier.
- Mais arrêtez ! C’est un ordre !
- Un ordre ? Vous n’avez pas d’ordre à me donner, je vous le rappelle. »
Le contre-amiral se leva et de toute sa hauteur, domina la petite psychologue assise devant lui, petite femme au calepin griffonné.
« Je peux vous envoyer vous perdre dans les prisons les plus reculées de MaterOne pour une insinuation comme celle-là ! Si ce n’était notre relation que je croyais plus respectueuse, vous seriez déjà aux fers, Madame Rorré ! »
L’autre le regarda, ses yeux semblant lire toute la vie de Poféus depuis des générations, évoluant dans les méandres de sa vie comme un poisson se situant sans encombre dans un courant rapide. Il avait beau tenter d’afficher le plus de fermeté, regarder du plus haut possible, donner une voix qui tonnait et menacer aussi clairement que possible… Elle restait stoïque, semblant patienter, un début de colère rentrée, mais aucune peur de quelque sorte que ce soit.
« Angilbe. Asseyez-vous s’il vous plait. Ce genre de colère ne vous sied pas. Merci cependant pour avoir évoqué notre… relation. »
Comment osait-elle lui parler ainsi ? Il allait appeler les gardes à l’entrée du bureau, il allait la faire révoquer de tous les ordres médicaux de la planète, il allait… Mais à sa grande surprise, il se rassit.
Sans rien dire.
La psychologue le laissa se reprendre, en profitant pour couler une tasse de thé au jasmin dans laquelle elle glissa un sucre. Quand elle la reposa, ce fut pour ranger son calepin et fermer son sac à main. En se penchant vers son patient, elle ajouta :
« Nous allons nous arrêter là pour aujourd’hui Angilbe… Je sais pour votre attirance homosexuelle à la limite de la pédophilie, comme une bonne partie de MaterOne. Ce sont d’autres patients qui me l’ont appris lors de nos séances il y a déjà plusieurs années. Plus de personnalités se sont allongées devant moi que vous ne semblez le penser.
- Que savez-vous ?
- Ce que vous voudrez bien me dire. Comprenez que mon rôle n’est pas de juger, il est de comprendre. Lorsque vous faites, lorsque je fais quelque chose, ce n’est pas la société qui en est la raison, c’est mon interaction avec elle, basée sur l’héritage culturel de ma vie passée et de celle de mes aïeux.
Il ne faut donc pas laisser les règles de la société interférer dans notre travail de compréhension, Angilbe. Ces règles ne sont pas les vôtres, elles ne nous intéressent donc pas. »
Calande se redressa, le salua et s’éloigna d’un pas sec. Poféus ne sut expliquer pourquoi il ressentait ce si fort pincement. Le fait que ses fantasmes soient divulgués sur la place publique, le fait que cette femme puisse le traiter de la sorte, ou le fait qu’il l’ait visiblement déçu par sa réaction ?
Arrivée au pied de la porte elle marqua une pause, puis se retourna, ajoutant : « Prenez du repos Angilbe, vous êtes fatigué. Cela aussi apparait sur vos traîts »
Et elle poussa la porte alors qu’une autre braise claquait dans le foyer.
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Prod: PodShows
Réa: Raoolito
Relecture: Icaryon, Arthur R, Coupie, Quentinus15, Andropovitch
Narration: Raoolito
Acteurs:
Pof Magicfingers (Poféus)
Coupie (Calande Rorré)
Compo: Ian
Montage: Richoult