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Junta n’eut pas besoin d’explications. Alors qu’il n’était même pas encore arrivé au laboratoire, le mirage d’un gigantesque vaisseau noir de forme oblongue le traversa de part en part. Il était suivi d’une multitude de plus petites formes. Si le premier était l’équivalent d’un croiseur, les suivants lui étaient familiers : en tous points semblables au chasseur inconnu contre lequel le Général Décembre et lui-même s’étaient démenés autour de Vegas IV. Le combat avait été rude, un des artefacts étudiés dans le laboratoire en témoignait. 

Il courut jusqu’à l’écoutille qui conduisait l’équipe de savants qui l’avait appelé en urgence. Une distorsion sauvage, du même type que celle que lui avait montrée son père, était à l’œuvre en ce moment. Et elle frappait les artefacts en projetant leur empreinte mémorielle, comme une autre l’avait également fait quelques jours plus tôt. Sauf que la puissance de celle-ci était décuplée, et que les mirages, au lieu de n’apparaitre que dans un faible rayon autour des objets, rayonnaient dans tout le vaisseau.

La panique allait faire rage, puis elle ferait place aux questions, et le secret de toutes les recherches en cours risquait d’être éventé. Aux portes du laboratoire, il se protégea de l’explosion simultanée de toutes les ampoules qui inondèrent le couloir de gerbes d’étincelles. Pourvu que les équipements essentiels à la transition tiennent le coup. Le garde apeuré le laissa passer, terrorisé par le passage d’une nouvelle vague de vaisseaux aux formes multiples, visiblement spécialisés dans des actions complémentaires, torpillage, déminage, génie spatial. Junta claqua la porte de colère, on avait bel et bien sous les yeux l’éventail complet des appareils composant une flotte de guerre. Ses pires craintes se révélaient exactes !

Devant lui, les équipes de Schwarzkof couraient dans tous les sens. Le savant restait collé à la vitre séparant la salle d’étude de celle contenant les deux artéfacts.

« Je croyais vous avoir demandé d’éloigner vos collaborateurs en cas de nouvelles apparitions ?


  • Oui Monsieur, mais je pense qu’il n’existe plus beaucoup d’endroit sur le vaisseau que ces mirages ne traversent pas.

  • Et…. c’est le passé ou le futur ? »

Un rack entier de plusieurs consoles cracha des étincelles avant de s’éteindre. Junta nota que c’était Quentin qui tournait dans le laboratoire avec un extincteur et Schwarzkof qui le dirigeait de loin.

« Le terminal huit est hors service ! Toi là-bas, regarde derrière ce qu’on peut retrancher comme câbles, n’hésite pas à contourner le système central si besoin ! Quentin ! Mettez-y plus de nerf que diable, couvrez-moi tout çà de poudre ! »

Schwarzkof retourna à son pupitre, laissant son assistant régler les problèmes immédiats. Il tentait de s’imprégner de la scène, d’enregistrer chaque image, d’analyser chaque résultat affiché, on sentait que l’homme pourrait donner toute sa vie pour vivre et revivre cet instant en boucle. Il se savait devant le moment culminant de son existence. Junta sourit, au moins tout serait fait pour résoudre les mystères liés à ces appareils.

« Regardez celui-là.. » murmura le savant.

Un monstre géant, démesuré, une sorte de croiseur aux dimensions démentes traversa le mur d’enceinte. Vernek ressentit exactement les mêmes sensations que quelques minutes plus tôt lorsque son père le tenait dans ses bras, lui flottant à l’extérieur. Ce que l’on devait bien nommer « vaisseau amiral » était si gros qu’il engloba une grande partie du transporteur. Pire, le second Transporteur, celui d’Onawane, fut également traversé par le mirage de l’engin, plongeant les occupants des deux vaisseaux à l’intérieur de ses entrailles.

Et là, au cœur de cet appareil parfaitement inconnu, la vision de l’univers que l’Humanité pouvait avoir changea à tout jamais. Ils virent des humanoïdes non humains vaquer à leurs occupations. Marchant par groupes, allongés pour se reposer, opérant dans quelque machinerie, donnant des ordres, la fourmilière et ses occupants s’ouvraient aux regards de tous, ne laissant pas de place au doute : une autre race intelligente existait quelque part.

Ils n’étaient pas grand, leurs visages ressemblaient à ceux des humains, sans nez et sans cou, avec sept longs doigts fins par main. Deux grandes antennes émergeaient du front, d’épaisseur différente suivant les individus, arrangées -coiffées- avec style, parfois couverts d’une sorte de bonnet. On sentait qu’il y avait des mâles et des femelles au travers de l’habillement, des démarches, des formes… C’était donc une race de mammifères, sans aucun doute. Deux choses marquaient les exodés témoins de l’incroyable mirage : la couleur de la peau, sombre, grisâtre virant parfois au bleuâtre, et les yeux, un peu plus larges que ceux des humains, aux iris disproportionnés.

 

Junta ne criait pas, laissait la frayeur le traverser, ne lui offrant pas d’emprise sur sa conscience. Certains des savants présents ne conservaient pas le même calme, on entendait des cris, des pleurs. Quentin était même prostré contre un angle de la pièce, serrant l’extincteur contre lui, les yeux rivés sur une femme extraterrestre qui passait devant lui. Seul Schwarzkof restait concentré, donnant des coups de poings sur un moniteur intégré à sa console, attendant visiblement un résultat que l’appareil, aux censeurs surchargés, était bien en peine de lui offrir.

Toute la salle tomba soudain dans l’obscurité, certains appareils se coupèrent, d’autres restaient allumés. Puis la lumière revint, alors qu’un ultime chasseur extraterrestre quitta un des artefacts et disparut au travers d’un mur adjacent.

Junta écouta les sons autour de lui, toucha la table en face. La distorsion était passée, et ils avaient tenu. On allait avoir besoin de lui au centre de commandement, les rapports d’avaries et des bilans humains devaient déjà tomber. Il n’allait pas pouvoir rester.

« Merci Papa de m’avoir préparé à ça. » lança-t-il à l’intention du plafond. Puis il enchaîna, ramenant Schwarzkof à la réalité.

« Docteur ? Alors ?


  • J’attends que cette oscillographe daigne me donner une réponse, Commandant !

  • Et du coup vous avez manqué une autre information importante. La réponse à l’utilisation de ce métal aux propriétés psychiques.

  • Pardon ? Qu’avez-vous vu ?

  • Les yeux de ces… êtres, professeur. Ces iris si caractéristiques. Une race de Mentaux, j’en mettrais la main à couper. Ils doivent ouvrir une sorte d’osmose psychique avec leurs appareils, ce qui en explique la réactivité. À votre tour de répondre, Schwarzkof. »

L’autre posa son regard sur un résultat qui clignotait enfin au centre de l’oscilloscope. Le savant soupira, et d’une voix presque détachée répondit autant pour son voisin que pour lui :

« D’après la fréquence des illusions… Je dirais que nous venons de voir le futur Monsieur Junta… Oui, le futur. Que les Dieux nous protègent. »

 

Junta quitta la pièce, sans prononcer un mot.


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Prod: PodShows
Réa: Roolito
Relecture: Icaryon, Arthur R, Adastria
Narration: Andro
Acteurs:
Junta (Arthur)
Schwarskof (Silverson)
Compo: Ian
Montage: Bleknoir