Red Universe Tome 1 Chapitre 26 Épisode 06 : " Rencontre du 5e type (3)"

 L’Agent mental n’était plus qu’à quelques secondes d’atteindre la conscience. C’était aussi désagréable que de se réveiller tout barbouillé d’une opération chirurgicale, un moment où les esprits éveillés et somnolents se mêlent dans un patchwork aux airs impénétrables.
« Idn’t tok bla. Wiir’hanld, sih’te ! »
Quels étaient ces sons qui lui parvenaient ? Non pas des sons... des pensées à peine voilées, mais au sens incompréhensible. De la panique y transpirait, c’était quelque chose de facilement reconnaissable, car universel, lié à l’existence de la vie elle-même. Qui que soient ses geôliers, ils s’inquiétaient terriblement.
« Thl’a ! »
Un rayonnement lui traversa brusquement la tête, comme des pieux surgissant de nulle part qui transperceraient ses chairs pour le maintenir crucifié. Sous la force de la chose inconnue, il fut repoussé loin dans les profondeurs du sommeil, incapable de remonter à la surface. Pourtant, le moi était toujours actif, cela faisait partie intégrante de l’entrainement d’un agent mental que de pouvoir « exister » à plusieurs étages d’éveil, jusque dans l’inconscient.
Stuffy tenta de déduire ce qui pouvait l’être de ce premier échec :
« Ils doivent utiliser une sorte de machine émettant un flux psychique. C’est dans l’idée des amplificateurs que j’avais dans la capsule, mais en bien mieux... 
Ce n’est pas ceux de MaterOne : je l’aurais su et ils sont maintenant loin. Par contre, si j’ai été trouvé, c’est peut-être simplement, car ceux-là suivaient l’armada et je me suis bêtement retrouvé sur leur chemin à hurler partout !
Ce sont des Mentaux qui parlent une autre langue, une branche dissidente, peut-être ? »
Depuis longtemps, les Forces mentales accumulaient des preuves de l’existence d’êtres aux pouvoirs psychiques chez les pirates. Il était tout à fait envisageable qu’au-delà de la Passe de Magellone, cette mouvance ait pu se regrouper en de puissantes fratries capables de développer ce potentiel et la technologie adéquats.
Non, cela ne collait pas. Les pirates conservaient de leur culture nordiste traditionnelle un appétit pour le contact physique. Suffisamment pour considérer les pouvoirs psychiques comme un atout, mais pas forcement comme une arme à généraliser, sans parler des moyens à mettre en œuvre pour concevoir et usiner tout cela. C’était difficile à imaginer.
Stuffy observa le rayonnement qui s’atténuait jusqu’à lui. Le repoussoir agissait en profondeur, pourtant... pas autant que ce que l’on pouvait obtenir avec deux Mentaux bien formés. Face à un agent entrainé, cela risquait de fournir des marges de manœuvre au prisonnier, ce dont Stuffy s’empressa de profiter. Par exemple, ce rayonnement semblait parfaitement homogène en matière de pulsations rythmiques, par contre sa diffusion laissait à désirer.
Le Mental se concentra, modifiant sa forme astrale, s’étirant à en devenir proportionné comme un serpent-annulaire et s’élança. Il fallait faire vite avant qu’une quelconque surveillance ne détecte sa progression. Barre à droite, circonvolutions à gauche, double crochet et pirouette, tel un beau diable Stuffy longeait chaque faille, profitait de toute ouverture dans l’influx extérieur pour se rapprocher toujours plus de la sortie et de son éveil !
« Ognozok Ath. Etakanotak, It’ske! »
Il dépassait déjà la limite précédente d’où il avait été repoussé. Le Mental en voulait pour preuve d’entendre à nouveau les bourdonnements de pensées. Dans une large et complexe spirale, Stuffy atteignit finalement l’ultime frontière, celle au-delà de laquelle il pourrait se réveiller. Sans attendre une seconde de plus, il s’élança au travers, ne percevant au loin que des tonalités anodines comme si ses geôliers se sentaient en sécurité. Ils n’avaient mis personne en surveillance, s’en remettant à l’efficacité théorique de leurs appareils.
« Grave erreur... » murmura l’Agent mental en ouvrant les yeux.

Il était entièrement nu et sanglé sur une table inclinée, la tête enserrée dans un étau métallique dont il pouvait ressentir l’électricité statique. Au-dessus de lui, une sorte de grande araignée incrustée dans la structure descendait jusqu’à quelques centimètres de son visage, s’ajustant en permanence tel un objectif qui ferait continuellement le point. Le reste de la pièce ressemblait à presque tous les compartiments des vaisseaux de l’espace, avec ses quelques mètres carrés (bas de plafonds), son sas ouvert, ses ordinateurs et interfaces fondus dans la paroi et sa lumière diffuse à dominante bleue.
Deux êtres lui tournaient le dos, deux non humains. Stuffy réprima un hurlement de surprise, ne pouvant que constater leur masse corporelle tassée, leur peau foncée virant au noir, leurs antennes et leurs six doigts compulsant frénétiquement les claviers virtuels. L’un était un peu plus grand que l’autre et il semblait émaner de lui plus d’impulsions psychiques, sans doute le responsable pour le duo. Car il s’agissait de militaires ou d’un quelconque corps nécessitant ces symboles (des grades ?) marqués sur les épaules.
Brusquement, tous les senseurs pointés sur son visage refluèrent et l’espèce d’araignée électronique poussa un croassement qui se révéla être une alarme, alors qu’elle se repliait dans le plafond. Les deux individus tournèrent vers lui de larges yeux globuleux jaunes que l’absence de nez et un goitre disproportionné mettaient encore plus en évidence.
Stuffy secoua ses liens : rien à faire, il était solidement attaché, plus d’autre choix que d’attaquer !
Tentant le tout pour le tout, il abaissa ses barrières et lança un balayage mental direct sur le chef, celui au potentiel psychique qu’il estimait le plus important (la technique de combat basique : neutraliser d’abord le plus fort pour s’occuper du plus faible ensuite). L’individu reçut la projection de plein fouet et, pris par surprise, ses défenses se brisèrent net sous l’impact. Stuffy n’en revenait pas d’avoir atteint si facilement sa psyché profonde.
« Merde, c’est incompréhensible là-dedans ! Ils ont une manière différente de concevoir les idées, ça va être difficile de m’y retrouver... » commenta-t-il.
Il n’eut pas le temps de pousser plus loin son analyse : le second prenait à sa ceinture une poignée surmontée d’une sorte de chose ovale. Pas besoin d’être devin pour y voir une arme de poing. L’autre leva l’objet, visa Stuffy... et s’effondra, foudroyé par un tir de son chef. L’agent mental souffla, les contrôles physiologiques ne se différenciaient pas tant que cela des humains et il avait même cru déceler une forme de soulagement dans l’esprit qu’il asservissait (les liens entre collègues semblaient aussi chaotiques ici qu’ailleurs). Il fut plus corsé de l’obliger à défaire ses attaches qui, fort heureusement, étaient toutes contrôlées par un connecteur sur le coté de la table.
Quand Stuffy était sorti de l’université mentale, une promotion ou deux avant celle — célèbre — de Ralato et Fabio Ouli, « piloter » un être vivant n’était possible qu’avec quelques batraciens et encore. Il avait été dans les premiers du programme pilote des Forces mentales à mouvoir le bras ou la jambe d’un autre. Mais maintenir ce... N’l — co-h’al, ou quelque chose d’approchant, sous sa coupe était un exploit dont il ne se serait jamais cru capable.
Son nouveau corps était probablement la clé de cette performance : d’une manière ou d’une autre, la matière organique composant son cerveau de chimère permettait une plus grande fluidité des connexions et, par conséquent, un pouvoir accru. Il contourna le chef hiérarchique du laboratoire et coupa l’alarme par un petit bouton fiché dans la paroi :
« C’est bien celui-là, hein, bonhomme ? Bon, donne-moi ton machin. Rouge on tue, vert on assomme...
Essayons. »
Dans un éclair bleu du paralyseur, le Nalcoēhual s’effondra tandis que Stuffy passait déjà le sas, arme bien tendue. Personne dans le couloir, mais l’alarme allait forcément attirer l’attention. Il scella l’entrée et détruisit la commande d’ouverture d’un coup de rayon.
« Efficace, ce machin. Bon, mon Stuffy : mission une, trouver un abri en évitant de se faire repérer et, mission deux, il jeta un œil à son torse musclé couvert d’un duvet châtain clair, puis ajouta : ne plus me retrouver à poil ! »
Il s’élança vers le corridor de gauche.


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