Red Universe Tome 1 Chapitre 26 Épisode 07 : " condamnation (1)"
La parlementaire Ci’chi avançait au rythme de ses gardes qui la maintenait solidement menottée et serrée entre eux. Pas de brutalité, non, mais un pas martial que l’ancienne Nalcoēhuale n’avait pas le souvenir d’avoir connu... ou était-ce parce qu’elle n’avait jamais été inculpée ? Chaque claquement de talon sur le sol la faisait frémir.
Loxa et Huate n’allaient tout de même pas oser aller jusqu’au bout de cette pièce de théâtre, c’était simplement inimaginable ? Si la république commençait à se saigner elle-même, de quoi pourrait-elle se prévaloir face à des empires dictatoriaux comme ceux de Ragnvald ou de MaterOne ?
Même dans ses premières expériences de la politique, alors qu’elle n’était encore qu’une jeune Huitlalcoh, elle n’avait jamais envisagé les débats d’idées, parfois houleux, susceptible de se terminer par une condamnation à mort. Car elle n’était pas stupide, le simulacre d’un procès devant une cour martiale était connu d’avance, mais habituellement destiné aux militaires et surtout dans les cas de désertion et d’erreurs ou actes graves. Pas pour des civils et certainement pas pour des représentants du peuple tels que des parlementaires !
Étrangement, ses gardes tournèrent à un embranchement dans une mauvaise direction, quelle surprise lui réservait-on encore ?
Tous les corridors de cet espace pénitentiaire se ressemblaient, mais il lui semblait que les influx télépathiques aux alentours changeaient sensiblement. Elle pouvait ressentir de la peur, voire même de la souffrance...
Du coin de l’œil, elle scruta au-delà de l’entrebâillement d’une porte et remarqua fugitivement un Nalcoēhual solidement attaché à une table. Plusieurs infirmiers jonglaient avec des fioles multicolores et des aiguilles pour lui injecter des drogues. Que se passait-il ici ? Elle n’osait pas penser le mot qui lui vint naturellement à l’esprit :
« On torturerait donc dans le Cercle-de-Khabit ? Où cela n’avait-il jamais vraiment cessé ? »
murmura-t-elle à voix haute, avant qu’un coup sec dans les côtes ne la rappelle au silence. Le regard de celui qui l’avait frappé semblait aussi dur que l’acier, depuis combien de temps formait-on des bourreaux dans les écoles militaires de la république ?
Ascot-8 était le numéro de la pièce devant laquelle on l’arrêta. Le soldat de gauche lança un signal psychique à l’intention de l’intérieur, puis le trio attendit qu’on daigne bien leur ouvrir. Aucun influx particulier ne ressortait de l’écoute des pensées de l’autre côté de la paroi. Aurait-elle droit, elle aussi, à ces infirmiers avec leurs potions diaboliques ou lui réservait-on un traitement « à l’ancienne » à base de coups et d’humiliations de toutes sortes ? Jusqu’où le système militaire est-il tombé ?
La porte s’ouvrit sur une apparition franchement inattendue : la députée Loxa, debout et couverte de bien moins de pansements que lors de la dernière session parlementaire, l’accueillait avec deux tasses à la main. De sa voix nouvellement retrouvée, elle déclara avec une joie parfaitement simulée :
« Ci’chi, vous voici enfin, c’est un réel plaisir de vous revoir ! Mais que vois-je ? Allons, soldats, ce ne sont pas des manières pour traiter une personnalité telle que notre élue. Veuillez lui enlever ses menottes et nous attendre. Entrez donc, Ci’chi. »
Une fois libérée, la vieille Nalcoēhuale s’exécuta tout en frottant ses poignets endoloris : mais que mijotait la chef du mouvement « extrême haut » ? Celle-ci ferma la porte et se dirigea vers une petite tablette de côté où trônait une théière fumante. Elle s’installa dans l’une des deux chaises, invitant son hôte à prendre la seconde.
La modeste pièce était vide de tout autre mobilier excepté... excepté une longue table inclinée avec des sangles ouvertes trainant négligemment dessus. Alors qu’elle servait le breuvage, Loxa intercepta le regard de sa collègue :
Ne vous inquiétez pas, ce n’est pas pour vous. Nous sommes juste ici pour bavarder tranquillement. Un peu de lait de Zlabot dans votre tasse ?
Non merci, je ne suis pas certaine de pouvoir l’avaler. Qu’est-ce que c’est que tout cela Loxa, où sommes-nous ? Qui sont ces prisonniers que l’on interroge et... vous les torturez, n’est-ce pas ?
Moi ? Absolument pas, répondit la parlementaire en déposant la tasse de Ci’chi face à elle. Vous confondez mes responsabilités au Comité de salut public et les actes individuels de quelques militaires trop zélés. Nous sommes ici pour discuter, vous disais-je, et...
Donc vous ne cautionnez pas ces actes, la coupa-t-elle. Vous allez y mettre un arrêt immédiatement !
Pas question.
Les deux Nalcoēhuales se mesurèrent du regard, on pouvait même sentir quelque chose d’électrique entre elles, comme si leurs pouvoirs psychiques se jaugeaient en vue d’un affrontement direct.
Ce fut la parlementaire aux pansements qui brisa la tension sous une grimace :
Ouch... ma migraine revient. C’est un souvenir de votre cher Empereur-Dieu lorsqu’il a attenté à ma vie, voyez-vous ? Elle laissa s’écouler quelques secondes, puis reprit : venons-en au cœur du sujet, ce procès n’a aucun sens et nous le savons toutes deux. Je vous propose donc d’y mettre un terme, pour que nous passions à autre chose.
Il a été annoncé en séance plénière, alors que les CyberNals de l’amiral Huate prenaient possession du parlement. Je ne vois pas quel arrangement je pourrais espérer.
Tenez, regardez cela... lui répondit simplement Loxa, une tasse de thé aux lèvres, tandis qu’elle lui tendait plusieurs cartouches de données.
Ci’chi s’en saisit, dubitative, et plaça la première sur le coin de table marqué d’un cercle. Immédiatement, la lumière de la pièce baissa et l’impression holographique d’un palmier se dessina au-dessus des deux parlementaires.
La vieille Nalcoēhuale reconnut la représentation avec surprise :
C’est un... un arbre ? J’ignorais que l’on pouvait en trouver ailleurs que dans la pépinière des Huitlalcohs, en tout cas pas des vrais.
Lors de l’attentat contre ma personne, ce magnifique spécimen a été détruit par les flammes de l’explosion. Il avait pourtant plusieurs centaines de cycles et provenait d’un petit plant congelé que mon père avait reçu de mon grand-père. Cela remontait jusqu’à Veora...
Ci’chi, sous le charme des grandes feuilles vertes, ne put s’empêcher de s’intéresser à cette rareté. Le nombre d’arbres dans le Cercle-de-Khabit se comptait sur les six doigts d’une main.
Cette plante venait de Veora ? Vous l’avez fait pousser ici, sur Ti’ltchiti ?
Pas moi, mon père, expliqua-t-elle une touche nostalgique dans la voix.
C’est que ce plant avait une histoire. Notre lointain ancêtre avait été acheté comme esclave par un humain en échange de ce même plant. Lorsque les combats se rapprochèrent de la propriété, il tua son « maitre » et retrouva celui qui l’avait vendu, ainsi que le plant encore congelé.
Bref, c’est un symbole de liberté et de résistance contre « l’humanité » que l’Empereur-Dieu a anéanti.
Je vois. C’est effectivement une perte regrettable... passons à la suite.
À contrecœur, Ci’chi échangea la première cartouche avec la seconde et ce fut un document de plusieurs pages qui s’afficha entre les deux députés. Alors qu’elle parcourait les premières lignes, la vieille Nalcoēhuale se rembrunit, puis sentit monter en elle une colère froide au fur et à mesure de sa lecture. Le masque de Loxa tombait et le sens de ce rendez-vous apparaissait enfin.
Les dents serrées, elle cracha plus que ne parla :
Il est abject de votre part de me proposer la liberté en échange de la signature de... de ce déchet !
Allons, il ne s’agit que de quelques paragraphes où vous avalisez les accusations portées contre vous. Mais, comme dit le proverbe, « faute reconnue entraine la clémence ». Vous n’aurez qu’à parafer les pages et retenir les principaux arguments qu’il faudra réciter lors du procès.
Une fois cela fait et compte tenu de votre âge et de votre fonction, votre peine sera commuée en une sorte de disgrâce sans conséquence.
La parlementaire Ci’chi quitta la table et se dirigea vers la porte.
Je n’ai rien fait de ce qu’il y a d’écrit sur ce torchon ! Aucune collusion avec l’ennemi, aucune corruption ni trahison de secrets ! Vous nuisez au peuple nalcoēhual par vos actes et je suis déjà certaine que cela nous coutera très cher à tous !
Attendez, souffla Loxa en la retenant par la manche. Savez-vous que j’ai dû jouer de mon influence sur Huate et le conseil pour obtenir cette possibilité ? N’avez-vous donc pas reconnu les prisonniers torturés dans cette aile du centre pénitentiaire ?
Ci’chi fut soudain prise d’un doute. Elle laissa son esprit vagabonder dans les geôles proches et ce qu’elle découvrit l’horrifia. Mais comment avait-elle pu rater cela ? Loxa enchaina :
« Vous les reconnaissez, n’est-ce pas ? La parlementaire Ho’lioa, les assistants Vagh’iot et Et’izot et même plusieurs membres de la caste des Huitlalcohs. »
Elle saisit les cartouches pour les tendre à nouveau à la vieille Nalcoēhuale, ce qui eut pour effet de remettre la lumière et faire disparaitre la projection.
C’est une faveur, Ci’chi. Si vous reconnaissez vos fautes, nous pourrons limiter la répression à la portion congrue et nous concentrer sur la défaite de nos ennemis !
Comment cela, quelle répression ? rugit l’autre en arrachant sa manche à la prise de sa vis-à-vis.
La parlementaire Loxa se rembrunit, visiblement insatisfaite d’être entrainée sur ce terrain. Elle répondit pourtant à la question :
« Vous croyez que nous ignorons qu’un nettoyage serait préférable pour purger l’administration et les forces de sécurité de tous les éléments subversifs acquis à votre cause ? »
Ci’chi se saisit des cartouches et les jeta négligemment dans la théière. Le plouf résonnait encore dans la pièce vide qu’elle ouvrait déjà la porte, non sans glisser à l’intention de Loxa :
« Vous n’avez jamais eu l’intention de me libérer et vous n’aurez aucune preuve de ma part pour cautionner votre délire paranoïaque. Je préfère la mort à la déchéance, c’est quelque chose que vous apprendrez certainement un jour également.
Gardes ! Conduisez-moi à mon tribunal, une condamnation est en souffrance... la mienne. »
La porte se referma automatiquement sur Loxa, la laissant seule avec une longue table inclinée aux sangles ouvertes trainant négligemment.
SOUTENEZ REDUNIVERSE ! - Prod: podshows, Réa: Raoulito, Relecture: JMJ, iGerard, Acteurs : Bohort: narration, Fallen Swallow (Ci'chi), Eloanne (Loxa) Derush/montage: Gvillaume/Ackim, Musiques: VG, Ian, Cleptoporte
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