Red Universe Tome 1 Chapitre 28 Épisode 02 : « Attaches »

Elle est magnifique cette petite planète, commenta simplement le politicien Vernek Junta, commandant de Transporteur 4. Ceci étant dit, je ne suis pas un spécialiste en exoplanète, mes compétences se situent ailleurs.
J’en ai vu beaucoup des astres et des astéroïdes, lui rétorqua Choupa, la jeune chef pirate, pensive. Avec ou sans atmosphère, peuplées de colons ou simplement oubliées des hommes, elles sont toutes semblables et différentes... celle-ci est connue comme difficilement supportable. Si l’on peut respirer son air, c’est bien tout ce qu’elle a pour elle.
Le long d’un court corridor agrémenté d’un large hublot, juste derrière le centre de commandement du transporteur, Vernek et Choupa admiraient la lente rotation d’Antares IV à la lumière de sa naine rouge. Le politicien se devait d’être présent à la barre, mais il n’avait pu résister à l’envie de partager ce moment avec sa jeune prisonnière. Pas de grande taille, présentant un visage fin et un abdomen déjà trop assoupli, il était le seul des chefs de l’Exode à ne pas être militaire. C’était une victoire civile qui, pour les connaisseurs, ne devait rien au hasard. Personne n’ignorait, en effet, les connexions et les intrigues de cet homme, au point qu’il ait réussi l’exploit de mettre en avant sa propre sœur Maeve Onawane sur le pont de Transporteur 2.
L’absence d’uniforme lui permettait au moins d’amadouer ses interlocuteurs, Junta se destinait donc aux rencontres diplomatiques et autres négociations de l’Exode que ce soit avec des empires ou des corporations — dont son transporteur regorgeait. Mais son objectif était ailleurs : comme tout ambitieux, il n’envisageait absolument pas de rester un simple observateur sur Antares IV. La création, en amont du voyage, de la chaine ExOne-Média, ainsi que son alliance, aux liens relâchés, avec le Général Décembre représentait quelques briques qu’il comptait bien mettre à contribution pour la suite.
Il plongea son regard de quarantenaire dans celui de la jeune femme. En son fond intérieur, il affrontait un inexplicable sentiment de grossièreté ou de bestialité de son être face à la grâce féline de la pirate. Pourtant, lui avait toujours jonglé avec les règles, en habile architecte de sa destinée, tandis que Choupa évoquait de l'autre côté de la légalité ce même talent. À la tête d’une famille de combattants bien connus dans cet univers, elle était physiquement dangereuse et la fraicheur de sa belle jeunesse ne devait pas cacher son caractère impitoyable. Un nez encadré d’une fine mâchoire carrée et de grands yeux marron complétait un aspect juvénile que ses taches de rousseur ne démentaient pas. Ses cheveux bruns et courts pivotèrent, positionnant les deux visages face à face.
Contre toute attente, elle s’intégrait petit à petit à l’équipage. On l’attendait maintenant avec impatience aux séances d’entrainement des hommes de troupe, par exemple, ayant réussi à s’y imposer comme un quasi-maitre d’armes (et elle leur enseignait parfois des techniques nouvelles !). Ses conditions d’emprisonnement avaient évolué en parallèle, désormais en cabine plutôt qu’en geôles et suivie en permanence par deux gardes plus destinés à la protéger elle qu’à l’empêcher de se déplacer.
Même si Transporteur 4 n’avait pas eu à subir les grandes et meurtrières batailles contre les pirates, le brassage des populations avait propagé la rumeur — malheureusement exacte — de leur barbarie. Une donnée que Junta ne pouvait ignorer. Il n’aimait d’ailleurs guère que ses propres réactions soient altérées par de quelconques sentiments amicaux, spécialement envers un détenu. Pourtant, du haut de sa vingtaine d’années, Choupa l’impressionnait sur tous les points. Si son histoire, qu’ils avaient eu le temps de partager, ne semblait faite que de féroces combats de haute volée et de rapports de forces brutaux, elle savait lui offrir de trop rares conversations aussi fines qu’intelligentes.
Il lui adressa un sourire presque timide, puis se replongea dans le spectacle d’Antares :
Il faudrait que j’aille regarder les résultats transmis par l’équipe d’Arlington. Mais, de ce qu’on en avait lu avant le départ de l’Exode, le printemps ici correspond aux pires hivers sur MaterOne.
Malgré cela, ne jamais vivre dans la peur d’une fuite d’oxygène ou s’isoler du froid et non du vide, ce n’est pas négligeable. J’ai du mal à comprendre que si peu de monde se soit établi sur cette planète.
On ne s’installe pas quelque part pour y passer des vacances, Vernek, répondit-elle, le regard toujours braqué sur lui. Les grands empires sont loin, la croute rocheuse ne regorge d’aucun matériau rare, ni même de végétation et personne ne la protège réellement. Voyez, nous allons débarquer sans coup férir. Ce ne sont que quelques comptoirs avec des familles sans défense.
L’explication surprit Junta au premier abord, mais, à bien y réfléchir, il omettait une brique essentielle à ce côté de la Passe de Magellone. Ici, dans cette partie de l’espace, l’humanité n’était pas structurée et la densité de population plutôt faible. Les Nalcoēhuals tuaient impitoyablement ceux n’ayant pas intelligemment prêté allégeance à Ragnvald, en échange de son abri et de sa religion. Même les redoutables pirates, plaie universelle des voyageurs et des colons, ne vivaient pas une existence paradisiaque, loin de là. On mourrait vite et souvent brutalement, alors quel avenir attendre pour quelques cultivateurs de fermes hydroponiques n’ayant qu’un fusil et un chauffage pour protéger leur famille ?
Oui, je comprends l’idée, murmura-t-il simplement. Il se tourna à nouveau vers elle : finalement, nous pourrions être accueillis avec plus de bienveillance que nous ne l’avions imaginé au préalable. Je me trompe ?
Vous connaissez les gens, Vernek, lui répondit-elle dans un haussement d’épaules. Ils sont imprévisibles. Peut-être que certains pleureront d’être mis en lumière alors qu’ils pensaient vivre bien cachés. C’est stupide, mais c’est humain. Vous n’êtes pas comme cela, c’est une de vos qualités.
Elle posa délicatement sa main sur son torse, la laissant glisser quelques secondes jusqu’au sternum, comme absorbée par l’étude de son propre mouvement, puis soupira en la retirant soudain.
Il est l’heure d’y aller, Vernek. J’ai un entrainement bientôt avec une unité de commando et vous avez... elle engloba ce que l’on voyait d’Antares par le large hublot, de quoi vous occuper !
Oui, reconnut-il, le devoir nous appelle tous deux. Je... je pense que nous allons donc partir d’ici. Bonne journée ?
Bonne... dites-moi Vernek, je vous ai déjà parlé de ce jeu de cartes apprécié chez les pirates ? J’ai découvert qu’il plaisait énormément à bord, au point que je reçois des visites de la Cité intérieure pour donner des conseils. Voulez-vous que... je vous... l’enseigne ?
D’abord surpris par la proposition, le politicien ne sut quoi répondre, sinon un simple :
O... oui ? Ce soir, chez moi ?
Chez vous ? La cabine du commandant ? C’est original, j’y serais avec plaisir ! Alors, à ce soir, Vernek !
Et Vernek Junta suivit du regard la jolie silhouette s’éloigner de lui, toute guillerette, pour rejoindre ses deux anges gardiens qui attendaient discrètement dans un coin du corridor. Il avait des choses à faire, mais avait complètement oublié de quoi il s’agissait.


SOUTENEZ REDUNIVERSE ! Prod: podshows, Réa: Raoulito, Relecture: iGerard,TheDelta,Pia,Coles - Acteurs : Coupie: narration, Arthur: Junta, Istria: Choupa , Derush/montage:iGerard, Numa, Musiques: VG, Ian, Cleptoporte, Pia

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