PUISSANCES DU CINÉMA DOCUMENTAIRE
2 films cette semaine :
JEUNESSE & LA FERME DES BERTRAND
Parmi les nombreux films qui sortent en salles chaque semaine, le cinéma documentaire se taille une part croissante. L'extrême diversité des formes qu'il emprunte, la réjouissante variété des sujets et des situations qu'il explore, souligne plus que jamais l'heureuse ambivalence et la richesse de cette notion : documentaire.

Qu'est-ce qu'un film documentaire ? Tout d'abord, c'est un film. Et c'est bel et bien du cinéma (autant qu'un film de fiction). Le champ de recherches qu'il recouvre, que celles ci soient esthétiques, historiques, anthropologiques ou philosophiques, paraît infini. Et c'est heureux.

C'est dire combien le programme 91 qui entre en vigueur cette semaine fait notre bonheur (comme il fera le vôtre, nous l'espérons). Pas moins de neuf films documentaires y figurent, six d'entre eux faisant l'objet d'une séance spéciale : Vivre avec les loups, Le Voyage perpétuel, 11 images de l'Homme, They shot the piano player, Une sale histoire, Une jeune fille de 90 ans et Pour ton mariage. Et, dès cette semaine : JEUNESSE de Wang Bing, et LA FERME DES BERTRAND de Gilles Perret.

WANG BING est l'un des grands cinéastes contemporains, qui a entrepris dès son premier film - un chef-d'œuvre : À l'ouest des rails en 2003 - de faire l'histoire de la Chine contemporaine et le portrait de son peuple.

" Grâce à son courage et à sa ténacité, il partage avec le monde entier des points de vue, non pas sur le peuple chinois, mais sur les peuples chinois, rendant compte d'une diversité sociale et géoculturelle que l'unité forcée par l'idéologie et la volonté autocratique tentent d'effacer. (...)

Le cinéma de Wang Bing part de ce constat : l'impossibilité de figurer un peuple, et celui de Chine a fortiori, dont la diversité des langues, des ethnies et des statuts est à la mesure de l'étendue du territoire. Pourtant l'écriture documentaire de Wang Bing naît bien d'un double geste de géographe et d'anthropologue. Il choisit de disperser ses postes d'observation, de multiplier au sens littéral les points de vue, du nord au sud, d'est en ouest. Film après film, son œuvre monumentale accentue les distances, creuse les béances sociales, souligne les disparités ethniques. Wang Bing n'en façonne pas moins, par la durée hors-norme de ses films et la multiplicité des récits, un peuple entier, un peuple en cinéma. "
Dominique Païni, pour la Cinémathèque française

Tout aussi prolifique, quoique dans une registre fort différent, GILLES PERRET fait retour avec LA FERME DES BERTRAND sur son tout premier film - Trois frères pour une vie, en 1997 - dans lequel il filmait ses voisins agriculteurs dans le petit village de Quincy en Haute-Savoie (et il nous plaît de citer ici ce hameau qui était également celui de l'écrivain John Berger).

50 ans dans la vie d’une ferme… Haute Savoie, 1972 : la ferme des Bertrand, exploitation laitière d’une centaine de bêtes tenue par trois frères célibataires, est filmée pour la première fois. En voisin, le réalisateur Gilles Perret leur consacre en 1997 son premier film, alors que les trois agriculteurs sont en train de transmettre la ferme à leur neveu Patrick et sa femme Hélène. Aujourd’hui, 25 ans plus tard, le réalisateur-voisin reprend la caméra pour accompagner Hélène qui, à son tour, va passer la main. A travers la parole et les gestes des personnes qui se sont succédé, le film dévoile des parcours de vie bouleversants où travail et transmission occupent une place centrale : une histoire à la fois intime, sociale et économique de notre monde paysan.

D'une ferme de Haute-Savoie aux ateliers textiles de Zhili, dans le nord-est de la Chine : le monde est vaste et la caméra en explore l'espace et le temps. Les films documentaires de la semaine (et tous ceux de ce nouveau programme) nous en donnent un aperçu. Il est fascinant.
Bonne semaine à toutes et à tous.

Fabien David, réalisation Pierre Bayard. Merci à Radio Zinzine.