Suivant le Conte du Graal de Chrétien de Troyes (RQRF 7), il est courant de voir des romans centrés sur Gauvain, partageant la vedette avec un autre chevalier — typiquement dans Méraugis de Portlesguez, La Vengeance Raguidel (RQRF 26) ou Gliglois (RQRF 30). En miroir du nouveau venu, qui doit apprendre les codes de la chevalerie et faire ses preuves, Gauvain, le chevalier accompli, est souvent mis dans des situations dont il est impossible de se tirer courtoisement, ou encore accablé par sa réputation, bonne ou mauvaise.

Le Chevalier aux Deux Épées suit ce schéma classique, mais s'ouvre sur une étrange scène : en allant y chercher des fers à bestiaux (destinés au Roi Arthur) la jeune dame Lore de Caradigan assiste à l'enterrement du chevalier Bléhéris dans une chapelle enchantée. Cela lui permet de récupérer son château à Ris d'Outre-Tombe, mais elle a aussi ceint l'épée du chevalier et seul un chevalier aussi preux que lui pourra la lui enlever. A la cour d'Arthur arrive un ancien écuyer de Gauvain qui souhaite être adoubé, mais qui ignore son propre nom - il s'appelle en réalité Mériadeuc, et est le fils de Bléhéris. Quand il arrive à retirer l'épée de Lore, Keu le surnomme alors logiquement le Chevalier aux Deux Épées. Mais ce que tous ignorent, c'est que Gauvain est impliqué dans la mort de Bléhéris...


Dans Hunbaut, par contre, le schéma est renversé. Gauvain doit s'aventurer sur une île qui n'est pas soumise à l'autorité d'Arthur, mais alors que Hunbaut, qui l'accompagne, en connait les usages, Gauvain commet impair sur impair et outrage le seigneur de l’île. À son retour, Gauvain devra secourir sa soeur, enlevée peu après leur départ, et rencontrer une demoiselle tellement amoureuse de lui qu'elle a fait scultpter une statue à son effigie dans sa chambre…


Deux romans presque opposés mais qui, malgré leurs diverses aventures et perspectives morales de leurs auteurs, contribuent tous les deux à construire et remixer le caractère des personnages qu’ils partagent: ici, Gauvain, le “bon chevalier”, dont on en vient à se demander s’il est si bon que ça...