Il ne cliqua pas sur envoyer. Daniel n’arrivait pas à se décider à annoncer à Luigi la mauvaise nouvelle. Le résultat de la mesure était si absurde, il voulait encore chercher. Ils ne faisaient que ça depuis plus d’un mois.
La première mesure de la vitesse de neutrinos sur une longue distance venait d'être effectuée et son résultat était aberrant. Ils avaient été détectés avec soixante nanosecondes d'avance sur ce qu'on pouvait logiquement attendre. Il devait y avoir un problème dans le processus de la manip. Il faut dire que cette mesure de vitesse relevait de l'usine à gaz. La collaboration scientifique SYMPHONIE qui étudiait les oscillations de ces particules élémentaires qu'on appelait des neutrinos, avait décidé, à la courte majorité de ces membres, d'ajouter une mesure de vitesse à ses actions expérimentales, même si cette donnée en soi n'apportait rien pour la problématique de l'oscillométrie des neutrinos.
Cela faisait cinq ans que Luigi Scuola était devenu le porte-parole puis le directeur scientifique de la collaboration internationale qui regroupait plusieurs dizaines de physiciens et physiciennes de neuf pays européens. Il avait besoin de publier un résultat sur cette mesure de vitesse avant que l'expérience américaine concurrente ne le fasse. Question de prestige. (...)