Il y a des gens qui écrivent des chansons comme on écrit des lettres de motivation.
Pas par envie. Par besoin.
Besoin d’exister, besoin d’être lu, besoin qu’on réponde — même pour dire non.

Rémi Lesieur fait partie de cette étrange catégorie d’acharnés qui envoient, semaine après semaine, leur petite chanson météo à Saravadio.
Toujours dans les temps. Toujours avec soin.
Il n’a jamais été diffusé.
Mais il continue.

Il a tout essayé : les couplets en vers libres, les refrains avec rimes riches, les ponts dramatiques, les envolées lyriques , les fausses joies de l’indie rock, les vrais chagrins du blues.
Il a chanté les nuages. Il a chanté le vent.
Il a même tenté de personnifier un anticyclone en personnage secondaire.
Mais non. Pas cette fois. Jamais cette fois.

Il s’est mis dans tous les costumes. Le type mélancolique. L’écolo vénère. L’amoureux transi. Le météorologue halluciné.
Il a changé de voix. De ton. De style. De nom, peut-être.
Il a fait des refrains en anglais, des intros en espagnol.
Il a imité Belin, Vianney, Stromae, Bertrand Burgalat, même Calogéro…
Et puis il est revenu à lui.
À Rémi Lesieur, avec sa voix un peu cassée, un peu traînante, qui ne plaît pas aux algorithmes, mais qui colle parfaitement à ses chaussettes dépareillées.

Il continue d’envoyer ses chansons.
Comme on jette une bouteille dans l’océan, sauf que là, l’océan, c’est une boîte mail gérée par un stagiaire non rémunéré.
Ou pire : un formulaire Google.

Il n’attend plus rien. Enfin, c’est ce qu’il dit.
Mais chaque jeudi matin, il actualise la page.
Chaque jeudi matin, il espère voir son nom apparaître dans la programmation de Saravadio.
Et chaque jeudi matin, il se dit que peut-être, ce n’est pas une question de talent.
Mais de prénom.
Parce qu’il a comme l’impression que s’il s’appelait Mouloud, ben il aurait encore moins de chance. 

Et malgré tout… il chante encore.
Parce que parfois, c’est pas la reconnaissance qui te sauve.
C’est juste le fait de gueuler dans le vide.

Voici sa chanson météo du jour.
Encore une. Encore refusée, probablement.
Mais ce matin, Rémi Lesieur l’a chantée comme si c’était la dernière.
Et ça, c’est déjà quelque chose.

Au total , Il aura envoyé une vingtaine  de chansons. Jamais retenu.

Toujours recalé, toujours recommencé.

Jusqu’à ce qu’aujourd’hui , il semblerait que ce soit la bonne.”

Comme quoi , il ne faut jamais désespérer 

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