La naïveté est une notion ambiguë. Elle n’est plus franchement valorisée, elle passe davantage pour un défaut, une insulte. Peut-être parce que l’ingénuité de Candide nous a habitués à confondre naïveté et bêtise depuis quelques centaines d’années. Peut-être parce que l’ironie est reine désormais, et que la naïveté s’y marie mal. Qui veut être le type qui dit que tout va bien dans «le meilleur des mondes possibles»?

Avant Voltaire, pourtant, la naïveté était perçue comme une forme de sincérité, d’innocence. Dans les Évangiles par exemple, ou dans les Essais de Montaigne. Et si l’on essaie de se souvenir de cette perception-là, on s’interroge: n’est-elle pas encore la seule qualité qui permette une confiance totale et donc une rencontre réelle?

Si vous ne faites pas preuve d’un tout petit peu de naïveté dans votre quotidien, dans vos relations, dans vos voyages, pouvez-vous vraiment sortir de vous-même? Et la naïveté n’est pas seulement le nom que l’on donne à un acte de confiance une fois qu’il a été bafoué, une fois qu’on a eu tort? «La naïveté n’est-elle que le jugement porté a posteriori sur une confiance qui se révèle mal placée, auquel cas elle serait un risque inévitable sur le plan existentiel?», suggère la chercheuse en littérature Isabelle de Vendeuvre.

C'est en tous cas un risque que décide de prendre Tucker quand il voyage: faire confiance. Même si à la faveur de quelques mésaventures, il se rend compte de sa difficulté à cerner les autres. Des risques qu'il y a à placer la confiance en l'autre avant tout. 

Cet épisode est signé Élodie Font.