Cenovis transpirait un peu. Le moment tant attendu s'approchait. Elle voyait les autres nominés sur les rangées devant elle. Aucune panique apparente: Confiture se tenait bien droit dans son pot, l'air tranquille d'un dimanche matin, Beurre arc-bouté sur son glaçon semblait trop préoccupé par sa survie pour s'inquiéter et Nutella, ce sale prétentieux, jouait comme à l'accoutumée avec son capuchon pour exciter ses voisines. Cette cérémonie n'était pour eux qu'une formalité. Cenovis à contrario s'était battue pour être là: "Mademoiselle, vous n'êtes même pas sucrée, comment voulez-vous que l'on vous intègre dans la catégorie déjeuner", "Voyons, mais vous êtes brunes sans être au chocolat, c'est de la désinformation", "De la levure de bière vous dites? Sortez-moi cette folle de là". Des années de combat à prendre des photos de Suisses au petit matin et de missives enflammées au Comité International de la Tartine avaient pourtant fini par lui donner raison. Cette remise de prix représentait plus que sa petite personne, c'était la possibilité d'une victoire du salé sur le joug du sucré.

L'incident se produit lorsque le jury annonça son nom. Cenovis en explosa son bouchon de bonheur. Si la majorité du public fut ravi de goûter à la pâte divine on ne peut en dire autant de Nutella qui capuchon ouvert oblige fut gâtée à jamais. Mais qui se souvient encore de ce produit décadent ayant précédé le règne de la succulente Cenovis?