En 1938, deux ans avant sa mort, Klee travaille de manière intensive à partir de l’écriture, des caractères et, plus généralement, d’éléments visuels évoquant des signes. Il crée plusieurs œuvres intitulées « Alphabet », dans lesquelles une multitude de lettres semble répartie sur la surface de manière arbitraire. Klee peint même l’un de ces alphabets sur du papier journal.Pour « Début d’un poème », l’artiste disperse les lettres dans l’espace de la feuille. Elles sont un peu plus concentrées dans le bas de l’image, moins denses dans le haut. On voit surtout des consonnes. L’artiste a marqué d’un nombre cinq mots bordant cette forêt de lettres. Quand on les lit en respectant l’ordre des chiffres, une phrase ressort : « Alors que cela soit en secret ». Conformément au titre de l’œuvre « Début d'un poème », Klee semble retracer sous nos yeux la genèse d’un poème. La suite de ce texte poétique est dissimulée dans la forêt de lettres : elle est ouverte et doit encore prendre forme. La phrase : « Alors que cela soit en secret » est extraite d’un choral de Jean-Sébastien Bach « Si tu veux me donner ton cœur ». En voici la première strophe : Si tu veux me donner ton cœur,Alors que cela soit en secret,Pour que nos deux penséesPersonne ne puisse les deviner.L'amour doit pour nous deuxToujours être discret,C'est pourquoi cache les plus grandes joiesÀ l'intérieur de ton cœur.Entre les mots numérotés et à côté d’eux émergent différentes formes, comme si l’artiste ne voulait pas seulement rendre visible l’acte d’écrire un poème, mais qu’il voulait aussi bien créer une image – représenter un paysage à ses débuts, par exemple. Une fois de plus, Klee relie l’acte créateur de l’artiste aux processus de croissance et de transformation propres à la nature. Dans son texte de 1920, « Credo du créateur », il déclare : « La genèse de l’Écriture nous offre une bonne illustration du thème du mouvement. L’œuvre d’art également est en premier lieu genèse ; elle n’est jamais vécue comme simple produit. » Et dans les notes de ses cours au Bauhaus, il précise : « L’écriture et l’image, ou plutôt écrire et dessiner sont identiques en leur fond. » L’œuvre que nous voyons se trouve ainsi enrichie d’une autre dimension : Klee montre d’une part comment naît un poème qui semble, en outre, croître comme une plante. Et en même temps, tandis que naît ce poème, une image prend également forme. Écrire et donner forme, image et écriture sont devenus une seule et même chose.
Publié le par Zentrum Paul Klee
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