Muhammad Ali prenait la lumière comme personne. Il était grand, magnifique, gracieux, et travaillait dans un cube éblouissant – l’expression est de Nabokov – dessiné par des projecteurs et dont l’image était diffusée sur une infinité d’écrans. Il attirait comme autant de phalènes les regards de ceux qui brûlaient de le voir perdre ou triompher. Fans, détracteurs, partenaires, concurrents, camarades, adversaires, proches, épouses, maîtresses, spécialistes, journalistes, politiciens, bienfaiteurs, exploiteurs, une époque entière s’est exprimée sur Ali ; chacun était convaincu d’avoir saisi l’essence du personnage, projetait sur lui ses propres fantasmes, et tout le monde se contredisait. Lui-même s’est tant exprimé que sa parole, avant de s’éteindre, s’était largement dépréciée, enfin pour peu qu’on y cherchât un sens profond. Paradoxe sur pieds, le personnage est aussi difficile à cerner pour ses biographes qu’il était une cible élusive pour ses confrères au temps de sa splendeur : ce sentiment prévalait une fois refermé Ali : une vie, signé par Jonathan Eig, et il est d’autant plus marquant à la lecture d’Alias Ali...