Sandor Novick voit des fous partout, et ils le lui rendent bien. Il les attire.

L’aimbable quinquagénaire ne peut se promener dans Lyon sans que plusieurs de ceux qu’il nomme « les corps errants » viennent lui faire un brin de causette déjantée. Dédé commente la météo, Laetitia partage ses visions délirantes, les inséparables nagent dans le couloir d’à côté en se tenant à la même planche, le harki déblatère sur la politique posté sur un pont, la marcheuse rumine des idées noires, la dame en rose… s’habille en rose. Pour chacun, Sandor fait une victime bien consentante : son docteur lui a diagnostiqué un excès d’empathie, pour lequel un arrêt de travail lui est carrément prescrit. Comme on le devine aux échanges avec Mathias, son jovial Directeur des Ressources Humaines, il est cadre dans une grande entreprise empreinte d’une novlangue et de principes managériaux bien de leur temps. À force d’aider son prochain à porter sa croix psychique, la mélancolie qui envahit Sandor s’avère peu compatible avec un tel monde de positivité forcée.