Lorsqu’il écrivit Le chien mouillé en 1998, Christophe Miossec ne s’imaginait pas solliciter notre mémoire olfactive d’une manière agréable. Il s’agissait de qualifier l’épais et trouble jus clapotant dans le crâne de celui qui décide de rompre une relation amoureuse sans bien savoir dire pourquoi, en s’enfuyant comme un voleur au beau milieu de la nuit. Miossec sait écrire, c’est même ce qui le distingue de l’essentiel des artistes de variétés contemporains et lui permet, plus tard dans la chanson, de caser « mon slip Eminence » sans rien ôter à la mélancolie qu’elle suscite chez l’auditeur. En somme, on comprend dans l’instant combien ces relents de clébard dégouttant disent tout d’un type plus ou moins fier de sa propre psyché, engagé dans une idylle mort-née. Vingt-cinq ans plus tard, Cédric Sapin-Defour use de l’exacte même évocation pour rendre compte cette fois de la nostalgie d’un amour qui en aura complètement valu la peine, celui qu’il voua à un bouvier bernois nommé Ubac. La relation l’aura fait grandir quand celle de Miossec le renvoya à ses abîmes intimes. L’odeur du chien mouillé dit tout et son contraire avec une profonde justesse. Beauté de la langue française, que Sapin-Defour travaille lui aussi avec un talent certain, ce qui le démarque tout autant parmi ses pairs.