La scène se passe à Roche-Les-Eaux, joyau thermal du désert français du milieu-mais-un-peu-à-gauche-sur-la-carte. Jeanne Moreau - rien à voir avec l'actrice - traverse le centre-ville pittoresque pour attraper le journal chez un marchand qu’on décrochera quelques minutes plus tard au couteau à pain du lustre auquel il s'est pendu. Désespérance provinciale ordinaire. Franck Wagner, contemporain de Jeanne et vieux routier des pages Justice d'une presse quotidienne régionale qui le « payait pour violer le secret de l’instruction », aujourd'hui à la retraite, a garé son camping car dans les environs. ll la détronche par hasard au comice agricole septennal que le monde entier envie à Roche-Les-Eaux ; soucieuse de son anonymat, l'intéressée s’en aperçoit et lui joue un fameux tour de cochon.
Le fait-diversier a du temps à perdre et la rancune tenace : il se rencarde sur cette condamnée confirmée en appel pour avoir truffé de plomb son mari Jean-Yves, embastillée puis graciée sous la pression d’un intense battage médiatique aux accents néoféministes avant sa canonisation par apposition de téléfilm sur TF1. Toute ressemblance avec la médiatisation récente d'une Calamity Jane septuagénaire de la même eau (sauvage, vous l'avez ?) n'est pas fortuite du tout. Or un ou deux éléments du dossier titillent le déconomètre de notre limier. C'est décidé, Wagner creusera l'affaire et publiera son enquête dans l'un de ces mooks épais et bien dans leur temps dirigé par une ancienne stagiaire à lui. « Pas pour l’argent, juste pour le plaisir de se sentir utile à quelque chose », ou plus sûrement parce que depuis son veuvage « il erre comme un manouche orphelin ».