Mission encre noire Tome 33 Chapitre 373. Les ombres filantes de Christian Guay-Poliquin paru en 2021 aux éditions La Peuplade. Je vous souhaite mes meilleurs vœux pour cette nouvelle année 2022. Et pour entamer nos cycles de rencontres d’écrivaines et d’écrivains d’ici et d’ailleurs, commençons par une panne d’électricité géante, celle qui paralyse le pays depuis les trois premiers romans de Christian Guay-Poliquin. Le protagoniste de ce troisième volet avance seul, sac au dos, blessé à un genou, à travers une forêt hostile en direction du camp de chasse où sa famille à trouver refuge. Il se sait menacé. L’homme va faire la rencontre d’Olio, un orphelin d’une douzaine d’année, auquel il va finir par s’attacher comme à un fils. Loin du monde, ils vont unir leur force pour déjouer les obstacles qui ne manqueront pas de surgir. Fort du succès populaire et critique du Fil du kilomètre paru en 2014 et de celui aussi prestigieux du Poids de la neige paru en 2016 aux éditions La Peuplade, un roman couronné par les Prix du Gouverneur Général, le Prix littéraire des collégiens et traduit dans une dizaine de langues, Les ombres filantes annonce une fortune tout aussi équivalente. Je vous propose de remonter les temps anciens et de tomber sous le règne de la forêt, ce soir, à Mission encre noire en compagnie de Christian Guay-Poliquin.
Extrait:« Je regarde mes mains noircies par l'huile. Elles me rappellent une vie passée, enfouie, comme le pétrole sous la terre et le temps des dinosaures. Avec la panne, je pensais que mon métier allait s'éteindre en même temps que la lumière des raffineries et des stations-services. Rien de tel finalement. Le vieux monde est tenace et, partout où j'irai, j'ai bien peur qu'il y ait toujours des moteurs à réparer. Je me ressaisis et m'attarde à la génératrice. Même problème avec le carburateur. J'évalue les scies à chaîne, pareil. Je réfléchis. C'est probablement à cause de l'essence qui s'évente. Malgré tout le stabilisateur qu'ils ont mis dans les jerricans, c'est inévitable. Pour l'instant, ça peut encore aller, mais dans quelques mois, toutes ces belles réserves de carburant ne serviront plus à rien, sinon à étrangler les moteurs.»
Impromptu de Catherine Mavrikakis paru en 2022 aux éditions Héliotrope. Europe, je t'aime, moi non plus. Dans un court roman, Catherine Mavrikakis entreprend de décrire les liens affectifs qui nous rattachent au Vieux Continent et à sa «grande culture». Distillé d'une bonne dose d’humour et d'une pincée d’ironie, ce texte nous narre la rencontre surprenante entre une jeune étudiante spécialisée en littérature allemande et son professeur Mueller-Stahl, au détour d’un distributeur de billet de banque. Bien emprunté sur la manière d’utiliser le dit guichet automatique, le vieux professeur lui emprunte quelques billets. De façon assez étonnante, les tribulations nées de cette rencontre hasardeuse vont se révéler cruciales pour Caroline Akerman-Marchand . Catherine Mavrikakis en profite pour tourner en dérision ce quelque chose de la condescendance européenne qui perdure encore aujourd’hui, dans les rapports qui se tissent entre l’Europe et les autres continents, en particulier ici, au Québec. Cette satire, qui n’épargne ni les uns/unes ni les autres, permet également de se moquer de l’admiration béate des intellectuels québécois et nord américains. C'est un point de vue qui n’est pas sans rappeler le long soliloque rageur du troisième roman de l’autrice, Fleurs de crachat, dont les premières lignes vibraient de défi. Pour en savoir plus, je reçois Catherine Mavrikakis, ce soir, à Mission encre noire.
Extrait:« C'est donc avec un immense espoir, celui d'une vie meilleure, que je me rendis à son bureau, le lendemain de ma rencontre fortuite à la banque avec le professeur Mueller-Stahl. J'avais tant à lui dire et à lui demander...Mais il avait vraisemblablement oublié notre rendez-vous et mes 50 dollars. Je revins le vendredi et me présentai à nouveau le lundi. Ce jour-là, une secrétaire bien aimable et surtout très présente, malgré les remarques de Mueller-Stahl sur l'université et son personnel, me dit que le professeur ne reviendrait qu'en septembre, qu'il était parti en Europe faire de la recherche. Je ne revis mon professeur qu'à la rentrée. Il accepta de diriger mon mémoire à condition que je cite Schlegel. Je continuais de travailler mon allemand, nous conversions dans la langue de Goethe, et ici l'expression est bien littérale, puisque je m'adonnais au Hochdeutsch sorti tout droit des textes du XIXe siècle, du romantisme et du préromantisme. Néanmoins, je n'eus jamais le courage de demander à Karlheinz Mueller-Stahl mes 50 dollars. C'était une somme importante pour moi qui n'avais pas un sou. Mais comment demander au spécialiste de la littérature romantique de penser à ma situation financière? À mes 50 dollars, il ne songea bien sûr jamais.»