Mission encre noire Tome 29 Chapitre 345. L'oeil du maître de Dalie Giroux paru en 2020 aux éditions Mémoire d'encrier. Je vous souhaite une excellente année 2021 à tout.e.s. «Maître chez nous»: qu'est-ce que peut bien évoquer cette idée si populaire au Québec ? Que se cache-t-il derrière une expression énoncée pour la première fois en 1962 et passée dans le langage populaire depuis ? Dalie Giroux vous propose de fouiller les ruines de la structure coloniale, de raconter les rapports de pouvoir dissimulés en catimini par cette expression loin d'être anodine. Aujourd'hui, il se pose plus que jamais la question de savoir ce qu'est un maître et quelle est l'utilité de cette forme de pouvoir dans un monde qui s'essouffle ? Dalie Giroux nous offre ici la possibilité de cheminer autrement l'histoire du colonialisme et de la décolonisation au Québec. C'est par l'intermédiaire d'une pensée inclusive, antiraciste, féministe, abolitionniste, écologiste et autochtone que s'aligne ce remarquable essai. Je vous propose de mettre un doigt dans l'oeil du maître Champlain en compagnie de Dalie Giroux, ce soir, à Mission encre noire.
Extrait:« La question politique québéquoise pour le 21 ème siècle ne sera pas celle de trouver le chemin à emprunter pour enfin «véritablement» devenir maître chez soi, ce qui signifierait de compléter la colonisation européenne des Amériques en «notre» nom, mais de réfléchir et d'agir en fonction de l'objectif réel et impérieux d'abolir, en mode grande alliance, toutes les relations de servitude qui font la forme coloniale franco-britannique de dépossession dont nous héritons, de manière différenciée, qui que nous soyons. Comment, donc, vivre sans maître, collectivement, de manière soutenable, dans les territoires coloniaux franco-britanniques que nous avons en partage, nous, c'est-à-dire n'importe qui, n'importe quand, n'importe où?»
L'avenir de Catherine Leroux paru en 2020 aux éditions Alto. Fort Détroit, USA: abandonnées, brûlées, les demeures qui restent encore en place se découpent sur un horizon rendu chaotique par le règne d'une nature redevenue sauvage. Gloria s'attarde dans les vestiges éventrés d'un quartier à la recherche de ses petites filles disparues à la suite du décès soudain de leur mère. Pour l'aider dans sa quête, elle va se lier d'amitié avec une communauté francophone dont l'épicentre se situe dans une résidence victorienne majestueuse. C'est vers l'étrange parc de la Rouge, à une demi-heure de là, que les premiers indices vont la guider. Un drôle d'endroit qui a la mauvaise réputation d'être le royaume d'une horde d'enfants des rues qui règne dans les arbres. Pirates, fées et bêtes sauvages peuplent joyeusement ce monde brutal, qui n'est pas sans rappeler le monde imaginaire de Peter pan. Une électrisante aventure peut alors commencer, dans un monde où vibre une mystérieuse rivière souterraine, et où la rumeur se pare d'une mosaïque linguistique rafraîchissante. Nous nous penchons, ce soir, à la fenêtre de l'avenir, accompagnés de notre invitée, Catherine Leroux.
Extrait: « Il a plu sur le camp pendant la nuit, et ce matin le soleil tonne à travers la mouillure, le scintillement de l'eau accrochée aux branches est comme un carillon neuf. Depuis la crête, Jolie regarde, la tête bourrée des odeurs de la forêt humide, la boue, la terre et le bois qui filtrent le temps, la sève en plein élan et la rouille, un parfum ferreux qui mord ses os, qui grimpe aux noeuds de ses cheveux. C'est cette odeur qui l'a tirée de son sac de couchage et entraînée dehors si tôt, malgré la nuit passée à monter la garde. Vue de surplomb, la minutie du Ravin devient un paysage qu'on voudrait dessiner - le désordre du camp, la gloire des arbres, le fouillis des buissons, les colonnes de lumière qui pilonnent la terre. Comme toujours, Jolie voit à la fois large et petit, la grandeur du ciel et la précision des cailloux ; les trésors sont à la fois immenses et infinitésimaux.»