Mission encre noire Tome 16 Chapitre 211 Attache ta tuque ! Dans leur récent ouvrage, les trois auteurs présentés par Éric, vous parlent de leur Québec. Carl Bergeron Voir le monde avec un chapeau paru en 2016 aux éditions du Boréal prends le parti de nous raconter une année de sa vie, ici, au Québec. Dandy ouvertement déclaré et assumé, l'écrivain met sa plume éloquente et incisive au service d'un ouvrage mi-journal, mi essai, des plus acide et pamphlétaire.

Extrait:

« Je tombai alors sur un camarade qui, lui, se dirigeait en sens inverse vers l'université. Je m'empressai de lui livrer mon appréciation de Stendhal. Il m'écouta avec amitié et sourit à mon panégyrique, mais pour un temps. Mon excitation étant de toute évidence plus qu'un enthousiasme de passage, son regard se voila d'un nuage noir, puis il me demanda, avec un air de Thomas: « Tant que ça ?» Oui, tant que ça. Je frémissais comme une feuille. Je ne jouais pas la comédie.

Si j'appris une chose à l'université, c'est bien la fausseté de l'amitié intellectuelle entre étudiants.»

Nous avions déjà présenté Solomon Gursky en 2015, Mordecai Richler est de nouveau traduit par le même duo en charge de la réédition des oeuvres de l'écrivain: Lori Saint-Martin et Paul Gagné. Avec Joshua qui vient de paraître aux éditions du Boréal, nous partons à la rencontre d'un personnage qui a tout pour ne pas réussir dès le départ dans la vie. Malgré un père escroc, une mère qui descend des beaux quartiers pour tenter sa chance dans le strip tease, il saura faire face à l'adversité et sera promis à une brillante carrière de journaliste sportif. L'histoire ne s'arrête pas là, bien sûr. D'autant plus que nous sommes à Montréal avant et après 1976, le Québec n'a déjà plus le même visage.

Extrait:

« Si je choisis ces gens-là, expliqua Alvaro à un journaliste, ce n'est pas parce que je les crois meilleurs que les autres. C'est parce qu'ils ont des choses à dire. Celui qui se lève tous les matins et se rends à l'usine pour fabriquer des outils ou je ne sais quoi d'autre, que va-t-il m'apprendre de la vie ? Je n'ai rien contre ces pauvres diables, mais on ne peut pas faire la conversation avec eux, à moins de parler de foot ou des femmes.»

Les éditions La Peuplade ont publié en 2015 Nirliit de Juliana Léveillé-Trudel, un roman qui se classe parmi les 100 meilleurs livres recommandés par vos libraires sur l'année achevée. Pour ma part, je le range directement avec Panik de Geneviève Drolet, c'est dire ! Une jeune enseignante partage le quotidien des gens du Grand nord du côté de Salluit. Elle converse avec l'esprit d'une amie disparue étrangement quelque part autour du Fjord. Elle nous raconte sans plus de cérémonie, la vie des gens, là haut, leurs drames et leurs passions. Nous fonçons à toute vitesse dans les trous et les crevasses de ce Grand Nord pour prendre des nouvelles d'endroits dont personne n'a entendu parler. La lecture de ce magnifique roman crépite encore longtemps dans les mémoires une fois la dernière page consumée.

Extrait:

« Vous étiez plusieurs à rêver de la jolie Maata, plusieurs à vouloir goûter sa peau fine, son cou gracieux, la pointe de ses cheveux noirs effleurant délicatement sa nuque. Maata, seize ans à peine, Maata chatouillant vos désirs du bout de ses doigts de petite fée, Maata n'a jamais révélé le nom des hommes qui ont connu son corps, mais les murmures du village ont porté la nouvelle d'une maison à l'autre, puissants comme les vents d'automne. Tout le village parlait de toi, parce qu'on ne peut pas se faire de jardin secret, ici, tu n'as pas pu creuser un trou dans la terre gelée et y cacher ton amour immense, y enterrer ton coeur de guerrier, silencieusement, aux pieds de Maata.»