Mission encre noire Tome 30 Chapitre 350. Le fantôme de Suzuko de Vincent Brault paru en 2021 aux éditions Héliotrope. Vincent de retour à Tokyo, quelques mois après le décès soudain de Suzuko, arpente Shðwa-dori. Le temps est magnifique, les rues larges et achalandées. Il la voit. Suzuko est là, elle tourne sur l'avenue Shin-Õhashi. Vincent s'accommode difficilement du sort injuste de sa disparition, son imagination lui joue des tours. À la mémoire est liée la douleur du passé. L'oubli est impossible. Il fréquente encore la galerie d'art contemporain d'Ayumi, il déambule le long du fleuve Sumida et son fameux marché aux poissons de Tsukiji. Rien n'y fait. La panique s'empare de lui parfois. Il se souvient alors de cette touffe de poil roux et blancs qui dépassait d'une petite caisse ramenée de la fourrière. Cette tête de renarde aux poils si fins, qui a tout changé entre eux. Depuis sa rencontre à Montréal, la vie est devenue une performance, celle de son amoureuse artiste. Il se brûle à l'illusion de pouvoir jamais oublier. Car cet amour a la taille d'une ville, d'un corps, si immense et fécond que son absence le laisse tel un survivant. Si ce n'est cette jeune femme, Kana qui rentre à l'improviste dans sa vie...Vincent Brault nous révèle les liens invisibles qui tissent la relation de ce couple iconoclaste jusque dans le deuil. Dans ce roman d'une sensualité folle, où se croisent une femme aux paupières incandescentes, un peintre serbe, une taxidermiste, des flamants roses et des corbeaux, une renarde et des chats sans queue, vous resterez suspendu au fil magnifique d'un récit baigné de mystère. Avec pour mot d'ordre: dévore-moi si tu peux. Retrouvons le mécanisme des rues de Tokyo qui vibrent à l'unisson de la plume habitée, de l'auteur, ce soir, à Mission encre noire. Vincent Brault est mon invité.
Extrait:« Allongés sur le futon. Elle dessus, moi dessous. La lumière d'une lampe tamisée par un bout de tissu. Les rideaux tirés. Son corps nu, léger, délicat. Sa tête de renarde dans la pénombre scintillante. Sa truffe dans mon cou. La fourrure de ses joues. Ses crocs mordant l'arrière de mon oreille gauche. Ses gencives. De la bave. Une coulure épaisse et sanguine. Elle serrait trop fort les mâchoires sans faire exprès. J'ai voulu éloigner sa gueule de mon cou mais j'avais les poignets liés. Les chevilles aussi. Attaché aux quatre coins du futon tandis qu'elle haletait, qu'elle gémissait et mordait de plus en plus fort. «Attention, ça fait mal.» Mais elle a serré les dents plus furieusement encore. Comme un chien à qui l'on tente d'arracher un steak. Elle a grogné. Je me suis débattu en vain. J'étais bien attaché. Suzuko poussait mes épaules contre le futon avec ses mains. Ou non. Je n'avais pas réalisé qu'elle portait aussi les pattes de la renarde. Des sortes de gants lacés de la paume au poignet. Elle avait dû les enfiler à la salle de bain avant de venir me rejoindre sur le futon. Des griffes plus effilées que des aiguilles.»
Suzanne Travolta par Élisabeth Benoit paru en 2020 aux éditions Héliotrope. Marie-Josée,  une scénographe sans grande envergure, soeur d'un acteur célèbre, s'est pendue dans son appartement du Mile-End à Montréal. Suzanne est sa voisine. Depuis le drame, tout le monde donne son avis sur la disparue. De la bouche de Suzanne, petit à petit le petit monde de ce quartier symbolique de la ville se dévoile. Lors des funérailles, elle fait la connaissance des gens qui ont entouré la défunte: sa meilleure amie, Georgia, son ami d'enfance Ray et sa vedette de frère, Laurent. Un constat se dégage, personne ne peut affirmer quoi que ce soit sur Marie-Josée, ou presque. Un revolver M37 chargé dans son tiroir de cuisine et beaucoup de pilules pour dormir, Suzanne éveille également la curiosité de deux détectives qui enquêtent et place une caméra dans sa salle de bain. C'est Bob qui mène l'étrange ballet de surveillance, personne ne le connaît, il est néanmoins le seul à rechercher qui est Suzanne désespérement. S'ensuit un assemblage de récits lucides parfois loufoques, un scénario déjanté peuplé de célébrité.e.s, de mère abusive, d'enquêteurs louches et de personnes affreusement seul.e.s. je vous invite, ce soir, à nous approcher de ces personnages en apparences farfelus et d'y découvrir des nuances subtiles qui font le charme de ce roman étonnant. Je reçois Élisabeth Benoit à Mission encre noire.
Extrait: « Ray s'était assis sans dire un mot et moi-même je n'avais pas dit un mot, j'étais restée là, le coeur battant, mon livre à la main, tandis qu'il enlevait sa parka bleue. Il l'avait installée sur le dossier de sa chaise puis il avait bu deux ou trois gorgés de son café au lait sans me regarder. Il avait observé la scène autour de lui, le café un vendredi à 16 heures. Bruce et mark qui jouaient au pool, Vito derrière le comptoir qui discutaient à voix haute et tous les clients qui écoutaient malgré eux leur conversation. C'était une des façons qu'avait Vito d'asseoir son pouvoir. Ray avait fini par se tourner vers moi et m'avait demandé si je voulais quelque chose d'autre à boire, ou à manger d'ailleurs, ils ont du panettone et des biscuits, avait-il dit en jetant un coup d'oeil au comptoir où dix personnes au moins faisaient la queue. J'ai bu mon café ça va, je n'ai besoin de rien, avais-je répondu, et nous nous étions tus de nouveau. j'avais immédiatement pensé que ce que je venais de dire était brutal, je n'avais pu m'empêcher d'être brutale, comme d'habitude, il m'avait semblé comme d'habitude que j'allais dire quelque chose de tout à fait standard, ce n'est que lorsque j'avais fermé la bouche que j'avais réalisé que j'avais été brutale, comme d'habitude.»