Mission encre noire Tome 23 Chapitre 286 La marquise sort à cinq heures de Frankétienne paru en 2017 aux éditions Vents d'ailleurs. Lire Frankétienne est une expérience visuelle, sonore et textuelle surprenante et revigorante. L'écriture se fait paysage,  elle se modèle des corps femme/planète/terre pour mieux appréhender la lutte. La marquise a fui son époux misogyne et scélérat. Elle se réfugie dans son château pour mieux aiguiser ses sens, ses lames de mots pour résister aux assauts des mâles prédateurs. Ce chant est un voyage «visant à renouveler le corps social pourri proche de la gangrène». Frankétienne, c'est de la littérature tripante. Un texte qui se veut orgasme, jouissance de tout, un hymne orgiaque à la vie, à l'amour, au sexe. La liberté de ton qui enlace ces pages fait de ce texte un endroit luxuriant, tragique et charnel. Libre à vous d'en dénouer les liens savoureux. L'auteur haïtien vous invite en son île imaginaire.
Extrait:«D'un sanglot prolongé la même alarme bruyante en un défi d'orage. L'oeil et l'oeuf crucifiés, écrasés, pulvérisés en une gestuelle d'attente, une posture de douleur pour une aube en supplice. L'exubérance du corps pour que frappe le désir et que saigne le néant, le rien giclant du vide en une tension fébrile haussant le paradoxe, le contraste des orties, des candélabres, des cactus et des fleurs. Le sang et le lait brassés en mélange d'utopies et d'envies débridées. L'écorce du corps bourgeonne sous le bourdonnement de l'âme. Un incendie de fleurs traverse le temps dévoilé, décrypté, dénudé. Et l'énigme s'effrite, se dissout, s'évapore dans la béance d'une faille mystérieuse.»
Un féminisme musulman, et pourquoi pas? de Malika Hamidi paru en 2017 aux éditions de l'Aube. Alors qu'au milieu des années 2000 la question du foulard islamique émerge en France, c'est aussi le cas, ici au Québec. Un débat houleux s'installe des deux côtés de l'Atlantique et provoque des retombées politiques considérables et des manifestations assez violentes. Cet essai, bien que centré sur la France, arrive à point nommé pour aborder le thème du féminisme musulman et permettre un autre regard que celui de la peur. Oui, il existe une réflexion féminisme dans l'aire musulmane. Un mouvement de pensée qui s'est construit autour de colloques important au long des années 1990 à aujourd'hui. Il réclame un retour aux sources, aux origines de l'islam, aux rôles clés joués par de nombreuses femmes de pouvoir. Il se compose d'universitaires et d'intellectuelles qui travaillent à relire et retraduire les textes du prophète pour une égalité entre les sexes et contre les lois discriminatoires. La tâche n'est pas si facile, le patriarcat endémique défend son territoire, tout comme une large partie des courants féministes occidentaux, en réaction contre toute forme de religion monothéiste. Malika Hamidi n'évite pas la controverse, elle nous invite même à mettre en avant la femme musulmane et non pas seulement la religion.
Extrait: «Enfin le foulard islamique représente aussi le symbole identitaire de leur islamité contre une société européenne «désislamisante» qui tend à les discriminer. Il devient une façon valorisante d'affirmer une identité distincte de celle de la majorité, à laquelle il leur est de toute façon difficile de s'intégrer. Cette affirmation identitaire s'inscrit généralement dans un scénario de rupture avec les valeurs qui caractérisent la société occidentale, marquée par l'émancipation des femmes et par un certain «libéralisme» (terme employé par les enquêtées) sur le plan de la sexualité. La nouveauté, ces dernières années, concerne l'argument politique dans la lutte pour les droits des femmes jusque dans les mouvements féministes. Le foulard islamique revêt alors une dimension politique et devient le symbole d'une lutte contre l'impérialisme de la société française néocoloniale.»