Mission encre noire Tome 27 Chapitre 322. Mon ennemie Nelly de Karine Rosso paru en 2019 aux éditions Hamac. « Le monde était un texte qui s'écrivait à travers les textes des autres», démêler les fils de sa propre histoire, alors que les printemps se succèdent, raconter car il se peut que demain ce soit trop tard. Raconter, comme une urgence, toujours, pour toi, pour toutes les femmes, pour elle. Pour Nelly surement, pour la narratrice de ce premier roman ; absolument. Nelly Arcan hante les pages, une à une de sa présence, par ses textes, sa voix, son image. Revenu d'un long périple dans les Amériques, notre protagoniste s'enivre des mots de l'autrice, dont elle ignorait l'existence jusque-là, qui trouvent facilement un chemin en elle, une complicité. Si le personnage de Karine Rosso, résiste un temps à une sorte de folie noire, l'orage menace. Inscrite à l'UQAM, dans un programme similaire à celui suivi par Nelly, la narratrice épouse une vie au gré du destin de l'écrivaine. Si différente et si éloignée de l'image de Nelly Arcan, elle devra pourtant choisir entre un exil et la vie qui bat en elle. Danse avec les morts, course poursuite lumineuse à travers des extraits de l'oeuvre de Nelly Arcan, résisterez-vous à l'attrait du fantôme qui fraye les arcanes bétonnées du bunker de l'UQAM ? Y réchapperez-vous ? La lueur d'une chandelle conduit à notre studio, au bout des tunnels souterrains de l'université, pour retrouver Karine Rosso, à Mission encre noire, ce soir.

Extrait: « Si l'on se fie à ses livres, elle ne manie pas que le verbe. Voici l'écrivaine Nelly Arcan. C'est ainsi que l'animateur - celui que tu appellerais ensuite l'homme debout ou le pou - te présenta. Je ne me souviens pas de toute l'émission ; les détails importants semblent (encore une fois) avoir été effacés de ma mémoire et seuls certains moments sont gravés en moi : la chanson d'ouverture, « quand on se donne à une femme d'expérience », ta façon de ta passer la langue sur les dents avant de répondre à la première question. Je me rappelle ensuite t'avoir entendue dire qu'il y avait dans l'écriture un espace où l'on pouvait se permettre d'être laid, alors que le monde de l'image était formaté. « J'ai l'impression qu'on vit dans un monde où on consomme la féminité, avais-tu rajouté, dans un monde de Big Brother...». »

Il faisait beau et tout brûlait de Vincent Giudicelli paru en 2019 aux éditions Annika Parance Éditeur collection Sauvage. Si Benjamin, jeune homme sourd-muet, reconnaît bien ce regard qui en dit long de son frère, pour vous, il faudra chercher plus loin. Peut-être trouverez-vous des réponses dans les rues désertes et odorantes de ce bout du monde, dans les yeux bleu marine de Maria qui visite la cordonnerie familiale, dans la gène subite du frère ? Dans cette région XII, située dans le grand Sud, à l'extrémité du Chili, la vie prend une tournure inopinée, sans un mot de trop, votre respiration s'accélère. À quarante-six ans, il est trop tôt pour renoncer. À priori, dans la vie de son fils, Julien, souffrant d'amyotrophie spinale de type II, tout est désespérément à sa place. Hier encore étudiante, en partance pour nulle part et partout à la fois, aujourd'hui le temps semble s'être replié sur lui-même, la vie est devenue une mécanique diaboliquement bien huilée pour cette mère. Les vacances en Tunisie, au club Sahara, se teinte au noir, lorsque une femme, manifestement seule, s'installe près de cette famille en ruine. Un sentiment étrange la gagne. Elles se reconnaissent pour le meilleur comme pour le pire. Kim et Andrew veulent fuir la banlieue de Melbourne. Contestataires dans l'âme, ils ne veulent pas se laisser embourber dans une vie toute tracée, leur jeunesse n'est pas à punaiser sur le frigo comme un vieux souvenir. Ils choisissent donc de vivre dans les contre-allées, la vie s'est fait pour s'évader. Vincent Giudicelli nous revient, après le succès de Cardinal song, avec un recueil de nouvelles kidnappées dans le coffre arrière de ses nombreux périples autour du globe. Vincent Giudicelli est invité à Mission encre noire.

Extrait: « Dans le noir. En silence. avec une discrétion dont je ne me serais jamais crue capable. Un millier de fois cette nuit-là, une phrase est passée dans ma tête. En boucle, comme un teaser de film à chaque fois qu'on lance une vidéo sur YouTube. J'ai pensé que la vie était trop pour moi. Ce n'est pas qu'elle était trop lourde à porter, non ; c'est qu'elle prenait trop de place. En moi. Et dans mes placards du fond où je passais mon temps, que je mettais en tas derrière des piles d'emmerdes ou de démons que je me créais toute seule. On avait un toit, un boulot, une moitié, on habitait un pays libre...Ça allait, putain...Pour l'instant, ça allait.»