Mission encre noire Tome 29 Chapitre 338. 2030 de Philippe Djian paru en 2020 aux éditions Flammarion. Le beau-père de Lucie est furieux contre les tags injurieux sous les fenêtres des laboratoires SveOda. Lucie s'en fout, elle ne connaît pas la demi-mesure. Surtout depuis sa rencontre avec cette jeune femme de 30 ans, qui, sans ses nattes, ressemble plus aujourd'hui à Naomi Klein. D'autant que celui-ci, aidé par son beau-frère, permet encore la circulation du Montrazol, un poison que certains vaporisent dans les champs. Puis arrive le moment où Anton et Greg surent avec certitudes que la zone de turbulences, provoquée par une enquête administrative, serait ici pour durer. Et il ne fait aucun doute que l'un et l'autre auront beaucoup à perdre. Il fait chaud, vous allez cuire même, en cette année 2030. Vous avez l'air surpris et pourtant Greta Thunberg, ici vieillie de quelques années de plus, vous avait prévenu. Philippe Djian nous plonge au milieu d'un drame familial autour de six personnages. Un résumé d'une humanité en déroute, où même l'amour est une maison qui brûle et où la jeunesse fonce tout droit vers un drôle de vol plané. Qu'on se le dise: le business comme le sexe continuent de faire tourner le monde. L'auteur fait tinter une sonnette d'alarme pour celles et ceux qui en douteraient encore: le futur c'est déjà aujourd'hui, en pire. Philippe Djian sème parfaitement le trouble, il est notre invité, ce soir, à Mission encre noire.

Extrait: « Lucie était assise au milieu du tapis, devant la baie ouverte. La nuit tombait, il faisait lourd, oh pour ça il ne faisait pas froid, mais elle se demandait depuis combien de temps elle n'avait pas vu le soleil, un rayon danser dans le salon, une lumière directe traversant le ciel bleu. Il s'était planté devant Lucie tandis qu'elle examinait la question. respire un d'air et dis-moi ce que tu sens, déclare-t-il. Concentre-toi. Ferme les yeux. Je l'ai senti tout de suite en arrivant, j'ai même tendu la main avant de descendre. Tu veux parier avec moi, lança Aude en pivotant sur son fauteuil. Il ne va pas tomber une seule goutte dans les jours qui viennent. Tu paries. je ne vais parier de l'argent avec toi. C'est celui que je te donne. La partie manque déjà de piment, pour moi, avant même de commencer. Tu paries, oui ou non. Pas une goutte avant trois jours. Rien avant samedi soir, minuit. Lucie nous servira de juge. Très bien. On est d'accord. En tout cas, je ne sens rien du tout, annonça Lucie.»

Avec un poignard de Mathieu Leroux paru en 2020 aux éditions Héliotrope. «Welcome to fabulous Las Vegas Nevada». L'enseigne du Las Vegas Blvd est sans ambiguïté, le narrateur attend que l'image s'inscrive dans le cadre blanc du Polaroid, pour prendre conscience du glam qui l'entoure. Même si Jax, son amant actuel à Montréal, caresse encore l'idée de retrouvailles ici dans le désert, ce n'est pas son cas. Pas encore. Depuis qu'il a officialisé son projet et sa date de départ, il ne rêve que d'une chose: défier cette ville, qu'il déteste à priori. Il y a perdu son ex, et il fallait bien ça, comme distance, pour échapper aussi à la voix chétive de son père atteint d'Alzheimer. Puisque les soirées endiablées s'accélèrent, autant immerger la bête qui sommeille en lui jusqu'à la moelle. Mathieu Leroux se charge de la course. La visite alternative de la ville sera aussi, sous une apparence déboutonnée, folle et éreintante, l'occasion d'une sévère remise en question. S'il échoue dans la quête de son père, épuisé, groggy sous l'égide combinée de deux archanges improbables que sont David Bowie et Franz kafka, c'est bien à Berlin qu'il se réveille. Avec un poignard est un splendide roman qui s'offre à nous comme une proposition de trip, où il est question de liberté chèrement acquise. je reçois, Mathieu Leroux à Mission encre noire.

Extrait: « La ville semble aux prises avec un étrange mal-être, une crise d'identité perpétuelle. Trop aseptisée pour être encore interdite, trop adulte pour qu'un enfant s'y retrouve. Over-the-top, sans réussir à être complètement flamboyante. Une showgirl de papier mâché. Avec les hommes de mon téléphone, j'entretiens quelques conversations qui, faute d'être pleinement enrichissantes, ont l'avantage d'être sans complications. Pas de service après-vente, personne à blesser. Quelquefois, les échanges deviennent assez intéressants pour se rendre à une baise. Jamais une deuxième. Je bargain. Je deale le sexe comme Sab troque ses produits MAC. J'utilise les gens pour découvrir la ville et en retirer ses richesses - comme n'importe quel autre voyageur utilise son argent pour jouir d'une ville avant de la quitter.»