Mission encre noire Tome 32 Chapitre 390. J’habite une île par Rodolphe Lasnes paru en 2022 aux éditions Leméac. Montréal: 50 km de long, 16 km de large, 483 km carrés de superficie, 266 km de berges, deux millions d’habitants. Êtes-vous des îlien.n.e.s ? Quand avez-vous vu pour la dernière fois le bord de l’eau du fleuve Saint-Laurent? Avez-vous pris le temps de cheminer lentement sur ses berges, de humer ses parfums, d’essayer d’en saisir son ADN, son âme insulaire? Cette île-ville qui généralement néglige son fleuve et le dérobe à la vue de ses habitants, Rodolphe Lasnes l’a couru. Où est-il ce fleuve ? On ne l'entend pas. Pour en avoir le coeur net, il décide de faire son tour de l’île à Pied, d'une seule traite, sans retour à la maison, en sens inverse des aiguilles d’une montre. Départ du Vieux-Port, pour mieux remonter le temps, des origines vers l’est, puis rejoindre l’aval des rapides de Lachine vers l’ouest. L’homme du fleuve ne lâchera pas son eau des yeux. Rodolphe Lasnes vous propose ni plus ni moins de vous projeter en état de voyage, ici même, près de chez vous. Sac à dos léger, un carnet à portée de main, des bâtons et des chaussures de marche, avec en prime une paire de lunettes glacier qui lui permettent de ne jamais perdre le fil du temps, de l’histoire et des mots. Plus précisément, ceux de Pierre Perrault, des cageux de l’Abord-à-Plouffe ou de Réjean Ducharme qu'il garde avec lui au cours de son périple. Pourquoi faire le tour de l’île à pied me direz-vous? L’auteur vous répondra:« pour aborder les rivages, pour que les paysages se transforment en histoires». Je reçois Rodolphe Lasnes, ce soir, à Mission encre noire.
Extrait:« Un archipel, ça résonne comme un appel au lointain, une promesse d'exotisme. C'est Conrad Kirouac, un nom taillé pour l'écriture et l'aventure, qui baptisa dans sa monumentale Flore laurentienne «Hochelaga», celui dont l'Isle est le centre. Un hommage à la toponymie iroquoienne, qui d'un seul mot racontait l'histoire d'un barrage de castor géant réduit à néant par un dieu marchant vers l'amont, pour nommer les rapides de Lachine. Combien d'îles, d'îlots et de récifs dans l'archipel d'Hochelaga? Deux cents, deux cent trente-quatre, trois cent vingt ou trois cent vingt-cinq, personne ne s'accorde. Bien assez de toute façon pour se perdre dans un dédale de canaux et mettre pied sur des berges en se prenant pour un explorateur. L'île à l'Aigle, l'île au Diable, l'île aux Chats, l'île à la Truie, l'île à Pinard, L'île Claude, l'île à Thomas, l'île aux Canards, l'île Sunset, chacune son histoire, avec parfois la toponymie pour seule mémoire. Des îles privées, des îles désertes, des îles squattées, des îles cultivées, oubliées, préservées, interdites ou surpeuplées. Autant d'îles à habiter, autour desquelles s'abandonner à marcher.»
La culture du divertissement, art populaire ou vortex cérébral? Par Sébastien Ste-Croix Dubé paru en 2022 aux éditions Alias. Cette présente édition est une réédition en version augmentée de l’ouvrage par en 2018 chez Varia. Qui de nos jours ne se permet pas un moment de relâche. On épluche Netflix, on allume la PS5, on déroule Facebook voire Instagram ou TikTok. Jusque là tout va bien ou à peu près. Si ce n’est que la journée se termine. Nous avons passé 3h30 de consommation télévisuelle, 1h40 de radio, 2h00 de réseaux sociaux, 1h00 sur YouTube, 30 min de jeux vidéo, une consommation totale de médias électroniques de 11h00 par jour par américain en 2016, à 12,5 au cours de la pandémie. Qu’est-ce donc qui nous pousse à tant à nous distraire, à rechercher le spectaculaire? Que se cache-t-il derrière notre surconsommation de divertissements en tout genre? Sébastien Ste-Croix Dubé s’inscrit dans la lignée de Guy Debord, de Jean Baudrillard, de David Foster Wallace, de Gilles Lipovetsky, voir Georges Lucas ou Noam Chomsky, pour tenter de définir ce que représente cette culture du divertissement. Et pourquoi pas, pour être à même de la comprendre et d’être capable de se prémunir contre ses effets néfastes. Nous rejoignons la lumière ou le côté obscur de la force, ce soir, aux côtés de Sébastien Ste-Croix Dubé, qui est invité à Mission encre noire.
Extrait:« Qu'est-ce qu'un blockbuster? C'est un film à pop-corn. Mais encore ? c'est une production brillamment patentée pour être populaire et spectaculaire. Il s'agit d'y doser habilement l'action, les effets spéciaux, les vedettes, les stéréotypes, l'amour poignant et les fusils. J'ai travaillé dans un magasin de location de films dans un village lanaudois durant mon adolescence. J'ai même vécu la transition du VHS au DVD. Et ma fille connaît présentement la fin du DVD. Je mettais régulièrement au défi la clientèle de me trouver un film d'action ou d'aventures sans fusils sur la pochette, et personne n'y parvenait ! La sélection de ce club vidéo était évidemment orientée vers les superproductions. En fait, le fusil est un peu aux affiches de film d'action ce que le cumshot est à la pornographie. Il évoque un code archétypal du film à pop-corn. S'il y a un fusil, il y a de l'action. S'il y a de l'action, il y a forcément des moments de divertissement, à l'extérieur de la sphère psychologique des personnages.»