Mission encre noire Tome 25 Chapitre 302 De synthèse de Karoline Georges paru en 2018 aux éditions Alto. Image est tiré du latin imago pour «masque mortuaire» ou bien le stade final du développement chez un individu. L'image réinvente la vie par l'oeil, par son reflet dans un miroir, dans un écran. Dans un futur si proche, Anouk est l'avatar que se choisi la narratrice, qui tel un ange, lui permet de survoler son monde loin de la morosité du nid familial. En vain. Alors qu'elle sculpte ce visage virtuel, l'annonce de la maladie incurable de sa mère vient modifier sa quête d'absolu. Malgré elle, de nouveaux ponts se créent entre elle et sa famille, entre le corps biologique et son avatar. Récipiendaire du prix du Gouverneur Général 2018, Karoline Georges nous invite au milieu des paysages glacés des mondes virtuels et des hologrammes. De synthèse est un roman sur l'enfance, la mémoire, le malheur et l'espoir. Anouk et la narratrice, l'une se pose sur l'autre pour mieux s'envoler, c'est beau et douloureusement planant. Karoline Georges est notre invité à Mission encre noire.
Extrait:«Ma mère répétait souvent que c'était peut-être pire que la religion, cette nouvelle vénération des guédailles de la télévision. Les premiers temps, c'était le surnom d'Olivia. C'était à la sortie du film Grease. J'ai dû passer une semaine à tenter de reproduire la chorégraphie finale du film, celle où Sandy change complètement d'image et devient une femme fatale qui suscite l'hystérie. Cette scène m'a survoltée. J'étais tellement excitée de voir mon idole prendre une apparence nouvelle qui lui insufflait un pouvoir inédit, comme Wonder Woman qui tournait sur elle-même pour faire disparaître sa fausse identité de femme ordinaire et révéler ses véritables couleurs. Ou comme Jinny, qui savait porter les robes qui lui permettaient de dissimuler sa nature magique et de se fondre dans son époque, mais qui, d'un clignement de paupières, retrouvait elle aussi sa percutante apparence intemporelle. Je percevais dans ce spectaculaire changement d'image rien de moins qu'une renaissance. Une apparition miraculeuse, comme Jésus pendant la Transfiguration.»
Les écrivements de Mattieu Simard paru en 2018 aux éditions Alto. La vie de Jeanne, 81 ans, prend un virage à 180 degrés, lorsqu'elle se lance sur les traces de Suzor, son amoureux qui l'a quitté brusquement il y a quarante ans déjà. Gravement malade, atteint d'Alzheimer, il se terre quelque part, elle décide de le retrouver coûte que coûte, pour réconcilier leur passé. Elle s'était pourtant promis de ne jamais le chercher. Malgré son âge et sa fatigue, Jeanne, aidée par une jeune complice, Fourmi, défie l'urgence dans la lenteur. À l'échelle de ces deux personnages, la vie défile autrement. Fourmi revisite le passé de Jeanne et de Suzor à travers un carnet qui relate leur rencontre improbable, le terrible voyage en Russie en 1959, le trou dans le mur de la cuisine, les boutons trouvés sur le trottoir. Dans un Montréal enneigé, Matthieu Simard, permet à Jeanne d'écrire l'une des plus belles pages de son carnet, celle où ses yeux brillent joyeux et invincibles. Matthieu Simard est notre invité à Mission encre noire.
Extrait: «Tu te souviens, au tout début de nous, quelques jours seulement après que nos lèvres se sont réunies pour la première fois, nous nous étions assis dans la neige au parc La Fontaine. Tu avais aperçu à ta gauche un petit bouton noir tombé d'un manteau. Tu avais souri et tu m'avais dit que tu étais triste pour lui, parce qu'il avait perdu ses amis, les autres boutons du manteau. Je t'avais rassuré en te disant que les autres étaient méchants et que son exil était volontaire. C'était un héros, ce bouton là, un battant qui ne se laisserait jamais attacher. Tu avais rajouté des détails, parlé de ses parents qui s'étaient rencontrés entre deux manchettes, de ses études, de ses ambitions. J'avais mis le bouton dans ma poche. Pendant vingt-cinq ans, chaque fois que tu voyais un bouton, tu faisais semblant de pleurer, pauvre solitude, et moi je lui inventais une histoire rocambolesque pour te rassurer. Tu en rajoutais et je finissais toujours par m'attacher plus que toi et être triste pour les boutons, eux qui avaient une si belle histoire de famille. Nous riions.»