Mission encre noire Tome 36 Chapitre 391. Glu par Clémence Dumas-Côté paru en 2022 aux éditions Les Herbes Rouges. Glu: nom féminin. Colle forte.Matière végétale visqueuse et collante, comme pour piéger les oiseaux. Personne importune, indiscrète. Il y a un peu de tout ça dans les liens qui relient Théo, Simon et la narratrice. Depuis sa séparation, elle s’occupe de Bébée, 2 ans, une semaine sur deux, qui pleure parfois, trop, pendant des heures. Ça lui arrive de l’oublier, de la laisser jouer avec un tesson de verre, de l’empêcher de sortir de sa chambre aussi. Ou peut-être est-ce le produit de son imagination. En revanche, un soir de mai, un mercredi pour être précis, un voisin, Simon, se laisse tomber du toit. Que s’est-il passé? Entre quelques promenades salutaires dans Parc-Ex, la nuit, et le long du chemin de fer, à côté du Parc Jarry, elle se découvre aimantée par cette histoire. Elle décide alors de retracer le chemin du voisin de son voisin mort, quelque part elle revit. Théo, pourrait lui donner des réponses aux questions qui l’obsèdent. Toutes sauf une: qu’est-ce qui la retient de commettre, elle aussi, l’irréparable? Son quartier, c’est Parc-Extension, depuis huit ans. Elle y vaque entre vêtements indiens à vendre et pâtisseries grecques en essayant de faire correspondre les morceaux brisés de son monde fissuré, en se branchant à cette imperceptible source, à cette Glu, pour refuser l’appel du vide. J’accueille ce soir, à Mission encre noire, Clémence Dumas-Côté.
Extrait:« Depuis que j'ai lu Le petit Chaperon rouge à Bébée, elle me parle de chair fraîche au lieu de peau. «Et le loup sentit l'odeur de la chair fraîche et s'approcha de la fillette qui cueillait des fleurs sauvages sur le bord de la route.» Bébée dit: «Veux Maman chatouille chair fraîche moi.» alors on joue longuement, parmi les couvertures. Je me vois à travers des éclats qui surgissent dans son visage, le temps d'une seconde. La terre fait un tour sur elle-même, encore une fois. Le loup a faim de la chair fraîche. Elle lui fait perdre la tête, au loup, elle lui donne envie de lâcher toute quête initiale pour en débusquer l'origine coûte que coûte et s'y relier. Je peux moi aussi ressentir cette faim, mais autrement. J'ai faim d'un cercle qu'on tracerait dans l'air avec le doigt. Je ne suis plus moi, je suis une loupe. Un jour, je glisse mon index sur les étagères poussiéreuses de l'échoppe de M.Sokoloff jusqu'à attraper une paire de gants en satin doré qui m'interpelle. Ils me happent. Je ne peux que les enfiler. Ils sont devenue accessoire. Alors, mes mains insérées en eux, je suis un peu moins affamée.»
Bizarreries du banal, 13 histoires étranges par Éric C. Plamondon paru en 2022 aux éditions Sémaphore. Bizarre: qui est inhabituel, qu’on explique mal. D’un caractère difficile à comprendre, fantasque. Pour une première œuvre de fiction l’auteur n’a pas froid aux yeux. Comment à partir de situations qui a priori peuvent sembler ordinaires, un simple détails relevé au hasard, donne une porte d’accès inédite vers la fiction ou plutôt nous révèle une serrure par laquelle la plume de l’auteur va jouer au passe-partout. 13 histoires étranges estompent un instant le lien tangible qui unit les faits observés et la réalité pour mieux y revenir. Un type étrange, qui hésite à aller skier, et choisi la terrasse, pour relaxer. Qui cherche-t-il ?  est-t-il vraiment ce qu’il prétend être? Ce réparateur télé qui s’était juré de ne plus retourner chez cette vieille femme, hésite encore, pourquoi donc ? Il peut être périlleux de jouer avec le paranormal en particulier lorsque l’on choisi Miss Marple, l’héroïne d’Agatha Christie. Et si une paire de lunette d’un nouveau genre nous permettait de retrouver à coups sûr les objets égarés et plus encore, cela changerait-il la face du monde? 13 nouvelles singulières promettent de jouer les trouble-fêtes dans votre rythme de lecture. Si le doute s’installe, si le récit relève le défi de fustiger les attentes, c'est pour mieux en révéler les points de chute. Lorsque l’étrange se faufile au cœur du quotidien, j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Éric C Plamondon.
Extrait:« Il y avait déjà quelques semaines que je l'observais, et j'en étais persuadé: ce type parlait aux ascenseurs. Pas pour vrai, bien sûr, et pourtant il se positionnait toujours à l'avance et avec exactitude devant l'ascenseur qui ouvrirait ses portes en premier. Dans une tour de bureaux où six ascenseurs se font face, il est normal qu'on tombe parfois sur le bon, mais pas à tout coup. C'est impossible. Le jour où je l'ai remarqué pour la première fois, j'avais décidé de changer l'heure de ma pause, la cafétéria étant trop achalandée à mon heure habituelle. Je m'étais félicité de cette décision, car nous n'étions que trois à attendre l'arrivée d'un ascenseur au lieu d'une douzaine. Puis un type que je n'avais jamais vu est arrivé de la partie ouest de l'immeuble et a marché d'un pas ferme vers l'un des six ascenseurs. Nous nous sommes tous trois automatiquement rendus à ses côtés, croyant qu'il avait vu ouvrir les portes. Mais elles étaient closes.»